Et la vie reprend son cours [Arngrim]

Quelques jours s’étaient écoulés depuis la catastrophe et Kamélie se sentait éteinte. Même si elle avait pris le temps de se reposer, le sommeil n’avait certainement pas choisi sa porte. Chaque nuit, la Télaran se réveillait en sursaut de ses cauchemars et ne pouvait se rendormir.

Pourtant, elle avait retrouvé son fils. Quand la Télaran était entrée dans la maison pour sauver ses peintures, Galad s’était précipité dans la maison de son grand père pour le sauver, bien que c’est finalement l’inverse qui se produisit. Le chef des Télaran était arrivé au campement, portant son petit fils dans les bras, avec sa femme à ses côtés, qui ne semblait marcher que par miracle. La mère de Kamélie avait perdu beaucoup de sang, blessées par les meubles de sa maison avant qu’elle n’ait eu le temps d’en sortir, et ne semblait pas s’en remettre, toujours fiévreuse et incapable de sortir de son lit. Quant à son mari, son corps avait bel et bien été littéralement écrasé par les décombres de la maison, ne lui laissant aucune chance de survie. Et pour ses sœurs, trois d’entre elles ne s'en étaient pas sorties.

Tout le monde semblait en vouloir à Lysandre, ou du moins essayer de transmette cette idée. Certains semblaient déjà préparer de nouveaux complots contre leur chef, d’autres pensaient à l’avenir. Kamélie en était bien incapable. Chacune de ses pensées étaient pour son défunt mari, qu’elle pensait mort de sa faute. Un sentiment de culpabilité la rongeait de l’intérieure, mais il fallait qu’elle ait l’air forte pour ses enfants, à l’image de son père. Le chef des Télaran ne semblait pas être touché par la catastrophe moralement, il veillait sa femme, et chaque autre Télaran qui avait besoin de soutient, toujours présent pour la famille, comme devait l’être un chef. Kamélie regrettait de ne pas avoir sa force.

Galad poursuivait sa sœur dans tout le campement, un énorme insecte en main. Tiska hurlait à plein poumon, courant se cacher dans la première tente sur son passage.

« GALAAAD ! Que fais-tu encore à ta sœur ?! » Kamélie n’avait pas le cœur à gronder son fils, mais les hurlements de sa fille l’agaçait au plus haut point. « Et où s’est-elle cachée maintenant ? … »

Le jeune Télaran montra du doigt la tente où était partie Tiska, et s’éloigna en bougonnant de sa mère qui le guettait d’un regard faussement sévère. Kamélie se dirigea alors vers la tente, tout en appelant sa fille.

« Excusez-moi si ma fille vous a dérangé … » disait-elle en entrant dans la tente. « C’est son frère, il s’amuse à faire la faire crier »

Elle se retrouva face à Arngrim, bien qu’il n’avait aucune ressemblance avec son mari, Kamélie le prit pour Chalc l’espace d’une seconde. Essayant de cacher son chagrin, elle arbora un grand sourire, qui n’était finalement que peu trompeur.

« Ah, bonjour Arngrim. Je suis désolée de rentrer comme ça, mais je ne voulais pas laisser ma fille t’importuner.»

« Mon amour… Je ne veux pas être un poids pour toi. Si je ne parviens pas à remarcher… tu devras partir seul. »

Et voilà, c’était dit. Arngrim, depuis quelques jours, ne craignait qu’une chose : ces mots dans la bouche de sa femme. Il les avait vus se former dans son esprit, au fur et à mesure de ses échecs pour réapprendre à ses muscles à supporter son corps. Oh, elle faisait des efforts, des progrès… mais ne marchait toujours pas sans aide. Autre chose que son esprit avait-il pu être touché à l’époque, lors de ce vieil accident ?

« Ne t’inquiète pas, nous avancerons tout deux mon amour, nous serons ensemble. »

Il croyait avoir été épargné par les Feux de la Gérax. Il croyait même être un miraculé, ayant retrouvé celle qu’il avait veillé toutes ces années, malgré ses propres blessures, inexorablement. Et voilà que les Dieux avaient été plus cruels encore avec lui. Ils lui avaient rendu son aimée… pour la lui reprendre l’instant d’après.
Róisín se mit à tousser, et tandis que le voile présent sur son œil gauche semblait s’étendre à son œil gauche – des sanglots sans doute – il se rappela le lieu où il se trouvait, et d’un revers du bras essuya ses yeux, tandis qu’il se retournait vers le soigneur le plus proche.

« Occupez-vous bien d’elle mon ami. Je ne veux pas qu’une petite toux me l’emporte. Pas une seconde fois. »

L’homme était un vieil Astar, un proche de la famille depuis l’accident, et il comprenait bien le trouble du couple. Il se contenta d’un signe de tête et d’un regard lourd de sens en direction du vigneron. Celui-ci pressa ensuite son pas vers l’extérieur, après avoir lancé un « Je T’aime » et avant de sombrer dans la mélancolie.

Ce n’était pas le moment de se montrer triste et malheureux, alors qu’il cherchait à porter la joie dans le cœur des Olarils. Après tout, il avait veillé une femme inerte pendant si longtemps… qu’il pourrait bien attendre quelques jours de plus...

Sur sa route il croisa de nombreuses personnes. Des signes de tête, des poignées de mains, des bises, des accolades. Nombreux était ceux qui croyaient en lui. Il fallait faire bonne figure pour tout ces gens, même s’il n’était pas sûr de lui. C’était quelque chose de nouveau pour lui, qui avait toujours pu faire ce qu’il voulait, comme il voulait.

Une fois arrivé sous sa tente, il s’assit sur une chaise, à l’ombre, et se plongea dans ses pensées. Qu’allait-il advenir d’eux tous ? Allait-il devoir marcher sans Róisín, pour la première fois depuis si longtemps ? En était-il seulement capable ? Et les Olarils le suivraient-ils vraiment ? Ce n’était que folie que de s’aventurer au travers de la Gérax… et pourtant les signes ne manquaient pas. Mais que trouveraient-ils alors, au-delà ? Les Dieux ? Une nouvelle terre ? ou bien la Mort ? Lysandre devait être bien malheureuse, si c’était là les préoccupations d’un chef.

Il fallait qu’il la voie. S’il souhaitait que ses projets prennent corps, il ne devrait pas agir seul. Surtout face à des gens comme Kal’Berrik, qui sauraient rallier les esprits les plus affaiblis dans ses excès religieux. Et il n’était sans doute que le plus connus de tous, nombreux devaient être ceux qui souhaitaient profiter de la situation. Il se releva, et alors qu’il s’apprêtait à sortir, une petite jeune fille lui rentra dedans en riant.

« Hé bien jeune fille, cela ne se fait pas de foncer comme ça dans les gens ! »

C’était Tiska, la fille de Kamélie, elle-même la fille du chef de famille Télaran. Arngrim, dans le cadre de son long apprentissage, ou plutôt de ses courts apprentissages, avait sans doute fait le tour de tous les chefs de familles, avait appris des meilleurs maîtres, avant de tout abandonner pour une nouvelle lubie. L’avantage était qu’il connaissait tout le monde, et que tout le monde le connaissait personnellement, pas seulement comme le frère de Laclaos.

« Oh, bonjour monsieur Arngrim. C’est Galad qui me court après avec une bête ééénooorme, alors je suis venu me cacher. »

Ils n’eurent pas le temps de pousser plus loin cette conversation qui s’annonçait comme d’une importance quand la mère de la petite fit son entrée.

« Bonjour Kamélie, Tiska ne me dérange pas du tout. »

Il se rassit sur sa chaise. Lysandre pourrait bien attendre quelques minutes encore. Ils n’avaient pas rendez-vous après tout.

« Comment vas-tu ? Et ton père, se porte-t-il bien ? Veux-tu que je te serve quelque chose ? Je dois bien avoir une bouteille quelque part… »

Il avait connu Kamélie toute jeune, pendant son apprentissage, et voilà qu’elle aussi avait des enfants. Le cycle de la vie allait si vite… Mais cela faisait plaisir de voir une tête amicale et familière.

Kamélie prit la main de Tiska qui semblait contrariée que sa mère l’interrompe dans sa discussion et se tourna à nouveau vers Arngrim en haussant les épaules.

« Pour ce qui est de mon père, je dois avouer que je ne sais pas trop. Il veille jour et nuit sur ma mère et d’autre Télaran qui n’ont plus personne pour s’occuper d’eux. Il prend à peine le temps de dormir … Comme toujours, il ne montre pas le moindre signe de faiblesses. Quant à moi … »

Le visage de Kamélie s’assombrit avant qu’elle ne reprenne le dessus pour s’accroupir au niveau de sa fille.

« Retourne jouer avec ton frère si tu veux, mais faites moins de bruits cette foi ! Penses à grand-mère et tous les autres blessés, ils ont besoin de repos, et si tu cries dans tous le campement, comment peuvent-ils dormir ? »

Tiska se dirigea vers la sortie de la tente tout en murmurant qu’elle jouerait loin de grand-mère. « Au revoir monsieur Arngrim » dit elle avant de sortir de la tente, et de se remettre à crier pour appeler son frère cette foi.

« Aah … les enfants, ils ne se fatiguent jamais ! Enfin, un petit verre ne serait pas de refus … Après tout ces événements … »

Arngrim était un ami de la famille depuis longue date, Kamélie le connaissait depuis sa plus tendre enfance vu qu’il avait fais une partie de son apprentissage avec son père quand elle n’était encore que petite fille et elle savait qu’elle pouvait lui parler sans crainte.

« Et toi, comment vas-tu ? J’ai appris que ta femme s’était réveillée, j’avoue que je n’y croyais pas au début après tant d’année … Tu dois être heureux. »

Bien qu’elle fût heureuse pour le vigneron, Chalc était tout de même mort et Kamélie avait donc du mal à se réjouir de cette nouvelle, mais elle tenait à éviter le sujet. Elle ne pourrait retenir ses larmes si elle devait parler de son mari, bien qu’elle ne cessait de penser à lui. Après tout, depuis qu’elle était toute petite son père avait décidé qu’elle passerait sa vie avec Chalc, et la Télaran n’avait jamais envisagé son futur autrement.

» Arngrim Edorta
» Digarl Edorta [en cours]
» [En cours] Naerin Campel