Tristesse, Deuil et Réflexions (réservé Amiguel Garthesia)

Lÿa était assise près d'un feu de bois, qui lui réchauffait le corps, mais pas le coeur. Elle venait de perdre ses deux parents, et rien au monde n'aurait pu la réconforter ce soir. Elle se sentait si seule...

Les yeux noisettes et embués de larmes de la jeune femme fixaient les flammes, elles se reflétaient dans son regard, lui donnant une brillance presque irréelle.

La jeune éleveuse de chevaux frissonnait... les flammes qui dansaient devant ses yeux ne la réchauffait plus... et les images de l'Horrible Jour lui revinrent en mémoire.
La Gerax était calme, puis soudain la fumée noire, le souffle court, les fissures qui se forment, les bâtiments qui tombent et cette maison qui s'effondre juste devant elle... sur ses parents. Lÿa secoua vivement la tête !

*Il faut que j'arrête de penser a ce jour !! Il faut que ces images sortent de ma tête !! Il faut que celà cesse !Pensa-t-elle.

Autour d'elle, il y avait les Survivants. Des centaines de personnes qui avaient perdu leurs proches et tout ce qu'ils possédaient. Tellement de tristesse, tellement de rage, tellement d'incompréhension... Lÿa savait ce que ces personnes ressentait, parce qu'elle ressentait exactement la même chose.

Tout leur univers venait d'être bouleversé, et ils ne seraient plus jamais les mêmes !

Lÿa commençait à regarder autour d'elle, l'air perdu...

Amiguel Garthesia arpentait le camp sans but apprent. Il était plongé dans ses pensées et ne semblait pas faire attention à ce qui l'entourait. Il lui fallait constituer la Section de l'ombre, mais pour cela il fallait trouver Oril pour que celui-ci lui prodigue de bons coseils. Les Gardes devraient être à la fois habiles, robustes, et pas dénués d'une certaine intelligence. Mais il avait pesté en se remémorant le fait que ce n'était pas monnaie courante chez les Olarils.

Ces mêmes Olarils qui vivaient l'apogée de leur décadence. Certains affublaient les dieux de la responsabilité de la catastrophe, d'autres se détournaient peu à peu de leur fois. Les uns étaient des imbéciles et des ignorants, se confortant dans une logique qui n'avait pas et n'avait plus lieu d'être, se raccrochant à un espoir illusoire qui ne les mènerait pas plus loin que là où il se trouvaient, c'est-à-dire au plus bas. Les autres étaient idiots également: il leur avait fallut une catastrophe de cette ampleur pour commencer à ouvrir les yeux sur la vérité. Mais tous ne faisaient que l'entrevoir. A part Arngrim Edorta, peut-être, qui semblait avoir de la suite dans les idées. Mais, il ne le connaissait pas et n'avait pas entendu son discours de vive-voix.

Son regard animé d'une petite lueur de démence se porta sur un feu de camp. Il y avait là une jeune femme, probablement de la même tranche d'âge que lui. En s'aidant de sa béquille, il s'avança en claudiquant vers elle. Jusqu'à ce qu'il trouve Oril, il n'avait rien à faire, alors autant tâter l'inconscient collectif des Olarils, et cela commençait pas une étudei ndividuel des anonymes.

Arrivé à hauteur du feu, il lâcha sa béquille, qui tomba à plat sur le sol, et tendit la jambe qui était enserrée dans une attèle étroite pour s'asseoir en demi-tailleur. Les foyer produisait une châleur réconfortante qui léchait le bout de sa jambe blessée, et lui fit un instant oublier la froideur tenace qui régissait le climat de ce qui restait d'Arestim Dominae. Le solei, ces derniers temps, s'était mis à poindre loin au-dessus d'eux, ce qui annonçait peut-être un recul du nuage de cendre volcanique qui harassait les poumons des survivants et les privait de la lumière et de la chaleur de l'astre.

Il sourit, puis tourna son visage vers la jeune femme:

- Bonjour. Je m'appelle Amiguel Garthesia. Puis-je connaître votre nom ?

Oh, elle avait certainement entendu parler de lui, avec toutes les rumeurs qui couraient dans son dos et dans celui de Lysandre. Mais peu lui importait, il se présenterait comme le ferait n'importe quel anonyme, et c'était un avantage pour lui. Se montrant empli d'humilité et de dédain à l'égard de ce qui se disait dans son dos, il présentait une image sereine et inébranlable du soutien de Lysandre. Et c'était parfait.

Les images de la catastrophe passaient et repassaient dans sa mémoire, elle ne pouvait les retenir, elle ne savait pas comment elle pourrait oublier. Elle ne savait pas comment tout le monde pourrait oublier. Ils n'oublieraient jamais.

Elle regardait les flammes, perdue dans ses pensées, lorsqu'elle entendit quelqu'un approcher. Le jeune homme qui s'était a présent assis près du feu était jeune, certainement son âge, ou pas beaucoup plus. Il était bléssé a la jambe, mais il devait être "heureux" d'être vivant. Lÿa posa sur lui un regard interrogateur. Elle l'avait certainement déjà croisé avant la catastrophe, il ne lui semblait pas étranger. Il était grand, de stature imposante, même assis... elle se sentait insignifiante à côté de lui.

Il sourit et s'adressa à Lÿa. Elle lui sourit a son tour, un sourire a demi forcé.

- Bonjour, je suis Lÿa Briselune...

Elle se tût un instant puis repris.

- Vous voulez un peu de soupe? Je n'ai pas tout mangé, et elle est encore tiède.

Elle ne savait pas pourquoi elle lui avait demandé ça, elle ne savait même pas pourquoi elle lui avait répondu alors qu'elle n'avait envie de parler a personne. Peut être le charisme du jeune homme. Peut-être parce que au final, elle en avait assez d'être seule, depuis de longues heures.

La compagnie d'Amiguel lui réchauffait le coeur, si peu, mais si fort en même temps... il y avait quelqu'un qui l'avait remarquée, il y avait quelqu'un qui était venu lui parler... et ça, c'était important a ses yeux à cet instant.

A ce moment précis, les images s'estompèrent dans sa mémoire.

Le regard du commerçant se perdit dans le flammes alors qu'il répondait sobrement:

- Oui, pourquoi pas.

Il sembla méditer quelques instants, puis tourna les yeux vers Lÿa, s'attardant un instant sur ses formes, qui lui semblaient bien généreuses et particulièrement appétissantes. Haut dans le ciel, Machian tournoyait, ne quittant jamais la position de son maître comme centre des cercles qu'il dessinait dans son vol. Amiguel se demanda commentfaisait-il, à une telle altitude, pour respirer malgré la masse improbable de cendre en suspension dans l'air. Peut-être, après-tout, avait-il la chance de trouver quelques poches d'air respirable dans l'atmoshère, malgré tout.

Il souffla, de la vapeur s'échappa de sa gorge et vint disparaître à proximité du feu. L'air était vraiment froid.

* Quand donc cette cendre finira-t-elle par se dissiper ? *

Il s'empara de la petite marmite de liquide, prit un bolet de bois, et s'en versa un peu. Resposant la marmite près du foyer, il porta la soupe à ses lèvres et constata qu'elle était limite froide. Il n'en dit rien, car après-tout il avait faim, et le liquide restait buvable. Il éloigna le récipient de ses lèvres, puis déclara de sa voix suave:

- Ce sont des jours sombres qu'Arestim traverse. Il va falloir que chacun relève la tête.

Il but une nouvelle gorgée du liquide tiède.

- Dans l'état actuel des choses, nous ne pouvons pas nous tourner vers le passé. Lorsque le deuil sera fait, il nous faudra songer à l'avenir et à la reconstruction. Il faut déjà s'y préparer.

Il soupira un instant, puis plongea son regard d'acier, dans celui, tendre, de la jeune femme.

- Avez-vous perdu des membres chers, lors de la catastrophe, Lÿa ?

Lÿa tendit la soupe a Amiguel. Elle espérait que celle-ci conviendrait au jeune homme, mais en doutait... elle se rendit compte qu'elle avait perdu confiance en elle. Elle afficha un demi sourire et oublia cette pensée aussi vite qu'elle lui était venue.

Entre chaque gorgées de soupe, le jeune homme parlait d'une voix suave, Lÿa l'écoutait attentivement. Il commença a parler de la catastrophe.

Il avait raison, Arestim traversait la certainement les jours les plus sombres de son existence. Depuis sa naissance, Lÿa n'avait pas connu pire moment que celui-ci, même la mort de Cylcae Edorta, qui avait été une déchirure pour les Astar, n'avait pas été un évènement plus sombre que la catastrophe.

De plus, l'évènement était sombre de par le nombre de morts qu'il avait fait, mais aussi de par le nuage de cendre qui flottait maintenant au dessus des survivants. Lÿa savait que certains d'entre eux, les plus faibles, auraient du mal a rester en vie à cause de la difficulté à respirer que provoquait le nuage.

Amiguel évoqua le fait qu'on ne pouvait plus se tourner vers le passé a présent, qu'il fallait que les Olarils pensent à l'avenir et a la reconstruction, lorsque le deuil serait fait. Le deuil... Lÿa pensa a ses parents, au moment où Amiguel lui demandait si elle avait perdu des êtres chers lors de la catastrophe.

Elle leva les yeux vers le jeune homme, des yeux embrumés de larmes, elle soupira.

- J'ai... perdu mes... mes parents...

Elle essuya les larmes qui roulaient sur ses joues d'un revers de manche et releva la tête.

- Le deuil... est un peu difficile en porter en ces temps sombres. Personnellement, je n'arriverais pas a faire le deuil de mes parents tant que je ne pourrais penser à autre chose qu'eux. Je les aimais de tout mon cœur, mais me retrouver seule, ici, avec tous ces gens blessés, tristes et perdus, ça ne m'aide pas à tourner la page sur mon passé. J'aimerais tellement pouvoir faire plus...

Mais Lÿa savait que l'avenir des Olarils ne dépendait pas que d'elle et de son bon vouloir, elle savait qu'il faudrait quelqu'un a leur tête. Lysandre ?
Elle ne savait plus quoi penser a propos de la jeune souveraine.

- Et vous ? Vous... enfin... vous avez perdu des êtres chers ?

Elle regarda le jeune homme... génée.

Amiguel visa le bol de soupe et le posa à ses pieds. Il plaqua les mains sur le sol derrière son dos, et leva la tête vers le ciel obscur. Il fronça les sourcils. Son regard se fit menaçant. Il était étonnant de voir la capacité d'expression du commerçant orateur.

- Mes parents s'en sont allés rejoindre les étoiles, eux aussi.

Il avait dit cela d'une voix dure, sèche, et âpre. C'était à moitié joué, à moitié vrai. Malgré l'abstraction qu'il avait fait, depuis toute son adolescence et l'apparition des ses aspirations malsaines pour lui-même et pour les autres, de ses parents, il conservait en lui une part immuable d'humanité. Infime, certes, et dont les sentiments glacés et figés dans un coeur de pierre peinaient à émerger, mais qui existait, toujours. Peut-être en attente de dégel. De liquéfaction.

Il abaissa le visage et ficha deux yeux acérés, rongés par la colère et une forme de chagrin refoulé, sur Lÿa Briselune. Il reprit, d'une voix tout aussi âpre.

- Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Nous devons honorer la mémoire de nos défunts, et ce n'est pas en les pleurant et en restants statiques comme nous l'avons toujours été jusqu'à présent que nous y parviendrons.

Il fronça davantage les sourcils. Son air était pleinement terrible.

- Vous pouvez faire plus, tout comme n'importe lequel d'entre nous. Les Olarils se sont trop longtemps contentés du minimum, et voilà où nous en sommes. Et alors que Lysandre tente de changer les choses, certains rapaces tentent de la destabiliser. Je n'ai pas l'intention de laisser faire les choses.

Son regard s'adoucit, mais il ne lacha pas la jeune femme du regard.

- Je suis navré de vous faire une telle violence, mais je la juge essentielle. Vous, comme tous ceux qui en sont encore aux lamentations... Vous devez agir, à présent. Agir de la manière qui vous semble la plus convenable, pour autant qu'il s'agisse de réhabiliter notre peuple et de le mener vers un avenir chantant.

Il se tut, attendant une réaction.

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