Une nuit sous Hegoa...

Amiguel tenait son luth à la main. Lui et Lysandre avaient quitté le Mausolée, et il en avait profité pour passer un instant à son domicile pour prendre son luth, qu'il ne sortait qu'en de rares occasions. Il avait fait attendre quelques instants la jeune femme. A présent, lui et elle se trouvaient au beau milieu de la place d'Ires, et il lui présenta la petite place que prenait son échoppe: au coin, à l'extérieur, un établi de quoi poser les quelques denrées qu'il avait à échanger.

- Voilà où je travaille. Ce n'est pas le Mausolée, mais je m'en contente...

* ... pour le moment. *

Il désigna les diverses lanternes qui éclairaient de manière faiblarde les lieux. Absolument personne ne se trouvait là.

- Vous vouliez voir, et bien vous pouvez voir... J'espère que tout ceci ne vous aura pas coupé l'enthousiasme. Je ne suis pas pauvre mais parfois j'en ai l'impression. Ca touche mon moral. Il serait regrettable qu'il touche le votre.

Il observa un instant la place: des stands, des échoppes externes, des boutiques, et des habitations un peu partout autour ou en plein centre de la cour. Son quotidien. Sa vie. Son ennui.
Il désigna ensuite un carré d'espace vert qui était accessible par le coin de la place. Un grand arbre trônait au centre d'une petite colline.

- Voulez-vous y aller un instant ?

La pluie commença à tomber doucement.

- Il n'y a pas d'éclairs. L'arbre nous protégera de l'eau. Et je pourrai vous faire entendre quelques uns des mes airs favoris, temrina-t-il en levant son luth.

L'instrument était merveilleux: semblable à une guitare en plus mince, il était largement rond, et de nombreuses torsades et arabesques de chênes fluctuaient sur sa surface. Les cordes semblaient briller d'une reflet argenté. Le commerçant savait en jouer comme un virtuose.

- Ca vous changera des derniers accords des musiciens de la fête...

Il adressa un sourire à la jeune femme. Déjà, leurs cheveux étaient trempés.

Sous l'arbre, les odeurs de cette nature où s'infiltrait la pluie leur paraissaient accentuées. L'herbe sous leurs corps était tendre et prouvait déjà que l'Hiver seraient bientôt là. Plus aussi verdoyante qu'au Printemps, elle semblait cependant profiter des derniers instants d'une météo plutôt clémente, et apprécier l'averse qui amenait fraicheur et musique. Lydandre avait relevé le menton, afin de faire entrer plus facilement les arômes graves que laissait échapper l'ondée, et avait un instant fermé les yeux.

Mieux encore que la Fête d'Hégoa, il semblait qu'un peu d'eau serait propice à une salvatrice pause dans un univers devenu trop oppressent ; La décadence des sons de la Cérémonie, et les dérives des Olarils avaient transformés un agréable instant en quelque chose de plus sulfureux, de moins tranquille, comme pesant sur l'Hirune. Désormais, les gouttes de pluie se faisaient plus pures, plus tendres... Elle avait sur le visage un sourire moins maternel que celui éprouvé pour Gwyddion, mais la tendresse y était toujours présente.

« Je t'en prie. » Répondit-elle simplement, lorsque le commerçant lui demanda si elle souhaitait l'entendre jouer de son luth. Les Hirune n'étaient pas de bons musiciens... Luminara avait échappé à cette règle, et Lysandre avait toujours eu une sorte d'admiration jalouse devant ce talent. Même si cet art n'avait pas réellement son intérêt personnel, elle trouvait que savoir manier les instruments était un don qu'il était plaisant d'avoir.

En baissant les yeux, l'Héritière des Olarils put observer le Luth du Garthésia. Elle avait à avouer ne jamais avoir été tentée d'essayer à jouer, tant elle s'en sentait incapable et qu'elle estimait ne pas être faite pour autre chose que la Chasse et Gouverner. Du moins, était-elle ignorante de l'art de la musique, mais elle n'en était pas moins admirative de ceux qui étaient érudits.

Leurs peaux, leurs cheveux étaient en effet trempés, mais cela ne semblait pas réellement les affecter. Tout au plus, Lysandre appréciait la fraicheur de l'eau de pluie, et ne trouvait pas qu'Amiguel en souffrait. Lorsque les premières notes allèrent à ses oreilles, l'Hirune se surprit à sursauter, touchée par la mélodie. Il était si incroyable de penser que pareils sons pouvaient provenir, selon elle, d'un vulgaire morceau de bois. Ses yeux s'agrandirent alors qu'elle observait les doigts du jeune homme, comme hypnotisée.

« Tu joues divinement bien. » Rarement, Lysandre se trouvait sans voix. Et elle pouvait affirmer ne pas vouloir gâcher de ses mots les notes que produisaient l'objet qu'elle examinait avec un œil brillant d'admiration.

La musique semblait avoir un effet reposant sur la jeune femme, qui perdait des fougues attitudes dont elle était peinte quotidiennement. La farouche Chasseresse était désormais moins brutale dans ses positions, et les courbes faisaient place aux lignes droites rigides. Pourtant, bien des fois elle eut à entendre jouer des artistes, et l'émotion avait été souvent présente. Ce soir cependant, était-ce les paroles avisées d'Amiguel, conjuguées aux ressentis produits ce soir de Fête, qui rendait Lysandre plus sensible aux sonorités du Luth ?

La pluie redoubla d'intensité, mais l'absence d'orage leur garantissait de ne pas être surpris par la foudre. Déjà, les feuilles fauves de l'arbre se laissaient marteler par les grosses gouttes, et certaines se détachèrent de leur branche pour venir choir sur l'épaule du Garthésia.
Aussitôt, la Chasseresse se pencha pour la déloger, et espérer que cette intrusion dans la sphère musicale qu'il avait créé ne l'empêche pas de jouer, ou ne le stoppe.

Les premiers sons de son morceau étaient sortis doucement de l'instrument. Puis, peu à peu, la douce mélopée s'était élevée à travers les branches des arbres, harmonieuse et lancinante, pour s'évanouir dans la pluie et dans les cieux.

Le Garthesia laissait échapper tout son talent dans sa musique, prêt à n'importe quel risque musical pour faire plaisir à son chef.

La nuit était profonde, la température fraîche, l'arbre protecteur. Une nuit idéale. Au loin, les faibles derniers sons de la fête d'Hegoa se faisaient entendre, et, tandis que l'eau battait l'herbe mourrante, les grillons dérangés émmettaient leur son litanique et apaisant. la musique, rythmée par la pluie et les grésillements des insectes, semblait s'harmoniser parfaitement avec l'herbe, l'arbre, le ciel, la nature...

Ce fut probablement ce qui troubla Lysandre Hirune.

- Tu joues divinement bien.

Elle semblait être profondément touchée par les sons qui émanaient de l'instrument merveilleux. Amiguel l'observa un instant, les yeux dénués de toute folie, comme absents, perdus dans la mélodie qui emportait leurs deux coeurs. Les sons s'entremêlaient et se joignaient dans un tout fabuleux. Le Garthesia lui-même apprenait qu'il jouait mieux encore qu'il ne l'espérait. Il laissa ses doigts glisser sur les cordes, les pincer et les relacher avec une assurance et une hésitation complémentaires et pourtant si divergeantes.

Alors, comme pour répondre à la musique, et participer à l'harmonie naturelle qui prenait place sur la petite colline, la pluie s'abbattit plus fort sur l'herbe, tout autour d'eux. Des feuilles mortes quittèrent leur branchage et deux d'entre elles se posèrent doucement sur sa tunique rouge et or. Il les observa, alors que la chasseresse s'approchait de lui pour les lui ôter.

Instant d'absence.

Amiguel frémit légèrement ,sans réellement comprendre pourquoi, alors que la jeune femme s'approchait. Il n'arrêta pas la mélopée, et la poursuivit tout en observant la jeune femme dans les yeux.

* Qu'est-ce que... ? *

Sa proximité, alliée au temps mélancolique et à la musique qu'il créait, produisait sur lui un effet étrange, qu'il n'avait que trop rarement ressenti. Il ne comprit pas.
Il laissa la jeune femme lui enlever les feuilles, puis continua son morceau. Qulques minutes s'écoulèrent, puis il y mit fin. Seule, la pluie tambourina sur l'herbe. Les derniers irréductibles grillons redoublèrent de grognements.

Amiguel Garthesia se tourna vers la jeune femme.

- J'espère que cela vous a plu. Voulez-vous essayer ?

Sans attendre de réponse, il se plaça derrière elle, s'adossa à l'arbre et lui mit le luth dans les mains. Il passa ses bras autour de son corps et lui prit les siens. Alors, il les positionna convenablement, et lui indiqua les mouvement de base.

- Une main pour pincer, une autre pour coincer.

Il réduit l'écart entre les deux corps, et sa tête se plaça à côté de celle de son chef, posée sur l'épaule du haut de cuir de la jeune femme. Il la fit pincer quelques cordes. Des sons égarés vibrèrent dans le luth.
Son torse était apposé contre le dos nu du chef d'Arestim. La pluie se lacha littéralement. Elle martelait le sol, tandis que quelques gouttes commençaient à les atteindre. Rien de bien méchant, au contraire, l'ensemble était agréable.

Les grillons se turent.

Lysandre n'avait pas eu le temps d'apporter sa négation à la proposition du joueur de Luth. Elle ne souhaitait pas apprendre à dominer cet instrument et s'en sentait tout bonnement incapable. Malgré tout, elle doutait qu'il s'agisse du bon endroit, du bon moment pour correctement s'entraîner. Mais elle n'eut le temps de rien, ni de le contredire, ni de s'écarte ou de le stopper dans son élan, malgré la vivacité dont elle savait faire preuve : elle avait été prise au dépourvu, totalement surprise.

Déjà, il était dans son dos, si proche d'elle qu'elle sentait son souffle sur sa nuque, et son buste contre son dos. Cette sensation la fit sursauter, peut être plus que l'étonnement de le voir si vite entreprendre l'apprentissage du Luth. Lysandre n'était pas des femmes qui craignaient les contacts avec des hommes -peu d'Olariles l'étaient cependant- mais ce fut si vif qu'elle s'en trouva troublée un instant.

L'atmosphère étrange y était également pour beaucoup dans cette sensation pesante et humide, l'averse étant plus soutenue encore qu'au paravent. La pluie cependant n'arriva pas à se faire plus bruyante que les notes, malgré que l'Hirune ne fasse que répéter les gestes d'Amiguel sans le contredire. Il était trop tard pour désormais lui ordonner de cesser, et elle tourna ses yeux vers ce visage si proche d'elle. Sa présence, dans son dos, était envahissante et l'enveloppait presque, comme une ombre qui l'entourait, à la fois rassurante et intrigante.

N'osant plus parler, de peur de perdre l'attention minime qu'elle avait sur les cordes, Lysandre se concentra sur l'instrument, se forçant ainsi à ne plus songer à la proximité du Commerçant. Certes, elle n'en était pas indisposée, mais il y avait quelque chose de lourd et de palpable, comme un funambule sur un fil, qui menaçait de tomber, ou de courir le long de son calvaire.

Pincer les cordes n'était pas une chose compliquée, elle s'étonnait encore qu'un simple geste comme celui-ci puisse produire un tel son, malgré que ce qu'elle effectuait était loin d'être très subtil. Lorsque les insectes eurent cessé leur sérénade, l'Héritière d'Arestim se sentit moins à l'aise. Sans doute cette atmosphère créait également en elle d'étranges sensations, la rendant moins assurée et plus calme à la fois. La pluie transperçait désormais chaque feuille et l'arbre n'était plus d'un grand réconfort. Pourtant, rien dans cette ondée n'était désagréable, comme si elle lavait beaucoup d'émotions négatives pour ne laisser que de vagues ressentis plus flous.

« Je n'ai que peu de talent pour ces choses-là... »

Elle avait été gênée par un son disgracieux, qu'elle avait créé bien malgré elle de ses doigts hasardeux sur les cordes. La fausse note était encore présente à ses oreilles, elle estimait que s'acharner à vouloir la rendre douée pour la musique était une chose vraisemblablement contre nature. Néansmoins, elle n'était pas décidée à l'affirmer auprès d'Amiguel. Peut être ne souhaitait-elle pas briser immédiatement cet apprentissage, qui les avait rendu tous deux bien différents de ceux qu'ils étaient lors de la Fête.

La pluie tombait, inlassablement, inexorablement. Le silence de la nature, mêlé au battement des gouttes d'eau sur l'herbe, et aux sons épars produits par l'instrument. L'atmosphère était à la fois lourde, mystérieuse, et légère, comme évidente. Une goutte vint éclater sur le front d'Amiguel. Le jeune homme tourna la tête vers sa récente "élève". D'une voix empreinte d'un ton grave et monotone, il déclara:

- Une erreur survient toujours, Lysandre, même dans les doigts d'un virtuose...

Il releva la tête, observant le ciel pluvieux et les nuages noirs de la nuit. Aucune étoile. Une Lune absente. Une nuit de Lune Morte. Une nuit parfaite. Une nuit sous Hegoa. Ses yeux se fixèrent dans l'immensité nébuleuse, et, comme hypnotisé, le jeune homme resta un instant, cessant de guider la jeune femme dans ses mouvements, le regard vide.

Après ce moment de stupeur, il abaissa le visage, avant de le tourner vers la jeune femme. Il reprit ses doigts en main, et resserra son étreinte. Probablement pouvait-elledésormais percevoir les battement de son coeur. Lui pouvait sentir les siens.
Le commerçant continua à lui montrer les fondements du maniement du luth, pendant de longues minutes, dans le silence.

Il pouvait sentir son parfum... Voir ses formes... Toucher son corps... Entendre sa respiration... Il ne manquait plus que...

La pluie gagna en intensité, faisant dans un même temps gagner en mélancolie et en intimité à la scène. Dans le cocon que présentait les branchages face à la pluie, ils seraient au calme...

Amiguel Garthesia fit lacher le luth à son chef. Il le posa au sol, près d'eux.

- Le talent... Est fugace...

Il posa sa main sur le visage de Lysandre Hirune.

- Ne vous y fiez pas... Comme les apparences, le talent fait partie de la palette des tromperies...

Le commerçant approcha son visage de celui de la chasseresse.

- Et vous savez qu'il ne faut pas se fier aux apparences...

Il posa ses lèvres contre celles de la jeune femme, et l'embrassa. Amiguel Garthesia goûta à Lysandre Hirune...

La rapidité absurde d'une telle scène, comparée à l'impression déroutante d'une langueur pesante qui s'imposait dans l'esprit de la Chasseresse, l'avait complètement déroutée. Elle qui de coutume était si prompte à prévoir les changements de direction ou les réactions instinctives animales, s'était laissée largement surprendre... Et pourtant, n'avait-elle pas réellement prévu ce qui était en train de se passer ?

Depuis qu'il l'avait empêchée de salir encore la réputation des Hirunes face aux insultantes phrases des Olarils dans le Temple d'Hégoa, depuis qu'il avait entreprit de flatter chaque geste ou chaque morceau de peau qu'elle pouvait laisser voir face à lui, ou depuis qu'il avait glissé ses mains sur les siennes pour s'adonner à l'apprentissage de la musique dans cette atmosphère si particulière, Lysandre Hirune avait eu le pressentiment qu'elle aurait à sentir la pulpe tiède et langoureuse des lèvres d'Amiguel.

Aussi ne fit-elle rien pour faire cesser ce contact, rendant au Commerçant les élans qu'il maintenait mais sans pourtant engager plus encore de contacts que ceux qu'imposaient ce baiser. Elle ne pouvait nier que ce geste libérait un certain nombre de désirs, la simple curiosité de connaître comment tout ce jeu allait finir, ou la plaisante sensation de piquer plus encore l'intrigante attention qu'il produisait chez la jeune femme.

L'averse tambourinait tant qu'il n'entendit certainement pas le froissement du cuir. Il ne dut que sentir que le corps de sa compagne qui bougeait, tout autant que ses lèvres s'embrasaient, pour qu'elle se positionne au dessus de lui, encore assise mais bien plus haute, le forçant à tendre le visage pour ne pas rompre ce contact ardent. Aussi brûlante que la chaleur que laissait passer Lysandre en Amiguel, soudain, la lame glacée d'une dague vint se loger contre la glotte du Garthésia.

En ouvrant les yeux, sans doute, put-il voir les deux billes acérées de la Chef Hirune, fixement incrustées dans son regard, d'une perfide intensité, d'une vibrante expression de supériorité où transpirait bien plus encore un désir malsain mais espiègle. Le baiser cessa lorsqu'elle se détacha de ses lèvres, en restant à quelques millimètres de lui, leur souffle s'échangeant encore.

« Qui penses-tu être pour ainsi te permettre de posséder les lèvres du Chef d'Arestim ? » Souffla-t-elle. Dans sa voix, quelque chose de suave et provoquant, alors qu'il était déconseillé au jeune homme de bouger d'un centimètre, tant la lame piquait presque sa peau.

L'atmosphère avait-elle cessé toute emprise sur Lysandre ? Les lèvres qu'elle posa à nouveau sur celles d'Amiguel semblèrent prouver que non ...

Le Garthesia se laissa aller dans le baiser qui lui était visiblement rendu. Entre la châleur de leur corps et la fraîcheur de la pluie, Amiguel ne sut plus vraiment, l'espace d'un instant, distinguer les éléments de son environnement. Si tout autour de leur deux corps, un véritable brasier les étreignait, des gouttes de fraîcheur émanaient de la bouche de sa compagne, et il s'y accrochait, comme si il espérait ne pas subir les flammes de leur passion...

Puis, la fraîcheur de la dague. Il tréssaillit un infime instant.

* Rapide... Je n'ai rien vu... Digne d'Hésione, de ce que j'en sais... *

Elle s'éloigna quelque peu. Son souffle dans le sien, le baiser était interrompu, mais pas terminé. Les paroles tranchantes. Plus, peut-être que la lame qui était posée contre sa pomme d'Adam. Puis, à nouveau le baiser. C'était là la preuve qu'il pouvait bouger sans se faire immédiatement égorger...

Duplicité et ambiguité. La chasseresse semblait vouloir reprendre le contrôle tandis qu'il se tordait le cou pour ne pas laisser échapper ses lèvres...

* Va-t-elle laisser la dague... ? *

Il interrompit un instant la scène. Il s'écarta de quelques centimètres. Un sourire s'afficha sur son visage. La démence sembla gagner à nouveau son regard. Il lui vola un bref baiser. Son sourire ne s'effaça pas. Il était comme... Confiant... Ou peut-être désireux de défi ?

- Je ne suis rien, Lysandre... Rien du tout...

* Pour le moment. *

Farouche et sensuelle... Une chasseresse devait être une chasseresse, après tout...

- Je ne suis que votre loyal sujet...

Il se releva, embrassant langoureusement sa compagne une nouvelle fois, l'entraînant dans son ascension. Le rapport de force était inversé, elle devait lever le bras pour plaquer la dague.

- Et vous êtes mon chef... Ma Dame... Ma Reine...

Sans se soucier du couteau qui commençait à lui entailler la gorge, il la fit ploire et s'allonger sur l'herbe mouillée. Il l'accompagna doucement, sans chercher à ôter la lame d'acier, et ne cessa pas de l'embrasser. Alors, il posa une main sur sa hanche, et la fit remonter peu à peu, lentement, sur le corsage de cuir...

Comme elle l'avait dit plus tôt il était libre, libre de rester ou de la suivre. Et il ne savait pas pourquoi, mais après être resté seul un instant au sein des fêtards il ne put supporter la situation d'avantage et tournant brusquement les talons, renversant un ivrogne au passage, il sortit de la salle à la suite de sa grande soeur, et de cet homme qu'il n'appréciait pas du tout. Mais par où aller? Il leur avait laissé trop d'avance pour pouvoir les pister... Allez, réfléchi Petit Frère il doit bien y avoir quelque chose qui... la voix de Lysandre retentit dans son esprit.

« Allons, fais-moi visiter ta boutique. »

Mais oui, et elle l'avait dit assez fort pour qu'il l'entende, et lui l'esprit trop occupé par les tumultes qui l'occupaient n'avait pas saisi directement. Il se calma et se dirigea vers la place des Ires, si il était question d'une boutique c'était là qu'ils devaient se diriger.

Et c'est là qu'il les trouva. Il ne commit pas deux fois la même erreur, peu lui importait de savoir ce qui se disait, il voulait juste les garder à portée de vue. Il se posta donc dans un coin noir entre deux bâtiments évitant soigneusement les zones d'éclairage des lanternes et observa. Alors que la pluie commençait à tomber il les vit tous les deux passer et disparaître dans un coin de la place des Ires. Lysandre n'avait pas changé, mais le type avait quelque chose dans les mains que le jeune Hirune ne put identifier. Une fois qu'il ne les entendit plus, il se dégagea de l'ombre et se dirigea vers où s'étaient échappées les deux personnes. En chemin il rajusta sa cape pour le couvrir entièrement et rabattit la capuche qui y était attaché. Ce vêtement de cuir très sombre en plus de le protéger de la pluie et du froid, lui offrait un camouflage supplémentaire compte tenu de la couleur des murs de bois et de terre et le manque de lumière.

Il put appercevoir que une butte un arbre sous lequel Lysandre et l'homme s'étaient abrités. Ils semblaient vouloir discuter mais très tôt les deux se figèrent et de la musique commença à s'élever. Du luth pour être plus précis, et le type était doué. Gwyddion aimait beaucoup jouer de la musique, il avait fait très jeune l'acquisition d'une flute en os, mais jamais personne ne l'avait entendu car il n'en jouait que la nuit quand il était seul. La musique se tut, et il n'en était que plus énervé. Ca bougea sous l'arbre il donna l'instrument à Lysandre et se plaça rapidement derrière et CONTRE elle, et tout ça sans que la chasseresse ne réagisse, et ça ça commençait à inquiéter sérieusement Gwyddion. Et comme son énervement augmentait, la pluie s'intensifiait.

Quelques sons arrivèrent aux oreilles du jeune chasseur qui était là, à proximité d'un tas de bois, immobile telle un gargouille qui ne perdait pas une miette de ce qui se passait sous ses yeux. Par moment la voix du bon sens et de sa conscience lui disait que ce qu'il faisait était ridicule, qu'il n'avait aucune raison de se comporter comma il le faisait, mais plus ça allait plus son esprit se focalisait sur la scène, et sa mais se resserrait sur la poignée de son arme.

Le temps sembla se figer, son coeur s'arrêter entre deux battement, sa vue se faire plus perçante, alors que son imagination embrumée analysait ce que ces yeux venaient d'apercevoir. Le type venait d'embrasser Lysandre. Il restait abasourdi, comme paralysé, entièrement focalisé sur cette scène, mais cette attention malsaine lui permit quand même d'entrapercevoir quelque chose qui lui arracha un sourire mauvais: alors que Lysandre venait se placer dessus, il était certain qu'il avait vu l'éclat d'une lame, et se prit à penser fortement

"Tue le!"

Les deux corps se figèrent un instant, il espéra qu'elle l'avait fait, mais il vit l'homme se relever puis renverser la situation pour finir par surplomber Lysandre, avec la ferme intention de continuer ce qu'il avait commencé.

La pluie n'avait cessé d'augmenter d'intensité depuis qu'elle avait commencé, et elle était à cet instant limite assourdissante aux oreilles de Gwyddion qui était extrêmement tendu.
Puis ce fut comme si tout s'était relâché, comme si tout devenait plus calme et plus sourd. Il avait arrêté de réfléchir, le son de la pluie n'était plus qu'un roulement sourd et feutré, lancinant, hypnotisant. Il se mit en marche, calmement, puis l'eau du ciel masquant les sons il accéléra, chaque pas sonnait dans sa tête comme un coup de tambour dont le rythme s'accélérait au fur et à mesure qu'il accélérait, et le chuintement de la lame libérée de son fourreau sonna comme une aria finale proclamant sang et mort par dessus un orchestre tonnant.

A ce moment on pouvait difficilement dire que Gwyddion pensait et agissait comme un homme, ce n'en était plus vraiment un.

Le couple d'amant ne pouvait être pris qu'au dépourvu, et lui tout sur le dessus qu'il était était une cible, une proie des plus aisée à atteindre. Sa main gauche entra en contact avec le flan de l'homme l'arrachant à son étreinte, une poussée suffisante suffit à le faire basculer et à le projeter à quelque distance grâce à l'élan. Gwyddion termina sa course sur sa proie, les deux genoux sur le torse, une main sur l'épaule pour le plaquer au sol, et les trente centimètres d'aciers à double tranchant levés bien haut. Alors que l'homme comptait planter sa dague chaire dans la chaire de Lysandre, c'était maintenant la dague de fer de Gwyddion qui allait se planter dans la chaire de l'homme.

L'image devait faire peur car sur le corps d'un homme allongé et surpris se tenait une silhouette entièrement cachée sous une cape, avec juste un bras tenant la Mort luisante. Voilà ce que pouvait voir Lysandre, et elle devait agir vite. Très vite.

Tout était aller si vite que Lysandre elle même n'avait pu prévoir les événements. Malgré l'affront qu'avait pu lui faire Amiguel en la basculant et en se plaçant en position dominante, sans craindre visiblement la lame qu'elle tenait désormais moins fermement, attendrie sans doute par les baisers du jeune homme, le Chef d'Arestim avait à lutter entre le souhait de ne pas montrer sa soumission, et le désir de se laisser aller à ce séduisant moment.

Le bruit sourd de la forte averse avait empli ses oreilles, si bien qu'elle n'avait rien entendu des pas qui venaient, à une vitesse étonnante, jusqu'à eux, et qui vint heurter le Garthésia, pour clore leur étreinte. Elle sursauta, et put remercier ses capacités de réaction et son instinct de Chasseresse, car, vive, elle se releva d'un bond et put, à toutes jambes, parcourir la distance qui la séparait de cet individu encapuchonné et menaçant, qui s'apprêtait à lacérer Amiguel.

Sa dague toujours en main, elle passa son bras sous la gorge de l'assaillant et, forte de ses appuis, lui imposa un renversé. Certes, sa force était moins grande que celle d'un homme d'une taille convaincante, mais Lysandre connaissait les points importants qui étranglent les animaux. Il en était de même pour les hommes... Ce fut une fois qu'elle eut imposé la position dorsale à leur adversaire qu'elle put découvrir le visage de celui-ci. Dans un hoquet surpris, l'Héritière Hirune ne put se résoudre à coller sa lame contre le cou de Gwyddion et l'observa d'un œil où l'incompréhension régnait.

« G... Gwyddion ?! »

Fit-elle enfin, lorsqu'elle eut laissé tombé son arme, pour poser sa main sur celle du Petit Frère, le forçant à laisser la sienne à son exemple.

« Gwyddion tu es fou ? »

En tournant la tête, elle se rendit compte qu'il lui serait impossible de répondre quoi que ce soit si elle continuait à l'étrangler de la sorte. Elle cessa toute étreinte en reprenant ses esprits, et la pluie froide sembla l'éveiller. Comme si la musique l'avait ensorcelée, désormais, elle tourna les yeux vers Amiguel, pour s'assurer d'une part qu'il était indemne, et également sans doute, pour tenter de comprendre la folie qui l'avait gagnée.

Certes, il y avait eu la chaleur, la pluie fraiche, l'ambiance comme confinée et leur intimité sous l'arbre... Lysandre l'observa en silence, la pluie les avait désormais, totalement trempés. La terre de la petite parcelle où ils se trouvaient devenait peu à peu de la boue, et pour ne pas rester éternellement ici, le Chef des Olarils se redressa, tendit sa main à son jeune frère, et s'en vint jusqu'au Garthésia.

S'accroupissant à ses côtés en lui tendant sa main également, et s'assurant à nouveau qu'il allait bien. Elle ne comprenait toujours pas quelle mouche avait piqué le jeune Hirune, qui l'avait poussé à attaqué Amiguel. Toute raison lui semblait illogique, et il était assez âgé pour se rendre compte que le Commerçant était loin de lui vouloir du mal ... Bien au contraire. Peut être était-ce sa propre attitude, qui lui avait fait croire qu'elle se débattait ? Rangeant sa dague dans son fourreau, Lysandre cherchait encore les réponses à ses questions.

Amiguel ne comprit pas immédiatement ce qui lui arrivait. Il se sentit soulevé, puis plaqué au sol, un poids lourd sur le poitrail, une main puissante plaquée contre son épaule. Le temps qu'il se rende compte des événement, le poids lui fut enlevé, et il distingua un mouvement furtif sur sa gauche. La pluie traversa les branches. L'eau commença à innonder ses vêtements.

L'héritier de Panpale tourna la tête vers Lysandre, qui tenait un homme encapuchonné dos au sol.

* Stupéfiant... Avant même que je ne comprenne ce qui se passait, elle bondissait déjà sur cet... *

Il observa le visage à présent découvert, et reconnut le garde du corps. Une expression de mépris s'afficha sur son visage.

*... cet imbécile... *

Il se releva, s'aidant du bras de la jeune femme, et fit face à Gwyddion. Il plongea son regard dément dans celui, perdu, du jeune Hirune, puis sans détourna, un sourire aux lèvres, récupérant son luth. Il se redressa un nouveau, les cheveux plaqué sur loes côtés de son visage - phénomène dû à la pluie battante. Il dit:

- Charmante entrée en scène, je vous félicite, mon cher.

Blessé dans son amour propre, le Garthesia baissa la tête et se contenta d'observer son instrument.

* Gâcher un tel moment de plaisir est criminel. Cet homme... *

Il releva la tête observant le jeune homme, et le fixa un long moment sous la pluie qui commençait à tomber vivement. Ses pieds s'enfonçaient dans la terre mouillée, qui bientôt ne ressemblerait plus qu'à un vulgaire tas de boue. Il fit un pas vers Lysandre, et, à ce moment là, ne sut réellement que faire. Il sembla hésiter un instant, puis se contenta de passer sa main le long de son épaule dénudée et de dire:

- Je pense qu'il me faut partir ma Dame. Vous avez à vous expliquer. Si vous avez besoin de me voir, vous savez où je travail et où je loge.

Il se détourna et se dirigea vers la place des échoppes, et s'arrêta non loin de Gwyddion. Il tourna légèrement la tête dans sa direction, et lui jeta un regard terrible:

- Ne posez plus jamais la main sur moi, garde du corps, surtout lorsqu'il n'y en a pas utilité. Cependant si vous souhaitez, après vous être entretenu avec notre chef, vous entretenir de manière moins docile avec moi, je serais près pour vous...

Puis il sortit de leur champ de vision et se dirigea vers son habitation, sous la pluie, laissant ses menaces planer dans l'atmosphère désormais détruite de douceur et de châleur...

L'aurait-il fait? Ca même les dieux n'en auront pas la réponse. Frapper et tuer, l'enfant d'Hésione savait ce que c'était et il l'avait fait des centaines de fois, mais Panpale intervint en faveur de son propre rejeton afin de les priver tous de la réponse à cette question. Pour la Déesse Louve sans intervention le Garthésia serait mort ça ne faisait aucun doute pour elle, mais plutôt que de donner l'avantage à son héritier directement, le Dieu Filou avait certainement beaucoup plus drôle et intéressant que le Garthésia soit sauvée par Lysandre, chef des Olarils et surtout Hirune.

En effet il fallait au moins ça pour arrêter Gwyddion, il fallait au moins l'expérience d'une des meilleurs chasseresse pour l'empêcher de commettre l'irréparable et sauver la vie de l'homme. A vrai dire, au moment même où Gwyddion s'était senti contré et éloigné, son esprit malade avait statué qu'il tuerait aussi le gêneur qui tentait de protéger celui qui avait souillé Lysandre, tout cela pour venger complètement sa soeur et l'honneur des Hirunes. Et au moment où il était sur le dos, prêt à frapper la personne qui venait de le renverser, que sa capuche tombait afin de révéler son visage, ses traits étaient ceux d'un fou, pas d'un fou furieux, mais une folie sombre, mortelle, vengeresse, une folie que même les fous reconnaitraient comme n'étant plus humaine, il n'était plus que tueur. Et le tueur voyait le visage de sa seconde victime, celle qui allait mourir pour avoir eu la folie de s'interposer dans son projet de venger...

Lysandre... c'était, non? Pourquoi... elle? et ce visage et... pourquoi?

Elle le maintenait avec force, elle l'étranglait, mais rien, elle aurait pu le poignarder, qu'il n'aurait pas bougé, il croyait voir ses lèvres remuer...

Pourquoi...

Le visage de folie avait semblait se figer, un instant Lysandre avait pu voir qu'il allait aussi la tuer, puis les pupilles dilatées redevinrent normales, les sourcils froncés s'écartèrent, les lèvres s'entrouvrirent; tout se relâchait alors que le visage, le masque de tueur semblait fondre, un air qui n'en était pas un, indescriptible, même pas hagard ou étonné ni choqué...

Pourquoi...

Elle bougea, parla, et aida Amiguel à se relever, il parla, mais lui ne voyait rien, n'entendait rien, si ce n'était un battement sourd et régulier au niveau de ses tempes... ou ses oreilles... c'était quoi, son coeur, la pluie...

Pourquoi...

Il était sur les genoux les bras ballants... mais il n'était allongé dans la boue il y a quelques instants...

Pourquoi...

Quelque chose était dans sa main, il la porta à ses yeux. C'était un bel objet, long, brillant, efficace et mortel, un chef d'œuvre d'artisanat. Doux engin de morts, trente beaux centimètres de létalité...

Pourquoi...

Il le leva bien haut, il était brillant, n'avait pas fait son office, cette lame qui avait demandé du sang, qui avait demandé de se planter avec force dans la chaire...

Pourquoi...

Pourquoi...

Pourquoi...

-POURQUOI?

Un violent coup, un bruit mouillé de lame s'enfonçant dans une substance molle, la lame de nouveau levée recouverte d'une substance fluide et sombre, et un nouveau coup, puis un autre et encore un.

-POURQUOI! POURQUOI! POURQUOI! POURQUOI!

Chaque coup était aussi puissant que le premier, puis les épaules secouées par des soubresauts plus ou moins réguliers, Gwyddion arrêta de frapper et s'affaissa un peu sur lui même.

-Pourquoi?

C'était presque inaudible. Lentement avec peine il se retourna vers Lysandre à qui il tournait le dos. Malgré la pluie elle pu voir clairement les épaules de Gwyddion tressauter sous les sanglots et son visage en pleur, et sa fierté, la dague de chasse de sa mère plantée jusqu'à la garde dans de la terre devenue boue.

-Pourquoi?

Bien qu'il semblait s'adresser directement à Lysandre, le pourquoi ne lui était pas adressée, ou pas directement, le pourquoi était aussi pour lui, pour le Garthésia, pour l'action que lui s'apprêtait à faire, pour elle, pour le fait qu'il avait levé la main sur un autre Olaril pour le tuer, pour eux deux, pour le fait de ne pas avoir réussi à faire ce qui était juste, pour ne pas comprendre le fait qu'elle soit sorti avec et qu'elle l'ait sauvé, pour la raison de son action et de la sienne, pour... pour... pourquoi? Pourquoi cette situation, pourquoi ne comprenait-il pas, pourtant il avait agit de manière juste... non?

Sans rien dire il se leva, tenta de marcher et retomba dans les bras de Lysandre. Et dans les bras de sa soeur il pleurait, il pleurait pas comme un homme pourrait ou devrait le faire, mais comme un enfant, un enfant perdu, un enfant qui ne comprenait plus, peut-être l'enfant qu'il n'a jamais été.

Le ciel était noir, la pluie froide et battante, il n'y avait que de la boue, et une ambiance... pas seulement l'ambiance.

Misérable

Tout dans cette scène était misérable.

Figée, Lysandre avait accueilli la chute du jeune Hirune sans gêne, elle le soutint pour qu'il ne perde plus l'équilibre, et sentit son corps peser contre le sien. Amiguel venait de les quitter, désormais, la pluie ne tombait que sur les deux Chasseurs. Elle n'avait pas eu le temps d'ajouter un mot en direction d'Amiguel... Il s'était empressé de partir, ce qu'elle pouvait comprendre, mais elle savait également qu'elle aurait à recroiser sa route prochainement...

A présent, la Chef des Olarils pouvait clairement se poser les bonnes questions, et elle distingua les sanglots de son frère contre elle, sa respiration haletante après la course et ses cris interrogatifs.

Il lui était bien impossible de comprendre toutes les raisons qui avaient poussées Gwyddion à agir, elle ne comprenait pas non plus tous ces « Pourquoi » qu'il avait hurlé, et ses gestes violents de sa dague. La seule chose qu'elle pouvait faire, désormais, était de le soutenir, et de tenter de le questionner. Il lui fallait cependant faire preuve de tact, ce qui en général n'était pas l'une de ses qualités.

Aussi, l'Hirune se montra-t-elle câline, et plaqua sa paume contre les cheveux trempés du jeune homme, et le berça légèrement. Après quelques instants d'un calme relatif, troublé par la pluie et les sons lointains de la Fête, elle souffla :

« Calme-toi ... » Elle caressa ses cheveux mouillés et tapota son dos avec maladresse. Si l'instinct maternel était inné chez les femmes, les Hirune n'étaient pas un modèle de tendresse, et elle ignorait comment consoler son jeune frère, surtout ne sachant de quel mal il souffrait. Estimant qu'il endurait la peine d'avoir succombé à la folie quelques secondes, elle le rassura du mieux qu'elle put.

« Ne pleurs plus, tout ceci est oublié. As-tu trop bu ce soir ? » Lysandre espérait des réponses, mais elle savait que le jeune Chasseur ne serait peut être pas en mesure de les lui donner.

Aussi, était-elle gênée de cette situation qu'elle ne pouvait maîtriser. Le serrant contre elle, elle releva son visage pour sécher ses larmes de sa main, et lui offrit un sourire. Avec le plus de tendresse possible, malgré qu'elle n'en soit pas beaucoup pourvue, le Chef d'Arestim voulut l'encourager.

« Allons, Gwyddion, voilà que tu t'es fait un ennemi supplémentaire. Mais tu as parfaitement joué ton rôle de garde du corps, n'est-ce pas ? Rentrons, la pluie va nous rendre malade. »

Elle l'invita à marcher, s'il en était capable de l'instant, et désigna de la tête la route boueuse qui pourrait mener au Foyer.

» La nuit, tout les chats sont...Noirs?
» Une visite sous escorte.