L’Administrateur arriva, torse et pieds nus, sans bâton de marche ni canne, les cheveux épars. Il boitait affreusement lorsqu’il n’avait rien pour le soutenir. Il claquait des dents et avait le nez bleu à cause du froid et de son très léger habillement. Il avait été réveillé en catastrophe un quart d’heure auparavant, et n’avait pris le temps que d’enfiler un pantalon avant de suivre celui qui l’avait averti du problème. Tout au long de la marche, qui avait été horrible à cause de la douleur, il avait tenté d’en savoir plus, de savoir ce qui s’était passé avec certitude. L’homme avait essayé de le lui décrire, mais il n’avait pas trouvé les mots.
Ce fut seulement une fois sur place qu’Ergan Dialon put se rendre compte de toute l’étendue des dégâts. Deux morts évitables et imprévisibles. Deux morts complètement stupides. Se faire tuer par des bêtes sauvages alors qu’on se croit en sécurité… Il entreprit de faire le tour du carnage. Lorsqu’il s’appuyait sur sa bonne jambe, il faisait sa taille normale, mais le pas suivant, il manquait de tomber. Malgré tout, il compta les fourrures qui provenaient de ceux qui avaient attaqués le campement. Un, deux, trois, quatre… dix, onze, douze… vingt deux, vingt trois… Il arrêta. Le chiffre exact n’avait pas beaucoup d’importance, ce qui comptait c’était ce chiffre ci : Deux. Le nombre de morts, auquel il fallait rajouter les blessés.
L’Administrateur aurait voulu prendre en main les opérations, mais il n’en avait pas le courage. Premièrement, l’évènement était trop frais et trop énorme pour qu’il ait le temps de le digérer. Son handicap l’empêchait de rebondir tout de suite sans temps d’arrêt. Ensuite, il était tôt, et Ergan Dialon s’était couché tard. Enfin, il faisait froid, et lorsqu’on est torse nu et qu’on foule l’herbe tachée de sang avec ses pieds nus, on le sent très bien. Ergan Dialon regarda les gens s’agiter autour de lui, sans le voir, sans le consulter. Et il était incapable de prendre une décision.
Mais où, où avait il donc fauté ? Pourquoi le campement avait il été la cible de bêtes sauvages ? Et surtout : Comment aurait on pu le prévoir ? S’il avait su, Ergan Dialon aurait ordonné l’élévation de remparts de terre, aurait organisé des patrouilles. Si on l’avait prévenu, si on l’avait vu venir.
Au lieu de ca, deux morts stupides avaient eu lieu, et des hommes étaient temporairement invalides, à l’instant où l’on avait un besoin critique d’hommes valides.
Où était la faute ?