Les Tables d'Olaria
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 Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.

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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyVen 19 Nov - 20:24

Lance ouvrit mollement les yeux et s’entortilla un peu plus dans les draps. Il bascula sur le côté et faillit tomber du lit ce qui acheva de le réveiller complètement. Il grogna, récupéra la couverture qui était tombée au sol pendant la nuit puis se réinstalla en travers du lit, profitant d’une grasse matinée qui semblait vouloir à tout prix s’écourter.
Depuis un moment, il avait commencé à déserter le fauteuil de la pièce principale pour rejoindre Elenor dans la chambre et partager le lit avec elle. Seulement le lit. Ils dormaient sagement, chacun de leur côté, laissant une ligne invisible séparer la couche en deux. C’était sans doute pourquoi Elandor appréciait tant de s’y retrouver seul … Ces derniers temps, son dos l’avait fait souffrir, contrecoup des missions qu’il infligeait depuis plusieurs mois à son corps fatigué. Presque chaque nuit, Elenor et lui étaient en vadrouille, ne retrouvant leur demeure qu’au petit matin, juste à temps pour s’enrouler quelques heures dans les draps moites avant que la journée ne reprenne son cours, et de toutes façons trop fatigués pour songer à cette nouvelle promiscuité que leur longue discussion avait rendue possible.
Mais aujourd’hui, l’Al’Faret s’était accordé un repos précieux, et c’est pourquoi son bras armé avait quitté silencieusement la maisonnette pour vaquer à ses occupations.

Quoiqu’il en soit, il était bien trop tôt pour se lever. Le soleil pâle du milieu de matinée envahissait la chambre au travers des vitres sales et venait éblouir ses yeux d’une manière incongrue. Les oiseaux chantaient, rendant leurs mélodies presque agaçantes, et un froid humide avait envahit le creux du lit.
En un mot comme en cents, il était temps que le fainéant se lève.
Celui-ci râla pendant une bonne demi-heure, le temps d’émerger tout à fait, de prendre une brève douche glacée et d’enfiler des vêtements presque propres. Il jeta un rapide coup d’œil au miroir qu’Elenor avait pris soin d’ajouter dans sa minuscule salle d’eau et qui était presque son unique ajout féminin, et se dit que, vraiment, il valait mieux qu’il ne rencontre personne ce jour-là. Ses cheveux avaient pris l’eau la veille et traînaient mollement de chaque côté de son visage fatigué aux cernes creusés qui semblaient s’être incrustés dans sa peau.
Il soupira, se passa une main sur le visage puis secoua violemment la tête dans l’espoir de remettre ses idées en place.
Au moins, autrefois, quand il se sentait ainsi, c’était parce qu’il avait passé une foutue bonne soirée où l’alcool avait coulé à flot dans les gosiers !

Si ça se trouve, je deviens vieux …

Cette idée le déprima profondément et il se laissa tomber sur une chaise d’un air morose. Sur la table, à portée de main, Elenor avait laissé quelques fruits et un peu de pain qu’il grignota vaguement. La vie de palais lui manquait. Les draps chauffés, l’ambiance douce et molletonnée des salons, les plats chauds finement préparés, les saveurs si piquantes sous le palais. Et pas ce fichu pain noir et ces fruits qui, quoique souvent mûrs, en devenaient lassant.
Il s’étira et jeta un coup d’œil aux alentours. Des affaires traînaient un peu partout, éparses, preuves de la semaine harassante qui venait de les achever. Vêtements, parchemins, armes, draps, pièces d’étoffes tâchées de sang et même, un mélange sable et terre qui s’éparpillait sur le plancher vétuste.
Il aurait bien fait du ménage mais l’ampleur de la tâche le découragea. Même faire un feu lui parut au-dessus de ses forces.
Elenor ne devrait plus tarder, il commencerait avec elle … Elle râlerait mais ce serait quand même plus motivant.
Depuis qu’ils avaient parlé à cœurs ouverts, leurs relations s’étaient nettement améliorées. Tout n’était pas rose tous les jours, ils continuaient à se gueuler dessus et à se houspiller, faisant parfois les mêmes erreurs qu’autrefois, pour mieux de les faire reprocher ensuite. Mais finalement, cela fonctionnait plutôt bien. Parce qu’à côté, ils avaient changé certaines habitudes : ils parlaient plus souvent, s’accordant souvent un petit moment en fin de journée, tranquillement assis dans la cour, en général après un entraînement et avant de partir à nouveau en vadrouille. Ils profitaient de cet instant après l’effort où le corps est encore chaud et l’esprit vif pour se raconter des détails de leurs vies passées séparément ou un sentiment, une impression. Parfois, ils hésitaient, ne sachant pas vraiment si un sujet était vraiment à propos mais les cafouillages devenaient de plus en plus rares. Certains chapitres n’étaient jamais abordés à moins que celui concerné y tienne vraiment : Bellone, la main d’Elenor, Sieben, l’assassinat d’Elandor, … mais il y avait moins de non-dits. Et ils n’en étaient que plus efficaces, perdant bien moins d’énergie qu’avant à essayer d’anticiper les réactions insoupçonnables de l’autre.

En attendant, Lance se gardait bien de penser quoique ce soit de ces changements et des plaisirs que lui apportaient cette nouvelle façon de vivre. Ils ne se touchaient pas beaucoup plus, se contentant davantage de tapes sur le bras et d’accolades que de caresses et d’étreintes. Ils réservaient cela aux moments douloureux où l’un d’eux avait besoin de s’épancher, mais qui restaient peu fréquents, comme si la pudeur les rendait encore réticents à trop s’abandonner à la tristesse.

Son repas frugal terminé et après un long moment de langueur, Lance décida de se lever, étirant ses muscles refroidis.
Il s’approcha de la cheminée rudimentaire et fit enfin un feu. Les bottes vinrent se placer devant l’âtre et des chaises ornées de vêtements fleurirent elles-aussi à proximité des flammes rassurantes.

Il disparut dans la chambre pour changer les draps qu’ils salissaient à une vitesse folle à force de s’y allonger encore vêtus et cette tâche, nouvelle pour lui depuis sa résurrection, l’occupa jusqu’à ce qu’un pas vif s’approche de l’entrée et qu’un bref coup sur le bois de la porte n’attire son attention.

Peu de personnes connaissaient cette cachette, et tous étaient de fervents Dissidents. Même les voisins les plus proches étaient acquis à leur cause. L’Al’Faret n’avait donc aucune raison de se méfier réellement et c’est tout naturellement qu’il cria à son visiteur d’entrer.
Abandonnant sa tâche, il franchit la distance qui le séparait de la salle principale et stoppa net, ébahi, son visage n’affichant qu’une expression d’étonnement profond, bien avant que la peur ne pénètre son cerveau figé par la surprise.

Car, dans l’encadrement de la porte, se dressait une silhouette singulièrement familière, une silhouette de son passé et qu’il n’avait pas vue depuis bien longtemps.
Malheureusement pour lui, c’était une de celle qui le reconnaîtrait facilement …

Le Lion d’Edor Adeï venait de retrouver sa trace.
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Amarante Jagharii
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyVen 26 Nov - 20:25

Dans l’embrasure de la porte, Amarante Jagharii. Accompagné par deux de ses fidèles, il se tenait de toute sa stature devant feu le Gardan Edorta. Un voile d’indifférence tout aristocratique était plaqué sur son visage marmoréen, lequel n’exprimait rien d’autre qu’une froideur polie. Il n’avait pas eu beaucoup de temps à consacrer aux affaires courantes de la cité ni même aux errements de sa fille et de sa femme. Claquemuré depuis plusieurs semaines dans ses quartiers militaires, il s’échinait à entraîner (pour ne pas dire tuer à la tâche) le noyau dur de ses fidèles, à préparer ses tactiques contre l’ennemi extérieur et à ourdir des intrigues contre l’ennemi intérieur. Les assauts répétés des seigneurs rebelles comme des courtisans des conseillers se combinaient pour l’empêcher de passer à l’action. Lorsqu’il ne recevait pas les rapports de ses espions, il s’occupait de repousser un commando rebelle et s’arrangeait pour empêcher les sous officiers fidèles aux Conseillers de lui causer trop de tort.

La vie n’était pas facile pour le vieux Stratège, qui encaissait cependant les coups sans broncher. Il avait même réussi, quelques semaines plus tôt et au grand dam du Conseil, à constituer une opération ayant empoisonné une partie des réserves ennemies. La réussite de cette mission avait été accueillie avec chaleur par la soldatesque et, comme il se doit, critiquée par les officiers fidèles au Conseil. On disait que ces opérations n’avaient pour but que d’exciter les fauves d’en face et que le vieux Lion voulait prouver qu’il n’était pas encore trop sénile pour tenter des coups de main comme celui-ci. Bien sûr, cela avait le don d’agacer le Lion, qui n’aimait pas qu’on lui rappelle son âge et qui n’appréciait que peu le climat de sédition qui régnait au sein de l’armée. Ces querelles de chapelle minaient le moral des troupes, qui se divisaient en faction et perdaient de vue le but commun, anéantir la rébellion.

Hélas, le vieux Lion ne pouvait pas écraser sous sa botte les ragots et leurs colporteurs, la situation politique étant trop précaire, mais il n’hésitait pas à mettre lui aussi des bâtons dans les roues à ses adversaires. Il n’en était pas encore arrivé au crime de sang, mais cela ne saurait guère tarder. Pire que tout, son ancienne apprentie, chef des armées, n’était pas capable de tenir en laisse ses hommes, ce qui ne faisait qu’aggraver la situation au sein de l’armée.

Lorsqu’on a cette situation en tête, on se doute bien qu’Amarante n’était pas de bonne humeur et qu’on allait pas avoir droit à des échanges tendres entre l’ancien chef des armées et l’ancien Gardan Edorta. Ainsi, le vieil officier, une moue crispée sur le visage embrassa d’un regard appuyé le bouiboui dans lequel vivait sa fille, toussa dédaigneusement et demanda à son vis-à-vis s’il aurait l’amabilité de le laisser entrer dans son humble demeure.


Dernière édition par Amarante Jagharii le Lun 6 Déc - 23:11, édité 1 fois
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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptySam 4 Déc - 21:57

Lance prit le temps d’analyser la situation. Devant lui se tenaient Amarante Jagharii et deux de ses hommes. Ils n’avaient pas franchit le pas de la porte et le visage du Lion était impassible.
Que venait-il faire ici ? ! L’avait-il retrouvé, LUI ? ! La nouvelle serait effroyable … Certes, il n’était pas n’importe qui mais, s’il avait eu les moyens de retrouver l’ancien Gardan Edorta, d’autres en seraient également capables …
Elandor fut soulagé de constater qu’il ne connaissait aucun des deux soldats qui l’accompagnaient. Cela signifiait qu’ils n’étaient sans doute pas en mesure de le reconnaître non plus …
Il pria néanmoins pour que le stratège ait seulement suivi les traces de sa fille. Ce serait déjà la preuve de leur vulnérabilité mais ça n’aurait pas les mêmes conséquences … Personne n’était censé savoir qu’il était encore en vie, personne … Et, étrangement, cela ne semblait pas surprendre le père de sa colocataire.

Son pouls s’accéléra mais il garda son calme et seuls ses sourcils se froncèrent sous la masse épaisse de ses cheveux.
Peu de solutions s’offraient à lui … Il avisa son épée, soigneusement rangée dans son fourreau, à quelques pas de lui. Mais il était peu probable qu’il s’en sortent de cette façon … Malgré ses quelques talents à l’épée, il n’avait aucune chance de battre le Lion. Il abandonna l’idée et fit un rapide tour d’horizon de la pièce. Son arbalète était à portée de main … A cette distance, il aurait tout juste le temps de tirer un carreau avant que ses assaillants ne soient sur lui. S’il tuait un des hommes du Lion, celui-ci se ruerait sur lui et serait sans pitié. S’il tirait sur le Lion … Et bien, Elenor ne lui pardonnerait sans doute jamais.
Il lui fallut à peine quelques secondes pour prendre sa décision et il laissa un sourire désabusé s’afficher sur ses lèvres avant d’imiter à nouveau l’indifférence de son interlocuteur.
Celui-ci venait de toussoter d’un air hautain et de prendre la parole, demandant clairement à l’Arlanii quand il daignerait le laisser entrer.

Elandor fit un geste de la main pour désigner le salon qui ressemblait à un champ de bataille.
« Soyez le bienvenu, Amarante. Que me vaut l’honneur de votre visite ? »

Il avait prononcé la dernière phrase sur un ton badin mais on sentait très bien que la situation l’agaçait au plus haut point.
Il se redressa et les traits de son visage se détendirent jusqu’à devenir aussi lisses que le masque qu’il portait parfois. Il se forçait à davantage de dignité, peu désireux d’accentuer le côté pitoyable de sa situation. Il ignorait que, malgré ses vêtements rapiécés et ses traits fatigués, il gardait encore la prestance et le panache qu’il avait arboré lorsqu’il était encore Noble.

Le Stratège s’avança, immédiatement suivi par ses deux hommes.
Elandor tiqua.
Les chiens restent dehors, même ici !

Il retint la remarque acerbe pour y mettre les formes.
« En revanche, il serait préférable que vos hommes vous attendent dehors … »

Se disant, il s’approcha d’eux, l’air menaçant et leur ferma la porte au nez. Un instant, il avait frémit à l’idée qu’ils ne se rebellent. Mais apparemment, son apparence repoussante pouvait parfois le servir …

Il se tourna enfin vers son interlocuteur.
Il ne lui posa pas la question qui lui brûlait les lèvres, à savoir comment il l’avait trouvé, mais se contenta de le fixer d’un regard sombre et intense.
Au fond de son crâne, les idées se bousculaient et l’adrénaline avait depuis longtemps envahie ses veines.
Cette discussion risquait de marquer un tournant dans son existence et il hésitait sur la position à adopter. Si seulement Elenor avait été là … Elle savait comment prendre son père ; lui craignait encore l’homme qu’il avait souvent admiré étant plus jeune. Mais à présent, il n’y avait plus de place entre eux pour cette différence ; Elandor devait se comporter comme son égal et se montrer irréprochable s’il voulait avoir une chance de tirer son épingle du jeu.

Malgré l’aura intimidante d’Amarante, il ne fléchit pas et le laissa prendre la parole le premier. Après tout, c’était lui qui était venu jusqu’à son repère, c’était donc à lui d’engager la conversation.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyLun 6 Déc - 23:11

Entrant dans ce qui servait de domicile à sa fille d’un pas prudent, Amarante jeta un regard noir au godelureau qui prenait ses aises face à un éminent noble de sang. Comment la chair de sa chair avait-elle pu s’enticher de cette gouape ? L’individu qui lui faisait face avait le toupet de l’appeler par son prénom comme il l’aurait fait avec un de ses commensaux. Pour qui se prenait-il ? Amarante jaugea l’homme, l’air hostile, le considérant sous toutes ses coutures. Voilà que sa fille fricotait avec des vieillards qui se prenaient pour des princes. Par Therdone, la roture ne savait-elle plus se tenir ? Il avait fallu quelques mois de crise pour que le monde s’effondre et que chacun oublie sa place ?

Amarante se ménagea, laissant au vantard une seconde chance. Pour sa fille, vous comprenez. Toujours silencieux, il tourna machinalement sa tête vers l’intérieur pour embrasser d’un regard le décor apocalyptique qui envahissait sa vision. A la vue de pareil bazar, un de ses sourcils ne put s’empêcher de s’arquer. Le vieux lion était consterné, et c’était sa façon de le montrer. N’osant jeter un œil sur son hôte, de peur que celui-ci ne hausse les épaules négligemment en souriant bêtement, il s’enfonça un peu plus outre dans la sordide demeure d’une démarche lente et calculée. L’atrabilaire seigneur n’était alors que froideur et le courtisan avisé aurait sûrement pu lire le dédain que produisait chez Amarante ce décorum pitoyable. Dame, était-ce une arbalète qu’il voyait ? Sa fille s’était donc acoquinée d’un porte-épée, un vulgaire sicaire qui gagnait sa vie en perdant celle des autres ?

Ne portant toujours aucune attention au badaud, il continuait à faire l’inventaire de la salle d’un œil méthodique, imaginant les ignominies qu’avait pu commettre le ladre pour quelques pièces de bronze. A cette pensée, une moue méprisante se dessina plus profondément sur son visage.

« Je crois savoir, Monsieur, que vous connaissez ma fille, Elenor de la maison Jagharii. Pourrais-je savoir qui vous êtes, s’il vous est gré ? »
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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyJeu 23 Déc - 17:06

Il ne l’avait pas encore reconnu. Il ne l’avait vraiment pas reconnu. Mieux, il n’allait peut-être pas le reconnaître !
La surprise d’Elandor fut totale et il loua Therdone que son interlocuteur lui accorde si peu d’attention. Cela lui permit d’effacer l’air effaré qui s’était affiché sur son visage et de faire glisser subrepticement quelques mèches de cheveux pour masquer ses traits.
Avait-il changé à ce point ? ! Il laissa Amarante faire le tour du propriétaire, ne lui accordant pas plus d’attention qu’il ne le faisait, ses pensées étant toutes entières accaparées par cette découverte insolite. Et si … Et si ces longs mois de fuite et de cache-cache avaient été inutiles ? ! Non … D’autres l’aurait reconnu. Elenor l’avait fait, Elle l’aurait fait … Si son visage avait changé, Elle n’aurait pu oublier sa démarche et ses gestes insignifiants qui l’animaient sans qu’il s’en rende compte et qui faisait toute sa façon d’être.
A avoir passé tant de temps à s’aimer sans se le dire, ils avaient eu l’occasion de se découvrir d’une façon toute autre, leur vision remplaçant toute sensation charnelle. Et, à présent, Elandor rendait grâce à ses précieuses années qui l’avaient tant agacé à l’époque. Car au fond de ses prunelles, dansait encore la silhouette fine de son ancienne amante.
Mais il n’était pas temps de penser à sa chevelure rousse ou à l’odeur de sa nuque, il avait un problème autrement plus important …
Et pourtant … A chaque fois qu’une ombre de son passé se rapprochait de lui, c’était à Elle qu’il pensait.

Il chassa définitivement Bellone de ses pensées, peu désireux de devenir mélancolique -chose qui lui arrivait bien trop souvent ses derniers jours- et préféra s’irriter de la méprise de celui qu’il avait pourtant souvent côtoyé durant son existence dorée. Il faillit hurler son identité, savourant à l’avance le visage défaits de cet interlocuteur peu coopératif. Il aurait voulu briser le masque froid et hautain pour voir apparaître un éclat de surprise voire même, de peur. Le Lion d’Edor Adeï était certes un homme important mais il parlait à son ancien chef, à qui il avait dû respect et allégeance. L’idée aurait pu faire sourire Elandor s’il n’avait pas été aussi énervé et vexé par cette réaction. Son état d’esprit était donc plutôt belliqueux et il décida puérilement d’ignorer l’homme pendant quelques instants.

Il se ressaisit juste à temps pour capter le regard sceptique du Lion qui attendait manifestement une réponse à une question que Lance ne se souvenait pas avoir entendu. Il le fit répéter et l’éclat de mépris s’agrandit encore un peu au fond des prunelles du vieil homme (ce sot était donc également sourd !). Loin d’énerver l’Arlanii, cette idée le fit sourire. Quel plus magnifique déguisement que celui d’un vagabond parfaitement inoffensif ? Si ses ennemis faisaient la même erreur que le plus grand Stratège de leur époque, il était assuré d’avoir la victoire … Cette idée inédite le fit changer d’état d’esprit en un clin d’œil et il décida d’adopter une attitude plus calculatrice à l’avenir. Mais sans doute le manque de sommeil était-il pour beaucoup dans ses réactions lunatiques …
Quoiqu’il en soit, cette nouvelle tranquillité lui permit de répondre d’un ton neutre et poli, loin de la réplique mordante et conquérante qu’il avait voulu lancer au départ.

« Vous le voyez bien, Monsieur, je ne suis qu’un humble crieur … On m’appelle Lance. Et vous remarquerez qu’il n’y a aucune femme ici pour l’instant. »

Il avait conscience de l’impertinence qui couvait dans sa réponse. Mais que pouvait-il dire de plus sur son identité ? Il ne voulait pas laisser échapper le moindre indice et moins il en dirait, mieux il se porterait. En revanche, lui mentir en lui disant qu’il ne connaissait pas sa fille aurait été grotesque. S’il était là, c’est qu’il avait eu suffisamment d’informations pour être sûr de sa démarche. Cette énigme en demi-ton était tout ce qu’il avait trouvé pour décourager le vieil homme sans pour autant le prendre pour un imbécile. C’était bien maigre et il n’allait pas pousser le vice jusqu’à l’inviter à s’asseoir et à attendre cette précieuse fille qui lui avait fait parcourir tant de chemin depuis le quartier des Nobles. Plus vite il partirait, mieux ce serait.

Restait quand même à savoir pourquoi il cherchait Elenor et à quel point voulait-il la retrouver … Il désirait la marier à nouveau ? ! L’idée risquait d’agacer légèrement la belle … Et, si elle lui avait déjà vaguement parlé de l’attitude de son père vis-à-vis des Conservateurs, Elandor ne voulait pas prendre le risque de lui révéler l’existence des Dissidents s’il ne l’apprenait pas par lui-même.
Ce petit jeu était bien trop complexe pour être pris à la légère et Lance marchait sur des œufs, oscillant entre l’envie de son bras armé pousser la porte de leur bicoque et celle qu’elle ne revienne pas avant le départ de son père. Même si, de toutes façons, il n’arriverait pas à lui cacher bien longtemps …
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Lambda
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyMar 25 Jan - 13:41


    - Amarante Jagharii-
    Il s’avança plus encore dans la petite maison exigüe, non sans un regard vaguement méprisant pour ses meubles vieillis et branlants, son sol inégal, son isolation hasardeuse… Sa fille n’était pas en sécurité, dans un tel lieu, et quand bien même il a été prévenu par ses hommes qu’il ne fallait pas qu’il s’attende à quelque chose qui soit à la hauteur d’êtres de leur rang, il fallait bien admettre qu’il y avait un certain malaise dans cette découverte.

    Le rustre déclara qu’aucune femme n’était là pour le moment, et c’était la vérité. Sa fille n’était pas des plus discrètes et si elle s’était trouvée quelque part dans cette… bicoque, il le saurait déjà. Mais il avait confiance en ses hommes, et si l’inconnu l’avait reconnu aussitôt, ce n’était certainement pas par hasard. Après tout, connu dans les hautes sphères et dans l’armée, Amarante n’était pas réputé pour arpenter les ruelles crasseuses de la ville basse, et n’était pas ici un homme que l’on attendait.

    Tandis qu’il inspectait les lieux avec calme, son regard fut arrêté par un petit objet. Au-dessus de l’âtre de la cheminée qui chauffait la maison entière se trouvait un fourreau. De cuir simple mais admirablement bien ouvragé, son origine de faisait pas le moindre doute pour le Stratège. Et pour cause, il avait offert lui-même cette arme à Elenor lorsqu’elle était entrée dans l’armée. A l’époque, il ne se faisait déjà plus d’illusions quant à son fils et avait la certitude qu’il n’était pas celui qui suivrait sa trace. Non, c’était Elenor, la combattante farouche, elle qui avait dans son sang la fougue du vieux Lion. Une fougue différente, plus écrasante et moins réfléchie, mais une fougue qui avait mérité cet héritage là. Ce n’était pas une arme de grande valeur mercantile, mais elle était extrêmement bien équilibrée, et trouvait son origine dans des temps très anciens. Une arme qu’Elenor n’aurait laissé personne voler.

    L’inconnu qu’il avait délaissé pour son inspection pouvait dire ce qu’il voulait, Amarante avait dores et déjà la certitude que ses hommes ne l’avaient pas trompé. Il était d’ailleurs inutile que l’inconnu ne comprenne cela. Au lieu de l’éclairer, il se tourna vers lui et l’examina plus attentivement. A présent qu’il n’avait nul doute sur sa fille, il devait comprendre ce qu’elle faisait là, avec lui. Elenor ne faisait pas les choses au hasard, mais sa logique déconcertait le Vieux Lion. Un aubergiste rustre, un
    humble crieur… Il avait tenté de la protéger, toutes ces années, mais les récents évènements menaçaient de voir se tarir son endurance, et sa capacité à la protéger de la Ville Haute. Avec le Siège qui s’intensifiait, et la nécessité que l’armée avait de sa personne, il faudrait régler au plus vite ces problèmes là.

    Ces temps étaient décidément faits pour mettre à rude épreuve le vieux stratège. Que ne retrouvaient-ils la stabilité d’antan, quelques mois à peine auparavant.

    C’est alors qu’une idée lui traversa l’esprit. Une idée, un visage qui hantait ce fameux passé, et qui avait incarné quelques mois un espoir pour la vieille noblesse, rigoureuse, dissidente aujourd’hui…

    Il mis cette impression sur le compte de la coïncidence, mais force lui fut de constater qu’alors que le souvenir d’Elandor Arlanii hantait sa mémoire, il trouva sur le visage de l’inconnu un écho. Etait-ce simplement une association d’idées ?

    Il était bel et bien mort, et cet homme là lui semblait plus vieux, et plus usé.

    Usé. Amarante avait pu constater les ravages que la souffrance et l’isolement pouvait faire sur le visage d’un homme, nombre de ses hommes étant passés par là, parmi les plus valeureux. Mais était-il seulement possible qu’Elandor Arlanii soit passé par là, lui aussi ?
    Et pourtant, c’eut été une explication plus plausible… Elenor avait été une très bonne amie de feu Elandor… Amarante se souvenait sans mal de leurs constantes chamailleries, des heures qu’adolescents ils passaient à s’entraîner ensemble… Comme frères et sœur, aussi n’était-il pas si étonnant que cela que pour se cacher, elle ait choisi un tel homme. Après tout, jamais son corps n'avait été retrouvé, et la certitude de sa mort ne reposait que sur le Conseil, qui n'était pas à son coup d'essai quant à ce type de manigances.

    Envisageant plus sérieusement cette hypothèse, qui secourait le royaume tout entier si jamais elle venait à parvenir aux oreilles de la Ville Haute, Amarante décida de la vérifier.


    « Quel est votre nom ? » demanda-t-il d’une voix profonde. « Votre véritable nom. » Quelque chose sur ses traits laissait clairement entendre qu'il était vain de chercher à le contrarier, de quelque manière que ce soit. Une chose qu'il avait légué à sa fille, et qui justifiait la plupart des troubles par lesquels passait leur famille, actuellement.

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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyMar 25 Jan - 20:01

Elandor suivait le vieil homme des yeux. Vieil homme … Force était de constater qu’il avait vieillit depuis l’époque de sa grandeur. Mais l’ancien noble songea avec cynisme que c’était également son cas. La vie n’avait été facile ni pour l’un, ni pour l’autre. Ils étaient pourtant tellement différents …

Amarante fit une fois encore le tour du propriétaire, ses yeux glacés se fixant sur chaque objet. Lance suivait rigoureusement le même chemin, désireux de ne rien laisser au hasard. Il avait finit par se poser sur une chaise, les muscles bandés, prêt à bondir si la fuite s’avérait nécessaire.
Après tout, un crieur est bien inférieur à un ancien Général ; son ego n’avait donc aucune raison de l’empêcher de s’abaisser à s’asseoir devant lui. Son attitude provocatrice risquait de lui nuire mais il avait bien du mal à faire profil bas et à garder son calme.
Il n’avait jamais été un bon acteur et les qualités indispensables pour l’être lui manquaient cruellement. Humilité, maîtrise de soi … Il avait été un meneur d’hommes, que diable, pas un comédien !
Il commençait à transpirer et ses doigts s’agitaient involontairement. Il se retint et passa sa main dans ses cheveux pour l’occuper. Il ne pouvait pas se permettre de se trahir stupidement.
Le crieur serra les dents. Se taire, surtout, se taire. Et baisser les yeux. NON ! Surveiller Amarante … L’air goguenard ou sérieux ? … Après tout, il s’était déjà montré arrogant, pourquoi ne pas poursuivre sur la même voie ? Lance secoua la tête le temps de se reprendre ses esprits.

Qu’avait dit Eléni déjà ? Se mettre dans la peau de son personnage, devenir lui, entièrement, complètement, oublier jusqu’à sa propre identité … Il n’en était pourtant pas à son premier essai : il cohabitait depuis de longs mois avec Lance ! Seulement, il n’avait pas à s’adresser à des fantômes de son passé … Il pouvait se permettre de se laisser aller quelque peu au naturel. Et l’homme qui lui faisait face l’avait toujours tellement impressionné … Mais il n’avait pas vraiment le choix : il devait jouer le jeu, et ça ne lui était d’aucune utilisé de s’embourber dans des pensées aussi complexes. Rester simple …

Ce fut donc un regard inexpressif qu’il darda sur Amarante. Après tout, l’homme pénétrait chez lui, le questionnait et fouillait l’endroit du regard. Il était donc parfaitement normal qu’il guette ses moindres faits et gestes.
D’ailleurs, le Jagharii semblait s’être arrêté sur un objet. Lance suivit son regard et tomba sur le fourreau d’Elenor. Impossible qu’il ne l’ait pas remarqué ! Ses poings se resserrèrent imperceptiblement sur ses cuisses.
Bon. Là, au moins, il savait à quoi s’en tenir : Amarante savait de manière certaine qu’Elenor vivait ici.

Et malheureusement, il semblait s’intéresser à présent à celui qui partageait la vie de cette fille si précieuse.
Il le fixa plusieurs minutes et Lance n’eut d’autres choix que de soutenir son regard. Profond, pénétrant. Il eut un instant l’impression qu’un combat sans pitié allait s’engager … Mais non. Amarante se contenta de le dévisager et, un instant, il parut perdu dans ses pensées. Elandor aurait donné cher pour connaître l’objet de ses réflexions …
Le regard changea et sembla revenir quelque peu à la réalité. Qu’avait-il bien pu voir défiler au fond de ses rétines ? !

Finalement, les yeux sombres se dardèrent dans ceux du crieur et lorsqu’il prit la parole, sa voix avait changé. Elle était un peu rauque et incroyablement autoritaire. Ses qualités de meneur apparaissaient dans toute leur splendeur et, un instant, Elandor fut tenter de lui dire la vérité. Après tout, il faudrait bien qu’il soit au courant un jour et, s’il partageait ses idées, il serait un allier incroyable … Si seulement, Elenor avait eu le temps de le sensibiliser davantage à leur mouvement … Et si seulement elle était là !
Parfait. Maintenant, il dépendait d’une femme … Soit, ce n’était pas n’importe quelle femme … Et tergiverser de la sorte n’allait pas lui permettre d’échapper à une réponse qui se faisait terriblement attendre d’après l’expression courroucée qu’affichait le visage de son interlocuteur.

Il inspira légèrement et il empêcha toute émotion de modifier ses traits.
Il ne pouvait prendre le risque de le mettre au courant sans connaître précisément son avis sur la politique actuelle. Et il n’avait également aucune chance d’apprendre quoique ce soit dudit avis sans se compromettre.
Il se redressa imperceptiblement et bomba légèrement le torse.

« Je vous l’ai déjà dit, je m’appelle Lance. Et c’est mon seul nom. »

Voilà, il avait choisi …
Il avait hésité jusqu’au moment de prononcer les mots qui avaient franchis ses lèvres …
Peut-être avait-il fait une erreur ? Amarante Jagharii était loin d’être idiot. Et peut-être même avait-il mal choisi ses mots et le ton pour les prononcer. Ne s’était-il pas trahi en restant si sûr de lui ? Peut-être aurait-il dû plaisanter, prendre les choses à la légère, avoir l’air interloqué !
Oui, il avait fait une erreur, une terrible erreur …
Ou avait-il bien fait ? Après tout, le crieur qu’il incarnait pouvait être agacé par l’attitude de son interlocuteur …
Il avait choisit mais avait-il fait le bon choix ?
Seul l’avenir le lui dirait … Un avenir incroyablement proche.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyMer 26 Jan - 13:45


    - Amarante Jagharii-
    Le Vieux Stratège avait scruté sur le visage de l’Inconnu un regard implacable. Chaque détail, fut-il infime, était passé au crible par l’esprit affûté du militaire. Machinalement, il transformait la bicoque en salle d’interrogatoire. Ils étaient seuls, lui debout, l’autre assit. Et sur son visage, un flot d’expressions floues, mais témoins cependant du trouble qui avait pris cet homme… trivial, banal. Amarante répugnait toujours à se dire que cette épave n’était autre que le Gardan qu’il avait apprécié autrefois. Et pourtant, dans les yeux tantôt hésitants, tantôt inquiets, puis déguisés de Lance, Amarante trouvait un écho à sa question, plus intéressant que la réponse qui lui fut offerte.

    Torse bombé, il se lançait dans une entreprise qu’il jugeait périlleuse, puis soulagement d’y être parvenu… Le doute faisait place à une conscience aigüe, pointue du vieux Stratège. Il choisit de se dévoiler un peu, le ton toujours tranchant, l’expression sévère. Si Elandor Arlanii était bien tombé si bas, alors Amarante n’avait pas à courber l’échine devant lui. L’homme dont la Volonté l’enchaîne à la lie n’est plus le chef d’antan. Plus pour le moment.

    Il fronça ses sourcils broussailleux, moustache frémissante.


    « Je ne puis compter le nombre d’interrogatoires qu’il m’a été donné de mener, au cours de ma carrière. Aussi puis-je avancer sans trop de risque le fait que vous me mentez. » Puis les épais sourcils se haussèrent, signe plus inquiétant encore que sa colère. Il ne précisa rien quant à ses soupçons, si l’homme était bien celui qu’il soupçonnait, alors il n’aurait aucun mal à deviner qu’il venait d’être reconnu. « Ce qui m'est plus obscur, c’est la raison pour laquelle vous vous cachez ici, avec ma fille. »

    Et là, le terrain glissait sur un autre plus acide encore qu’il ne l’était. Qui eut cru que c’était avec un ancien Gardan que sa fille s’enfoncerait plus encore dans la misère ?! Un aubergiste vulgaire était déjà bien en-dessous de sa valeur, mais un faux crieur, dans une bicoque branlante, en plein quartier de la pègre… L’ami d’autrefois aurait du la ramener à la raison, plutôt que de l’encourager ainsi dans sa folie.
    Elenor ne jouissait déjà plus d’une réputation brillante, dans la ville haute. Les Venarii la cherchaient toujours, mais par pure vengeance, et la seule personne qu’elle avait toujours sur les talons et qui ne voulait que son bien était Amarante… S’acoquiner ainsi avec un… fugitif anonyme (car tout noble qu’il avait été, Elandor n’avait de toute évidence plus la Volonté d’être autre chose) dans un quartier aussi déplorable, était l’une des plus mauvaises idées de ces dernières années. S’il venait aux oreilles des nobles qu’elle vivait seule, avec un homme, dans une telle crasse… C’en serait fini de l’avenir d’Elenor.

    Amarante se pencha donc d’un air sévère, le reproche clairement imprimé sur son visage.
    « Vous rendez-vous seulement compte d’à quel point vous la compromettez ? » Si elle n’avait pas trouvé de tel asile en ces quartiers, elle serait rentrée chez eux. Du moins, la trouver, et la convaincre de rentrer avec lui et de faire face à ses obligations, pour la bonne santé de leur famille, et plus globalement du siège qui comptait trop sur Amarante pour le laisser se disperser ainsi, aurait été plus aisé.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptySam 29 Jan - 10:11

Elandor fronça les sourcils. Il s’était trompé, il s’était dévoilé.
Imbécile, pensa-t-il. Mais après tout …Amarante l’aurait bien apprit un jour ou l’autre … De toutes façons, il était trop tard pour avoir des regrets. Il fallait faire face à la situation. Car la question était de savoir si, à présent, l’homme allait le soutenir ou le dénoncer ?
L’ancien Général n’avait pas confirmé ses soupçons mais son regard se chargea peu à peu de mépris. Et il lui affirma savoir qu’il mentait. Son attitude respirait la suffisance et la croyance tout acquise qu’il était en tous points supérieurs à la loque humaine qui lui faisait face. Dans le cœur d’Elandor, un reste de fierté s’éveilla, faisant surgir un sursaut de colère trop longtemps enfoui. Il abandonna alors toute idée de se voir encourager par son ancien vassal pour ne plus voir que son attitude froide et dédaigneuse.

Il n’avait pas choisi de se faire tuer, il n’avait pas choisit d’être remplacer aussi vite. Il avait été impétueux et stupide, certes. Mais il avait eu le mérite de vouloir faire changer les choses. Et, à l’époque, le patriarche Jagharii avait semblé le soutenir.
Ses poings se serrèrent malgré lui sous la table et il se vit se lever, balayer sa chaise d’un geste violent du bras et se ruer sur l’homme. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas ressentit une telle rage.
Il se contint à grande peine, concentrant toute sa violence dans l’éclat brûlant de son regard.
Être dédaigné par des inconnus, il avait fini par s’y habituer. Mais qu’un homme qui l’avait suivi et connu lors de son ascension le déprécie, il n’était pas en mesure de le supporter. L’humilité qu’il avait acquise était bien trop frêle et chancelante pour le soutenir dans cette épreuve.
Ses muscles masticateurs se dessinèrent sous la peau de ses joues à mesure qu’il serrait les dents.

Fort heureusement pour les deux hommes, Amarante enchaîna sur Elenor.
Un sourire désabusé s’afficha sur le visage de l’ancien Gardan. Son esprit protecteur s’éveilla, laissant sa colère au second plan.
Elenor … Vaste sujet. Et le père le lançait lui-même. Se sentait-il coupable ? Après tout, c’était à cause de lui si elle s’était enfuie ... Il avait eu la prétention de vouloir la marier, il avait échoué à trouver un prétendant digne de ce nom et elle lui avait fait payer. Les choses étaient très simples dans l’esprit d’Elandor et il n’en démordait pas.

Il se leva avec une lenteur étudiée, déployant sa carcasse qui, malgré les séquelles de la chute, avait gardé une certaine grandeur et un charisme qu’il savait toujours présent. Appuyant ses deux poings sur le battant de bois, il plongea ses yeux cuivrés dans ceux du Stratège. Son regard était ferme, déterminé et aussi, terriblement insolant.

« Il me semble qu’Elenor est parfaitement en âge de choisir sa voie, seule. »

Il avait insisté sur le dernier mot. Et ses traits ne se départirent plus de l’air provocant qu’ils affichaient. Il semblait vouloir dire Vous n’aurez pas les restes de mon orgueil, Amarante Jagharii. D’autres avant vous se sont chargés de m’arracher ma dignité et, malgré tout le respect que j’avais pour vous, je ne vous laisserais pas me piétine à nouveau.
Il n’en dit rien mais tout dans son attitude le criait.
Les deux hommes se jaugèrent du regard, farouchement déterminés à ne pas se laisser dominer.

La seule chose qui retenait l’ancien Gardan de tailler en pièce son interlocuteur -ou au moins d’essayer-, c’était Elenor. Elle qui aimait tant son père … Mais elle qui l’avait défié en s’enfuyant et en se réfugiant chez lui. Durant quelques instants, il se laissa aveugler : elle l’avait choisi, LUI ! Et pas ce vieil aigri qui lui faisait face … Mais pourtant … Il savait à quel point la famille était importante pour elle … Il faillit se reprendre et se taire mais c’était trop tard. Il ne lèverait pas la main sur Amarante Jagharii mais cela ne l’empêcherait pas de se défouler sur celui qui avait osé le juger trop légèrement. Il avait besoin d’une vengeance, aussi mesquine puisse-t-elle être.

« Si vous pouviez la voir aujourd’hui, je suis sûre que vous la trouveriez bien mieux qu’il y a deux mois, quand elle vous a quitté. »

Appuyer là où ça faisait mal … D’abord, il n’allait sans doute pas la voir aujourd’hui ni avant qu’elle le décide. Ensuite, elle l’avait quitté et ce, dans un état pitoyable. A présent, elle avait pansé ses blessures et c’était grâce à lui, un crieur aux vêtements rapiécés qui vivait dans une bicoque qui vacillait les jours de grands vents.
En dire plus ? Il avait l’envie puérile de lui hurler que cette Dissidence dont il partageait quelques idées, c’était LUI qui l’avait créée. Il n’était pas resté inactif à se cacher comme un pleutre.

Malgré tout, Elandor se força calme. Il n’avait aucune envie de se ridiculiser comme il avait pu le faire autrefois. Certes, physiquement, il était l’ombre de lui-même mais mentalement, il avait évolué, il avait mûrit.
Quand Amarante le verrait-il ?
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptySam 29 Jan - 23:58


    - Amarante Jagharii-
    En voyant le crieur se redresser, et arborer la stature du noble d’autrefois, Amarante, loin de s’en trouver intimidé, ressentit une certaine dissonance. Une incohérence, entre ce visage marqué, usé, ces vêtements, cette maison en ruine, et l’homme qui lui faisait face. L’espace d’un instant, il retrouva Elandor l’arrogant, celui qui tenait tête au Conseil, celui qui a eu sa faveur et qu’il a quelque fois appuyé auprès du conseiller Jaktarii pour tout ce qui touchait à l’armée… Et le constat n’en fut que plus misérable encore. Si Elandor était bien cet homme droit et fier, par Therdone que faisait-il donc dans cette baraque ? Que faisaient-ils donc là, avec Elenor… ?

    Amarante n’était pas naïf, et comme beaucoup de nobles, nourrissait quant à son « accident » quelques soupçons… Il se doutait bien que si Elandor reparaissait, ou si le fait qu’il n’ait pas succombé à cette fameuse bagarre de rue s’ébruitait, l’ancien Gardan Edorta y risquait sa vie… Sans doute était-ce aussi pour cela qu’il avait gardé son nom silencieux. Les murs étaient fins, et s’il avait une confiance absolue en ses hommes, il savait aussi que ceux qui ignoraient ce genre de secrets n’en étaient que plus en sécurité.

    Mais il peinait tout de même à l’imaginer vivre ici, et se contenter d’une vie de crieur, entraînant avec lui sa fille. Oui, Elenor était une femme, mais il l’avait faite sauvage, une véritable lionne, et à présent que le rythme de la Cité se faisait dissonant, entre révolution, dissidence et conseil, il craignait que beaucoup ne s’intéressent à sa fourrure… Il connaissait sa fille, et toute téméraire qu’elle pouvait être, il ne pouvait pas, pour elle et pour leur nom, se permettre de la laisser s’enfoncer plus avant dans cette folie.

    En se levant, cependant, Elandor avait changé la configuration de la pièce, qui d’interrogatoire se faisait débat, et si la réflexion quant à l’âge de sa fille et sa liberté à mener sa vie comme elle l’entendait fit monter en lui un accès de colère, il le maîtrisa, ne laissant rien paraître si ce ne fut une moustache frémissante. Se doutant, à voir la physionomie tendue et réactive d’Elandor, qu’il n’avait pas fini, le vieux stratège choisit le silence, un silence hostile malgré tout, et attendit la suite. Il attendit que l’autre en finisse de se reproches si vains. Car à mesure qu’il les débitait, Amarante espérait bien qu’il se rendait compte d’à quel point il se fourvoyait.

    Et cela ne tarda guère. Il glissa l’air de rien une réflexion quant à l’état d’Elenor, lorsqu’elle l’avait quitté. N’importe quel père se souviendrait de cela, et n’importe quel père en aurait souffert. A moitié délirante, ne tolérant plus rien si ce n’était cet… cet aubergiste. Il avait fait la folie de la laisser se rendre dans cette auberge, et pour quel résultat ? Pour la voir ensuite disparaître dans la nature, furieuse et traquée… Bien en deçà de ce que devait être la vie d’une Jagharii, maison si noble et si fiable, qui a mesure que le temps avançait, et qu’Elenor poursuivait ses folies, saignait en son cœur. Et Amarante, trop occupé à ce siège de malheur, se sentait trop vieux, et trop débordé pour en endiguer l’hémorragie. Pour autant, il refusait de voir son nom salit sans réagir.

    Une fois un calme relatif revenu, il réfléchit, comme souvent, à une solution. Stratège, il n’avait rien d’un homme emporté, et s’il avait montré des signes de colère ou de reproches, le ton en lui-même n’était guère monté. Et ce n’était pas maintenant, malgré les provocations de l’homme qu’autrefois il soutenait, que cela changerait.
    Une attaque en deux temps. Premièrement, une diversion.


    « Dites moi, Lance, que feriez-vous, si votre fille se trouvait un jour dans une telle situation, menaçant jusqu’à l’héritage de votre famille, et de votre nom ? Ne chercheriez-vous pas, et ce quel que soit son âge, à la protéger, et à lui éviter de tels écueils ? » Il balaya d’un geste ferme et fluide la pièce miteuse, comme l’éclairant d’une lumière crue, et réaliste. Le constat n’était pas brillant. « Ne chercheriez-vous pas, si vous la découvriez dans un tel endroit, en compagnie d’un homme d’apparence loqueteuse, de l’en sortir par tous les moyens ? Elenor n’a, jusque là, guère fait preuve de beaucoup de présence d’esprit en ce qui concerne les hommes à fréquenter. Ne s’est jamais cachée de ses multiples conquêtes, et vous le savez bien, jusqu’à s’afficher ouvertement comme la concubine clandestine d’un aubergiste vulgaire ! Et je la retrouve avec vous, dans une crasse plus profonde encore, seule, isolée, vivant aux côtés d’un homme qui se fait passer pour un crieur. »

    Il s’approcha encore, sourcils broussailleux froncés.
    « Que voulez-vous donc que cela inspire à un père digne de ce nom ? Fêteriez-vous l’évènement, ou ne lui accorderiez-vous pas la moindre importance, si cette femme, dont nous parlons, n’était autre que la chair de votre chair ? »
    Un soupir vint clôturer sa diatribe.

    Voilà pour l’esbroufe, à présent, il lui fallait étaler ses pions, et savoir, précisément, ce qui se tramait ici.

    Encore fallait-il faire montre de subtilité. Il avait été animé par la colère d’une telle découverte, et pourtant, ce n’était pas là le meilleur angle d’attaque. A en croire la lueur qui couvait dans le regard d’Elandor, il n’était pas non plus là par hasard, et de deux choses l’une, il devait savoir quel lien l’unissait à sa fille, et surtout ce qu’ils faisaient, ici.
    Elenor n’avait jamais tenues secrètes ses opinions politiques tranchées, qui peu à peu avaient fini par déteindre sur son propre nom. Aussi Amarante n’eut-il pas été surpris d’apprendre un jour qu’elle se trouvait derrière des barreaux, arrêtée pour le Guet pour s’être acoquinée à la Dissidence. L’un dans l’autre, il était persuadé que le mouvement n’était pas tout à fait étranger à cette fuite. Quoi de mieux, en effet, qu’un groupe clandestin et invisible pour ce qui était de cacher une femme que beaucoup recherchaient.

    Il plissa les yeux et dévisagea longuement Elandor, avant d’ajouter d’une voix plus calme :
    « Quels sont vos rapports avec Elenor ? Que faites-vous ici, tous deux ? » Et la question d’Amarante ne s’intéressait pas seulement à ce qui se passait sous les draps crasseux de leur chambre. Cela faisait, en outre, bien longtemps qu’il avait abandonné ne serait-ce que l’idée de se mêler des jeux d’alcôve de sa fille. C’était un métier à temps plein qui ne pouvait se conjuguer avec celui de Stratège. Dans la mesure cependant où cela n’allait pas trop loin. Elenor avait déjà fait des émules en vivant au Ceste, des émules qui, s’il avait pu les prévoir, auraient conduit Amarante à réagir bien plus tôt
    Non, ce qui l’intéressait, c’était de savoir quelle part la Dissidence pourrait avoir dans tout cela, et quelles étaient ses possibilités pour limiter au maximum les dégâts… Si Elenor était impliquée de trop près dans le mouvement, la ramener à la lumière revenait à lui mettre une corde autour du cou…
    « Et vous, Lance, que comptez-vous faire ? » Car Elandor, qui autrefois était encore le roi sur l’échiquier, jouait sans doute dans l’équipée de l’ombre un rôle non moins important… mais lequel ?

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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyDim 30 Jan - 14:32

Amarante l’avait laissé parler, le visage fermé et l’air hostile. Aussi, quand Elandor finit par se taire, il laissa tout loisir à son interlocuteur de répondre et ne prononça pas un mot. Le Stratège réfléchissait longuement et ne parlait qu’une fois sûr de lui. C’était une attitude très différente de la sienne et il avait du mal à réagir avec justesse. Il avait plutôt tendance à faire confiance à son instinct et préférait les débats enflammés aux longues leçons de morale.
Il se força cependant au silence et essaya, vraiment, de comprendre où l’ancien Général voulait en venir.

Il finit par froncer les sourcils à l’évocation de sa fille. Sa fille ? ! Oui, sa fille … Il avait une fille. Qu’il avait dû voir une dizaine de fois, tout au plus, et à laquelle il n’avait plus pensé depuis … Depuis très longtemps … Et un fils, aussi. Où étaient-ils à présent ?
Il déglutit, oubliant pendant quelques secondes la présence du Stratège devant lui.
Que ferait-il si sa fille se retrouvait dans une telle situation ?
Il lui semblait qu’en le vouant à la mort, le Conseil lui avait arraché sa famille. Non … C’était folie de sa part d’oser penser cela. IL s’était arraché à sa famille, IL avait abandonné ses enfants, sa femme, sa mère, pour ne plus se consacrer qu’à la belle rousse qui faisait battre son cœur. Devait-il s’en vouloir ? La culpabilité le menaçait mais en homme arrogant et fier, il refusa de se laisser envahir. On l’avait forcé à se marier, on l’avait forcé à faire des héritiers. Il n’avait jamais eu l’envie de devenir père, pas avec Thétis …
Refusant de s’abandonner à la mélancolie, il reporta son attention sur Amarante.
Mais à la place de son visage, il vit Bellone, son ventre plat à la peau lisse et l’imagina se gonfler doucement, s’arrondir et porter en lui les prémices d’un amour immense. Ses enfants à Elle, il aurait été capable de les aimer, de les chérir, et de souffrir pour eux.

Il secoua la tête, hésitant sur la conduite à tenir. Avait-il vraiment envie de poursuivre ce combat de coqs ? Amarante gardait un calme exemplaire alors que, lui, se sentait prêt à exploser.
Se dévoiler, jamais ! Mais être plus mesuré …
Il retint un soupir et fixa Amarante droit dans les yeux. Il fit un effort immense pour ne pas laisser la fatigue et la lassitude s’afficher sur son visage.

« Je … comprends votre point de vue. »
La première concession …
« Mais vous devriez comprendre vous aussi, qu’à présent, je n’ai plus ni nom ni héritage à défendre, Amarante. »
Il lui lança un regard lourd de sous-entendus.

C’était sans doute la première fois de sa vie que l’ancien Général lui parlait si longuement et si solennellement et il voulait à tout prix garder son sérieux. Mais à la pensée d’Elenor et lui puissent goûter, ensemble, aux plaisirs de la chair, il ne put s’empêcher d’éclater d’un rire léger. L’idée ne lui aurait pas spécialement déplu mais elle lui paraissait absolument incongrue.

« Vous pensez qu’Elenor et moi … Couchons ensemble ? Je vous ai connu plus direct dans vos questions, Stratège ! Mais sur ce point, je peux vous rassurer. Nous ne faisons que partager la même … demeure. »
Et la même couche mais en tout bien tout honneur et ça, je ne vais sûrement pas vous le dire !
Il avait achevé sa phrase dans un nouveau sourire.

Pour une raison mystérieuse, il se sentait moins tendu que quelques minutes auparavant. Après tout, il en était à un point de non-retour … Il hésita encore. Devait-il tout lui révéler, pour la Dissidence ? Il était déjà dans une mauvaise passe : si Amarante le dénonçait, il n’avait aucune chance de s’en sortir … Peut-être qu’en remontant dans son estime, il parviendrait à le convaincre de le couvrir ?
Il était au fond du gouffre et n’avait qu’une très faible marge de manœuvre. Mais cela faisait trop longtemps qu’il se savait sur la sellette pour paniquer réellement.

Mais sans sentiment fort pour le soutenir et le forcer à foncer, tête baissée, dans une attitude et de s’y tenir, Elandor hésitait. Il était une sorte de tête brûlée, ça ne faisait aucun doute, mais il avait appris qu’un chef ne peut prendre une décision à la légère. Il avait appliqué ce précepte à son rôle de Gardan -avec un succès plus ou moins mitigé aux vues des résultats-, et il comptait fermement l’utiliser à nouveau pour l’Al’Faret.
De toutes façons, Amarante devait parfaitement connaître l’existence de la Dissidence. Il devait connaître l’implication de sa fille ou tout du moins, une partie, et peut-être même avait-elle tenté de le rallier à des idées qui ne lui étaient pas totalement étrangères.
Et quels autres pions avaient-ils sous la main ? ! Il pouvait tuer Amarante, certes. Mais il y avait peu de chance que celui-ci ne se défende pas et peu de chance également qu’il n’ait prévu aucune mesure en vue d’une telle fin. Les soldats qui patientaient dehors n’avaient sans doute pas pour ordres de regarder oisivement leur maître se faire décapiter …
Donc il lui fallait convaincre. Pour l’instant, il passait pour le fou. A lui de se découvrir en roi …
Cela l’obligeait à se mettre en danger mais ne l’était-il pas déjà ?

Amarante le laissait réfléchir, l’œil attentif et les traits figés. Elandor, lui, fixait un point au-delà du vieil homme.
Ses poings avaient quitté la table et il avait reculé de quelques pas pour s’adosser à l’armoire branlante qui se tenait derrière lui. Ses doigts jouaient machinalement avec le tiroir dont la poignée s’enfonçait dans ses lombes.

« Et vous, Lance, que comptez-vous faire ? »
La question le hantait. Son nom d’emprunt avait été prononcé avec un ton sans équivoque et cela le ramenait plusieurs années en arrière, lorsqu’il avait été nommé Gardan Edorta. Riarg Karnimacii lui avait posé la même question peu avant de le faire assassiner.
« Et vous, Elandor Arlanii, que comptez-vous faire ? »
Sa propre voix résonna en échos dans son esprit.
« Et toi, Lan, que comptes-tu faire ? »

Vous dire la vérité.

Il cessa de fixer le sol sur lequel son regard s’accrochait, espérant vainement trouver une réponse dans les planches disjointes du parquet et reporta son attention sur le visage buriné qui lui faisait face.

« Je compte reprendre la place qui m’est due. »

Le murmure était à peine audible mais la voix incroyablement ferme. Si Amarante ne comprenait pas, c’est qu’il était le dernier des imbéciles !
Bafoué, abandonné pour mort, traîné dans la boue et piétiné, Elandor était devenue l’ombre de lui-même. Comment avait dit le Jagharii ? « Un homme d’apparence loqueteuse ». Voilà, il était devenu une loque, il était devenu un simple crieur, il était devenu Lance.
Mais son panache et sa vigueur ne lui avaient jamais fait défaut. Il avait changé, il n’était plus le même homme, mais en lui brûlait toujours la flamme qui fait d’une loque un meneur, un roi, un dirigeant.
Elandor était né pour ça, pour régner. Il ne savait rien faire d’autre et n’aspirait à rien d’autre.

Il ne pouvait répondre pour Elenor. Elle était ici pour lui, pour le soutenir, pour l’aider dans son entreprise. Mais que faisait-elle là ? Elle était guérie, elle aurait pu partir et l’aider de loin … Se cachait-elle encore ? Voulait-elle simplement l’épauler ?
En tous cas, son père comprendrait qu’elle n’était pas là simplement pour tenir compagnie à un ancien héros tombé dans l’oubli et qui se complaisait dans sa nouvelle médiocrité. Elle avait foi en lui et voulait lui redonner la place qu’il méritait.
Plus que tout autre, cet argument pourrait avoir raison des réticences d’Amarante : sa fille avait foi en lui, en ce Gardan déchu qui n’avait jamais, jamais, cessé de se battre.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyLun 31 Jan - 8:57


    - Amarante Jagharii-
    A la réponse fournie par Elandor, Amarante se redressa légèrement. Soit, les sentiments paternels étaient de toute évidence chez lui bien moins importants qu’ils ne l’étaient pour Amarante. Parce que sa fille n’était pas aussi sauvage et volontaire que celle qui vivait sous ce toit, ou parce qu’il avait toujours été trop recentré sur lui-même pour s’offrir le luxe d’aimer une enfant…

    Amarante choisit cependant de taire ses réponses, quoi qu’étant en total désaccord avec Elandor. Il avait un nom, il avait un patrimoine. Nul homme, tant qu’il avait la Volonté de vivre, ne pouvait être déchu de ce qu’il était, et Elandor avait été un Gardan Edorta. Plus en quelques semaines que ne le serait Ysor Arlanii, sans doute… Mais ce n’était pas à Amarante de juger de cela, et cette vie, qu’elle soit anonyme ou pas, représentait un espoir pour les personnes qui de plus en plus s’outrageaient du conseil et de ses manipulations. Un espoir ténu, résidant sous les gouapes d’un homme diminué. Quelle drôle d’époque vivaient-ils là.

    Elandor se mit alors à rire, ce qui commença par interloquer le stratège. La réponse vint, et fit se hausser l’un de ses sourcils. Autrefois, Elandor ne lui aurait peut-être jamais parlé ainsi. Il était son aîné, et parmi les aînés les plus influents du royaume, en outre. Aussi lui fut-il difficile d’accepter sans mot dire ce rire déplacé, d’autant plus qu’il avait trait à l’honneur de sa fille, ce qui n’était pas, et surtout pas en ce moment, un sujet de plaisanterie pour le vieux militaire. Il laissa cependant l’offense lui glisser dessus comme l’eau sur les plumes du canard, et se contenta de soutenir le regard qu’il interpréta comme étant moqueur. La remarque en revanche le fit réagir. Ses yeux se plissèrent sensiblement.


    « C’est de ma fille dont vous parlez, tenez votre langue, Lance. En outre j’ai abandonné depuis bien longtemps déjà l’idée de surveiller ses faits et gestes. » Il n’avait pas pu entrevoir la question du Stratège dans son intégralité… La crasse avait peut-être fini par enrouer son raisonnement ? Il empêcha cependant le fiel de filer entre ses lèvres, il tenait aux informations qu’il cherchait à glaner, et il serait toujours temps, après ça, de se servir à son avantage de ce qu’il venait d’entendre.
    Soit il remettrait à plus tard la question de l’implication de sa fille dans ce mouvement qu’il ne pouvait tout à fait embrasser, sans pour autant s’en sentir si éloigné que cela. Pour l’heure, c’était à ce Gardan-là qu’il s’intéressait, et le poisson ferré, il avait bien l’impression qu’il touchait du doigt un secret jusque là bien gardé.

    Fort heureusement, les informations ne se firent pas trop prier, et la première à venir se déversa sur le stratège comme un torrent furieux. Il accusa le coup, un coup électrisant. Il s’y était attendu, sans doute, car malgré le choc que provoquèrent les mots, rien dans sa physionomie ne trahit les sentiments qui le parcoururent. Quels étaient-ils, au juste ? Lui qui se battait pour un gouvernement corrompu en connaissance de cause, comme beaucoup de soldats, de militaires… Quelle réaction attendait-on de ces hommes-là, en pareille circonstance … ? Se féliciter des ambitions du roi d’antan ? Les condamner, les étouffer dans l’œuf, les encourager ?

    Retrouver la place qui lui est due…

    Elandor Arlanii comptait redevenir Gardan Edorta. Combien d’Ilédors, s’ils apprenaient qu’il nourrissait de telles ambitions, retrouveraient l’espoir ? Qui d’autre pourrait remettre dans la Ville Haute l’ordre que l’armée ne peut gérer ? A eux les Révolutionnaires, au-dehors, a des hommes tels qu’Elandor ce que les conservateurs ont de pire… A des hommes tels que lui de couper de leur organe les membres nécrosés, le Guet, ces petits chefs venus pourrir dans les artères de l’armée…
    Et pourtant, par sa simple prétention, il se mettait en danger. Légitime, il était l’ennemi du Conseil, aujourd’hui qu’un autre avait le pouvoir qu’il briguait, il n’était rien de plus qu’un chef déchu qui serait abattu à vue, avant d’avoir eu l’occasion de répandre la nouvelle de son existence.

    Quel enthousiasme montrer, lorsque l’espoir de voir naître une situation plus propice à la bonne tenue d’un Siège était éclairé par l’un des hommes qui, dans cette capitale, courrait sans doute le plus grand danger. Aujourd’hui, c’était Amarante, mais si demain c’était Ysor… ?

    Le Stratège soupira finalement. Il lui restait des questions à poser, tandis que peu à peu les pièces s’agençaient, et que dans son esprit l’organisation du futur de cet homme… et de sa fille prenait forme.


    « Et la… » Il regarda en arrière, baissa d’un ton. Toujours pour protéger ses hommes, qui demeuraient militaires dans une armée susceptible et prudente, par les temps qui courraient. « La Dissidence. Prétend-t-elle vous aider dans cette quête ? » Première chose à savoir. Jusque là, la Dissidence n’était qu’un groupe de fauteurs de trouble anonyme, prônant le règne d’un despote anonyme. Jamais, avant ce jour, Amarante n’avait imaginé ne serait-ce qu’une seconde l’éventualité qu’il puisse s’agit d’Elandor Arlanii. Il n’est était pas encore certain, certes, mais l’idée venue tinter à ses oreilles était coriace et répugnait encore à disparaître.

    La seule chose qu’il avait en commun avec ce mouvement, avant ce jour, était un ennemi, un ennemi dont il aurait été bien en peine de s’occuper, et dont il ne pourrait pas s’occuper avant la fin du Siège, de toutes les façons… Mais à l’idée qu’elle puisse mener sur le trône cet homme qui en quelque semaine avait montré plus de noblesse (au sens Jagharii du terme, s’entend) que ses prédécesseurs en plusieurs générations éclairait de façon inédite les scènes, et les récits qui lui parvenaient de la Dissidence.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyVen 4 Fév - 12:45

Elandor ne répondit pas à la réprimande d’Amarante. Il avait eu pour lui un respect au moins aussi intense que celui qu’il accordait à son père, ils avaient été deux figures gigantesques, tant pas leur charisme que par leur absence …
Mais aujourd’hui, si ce respect était toujours là, l’ancien Gardan ne ressentait plus le besoin de se plier à la déférence qui l’habitait autrefois.
Le sourire cynique restait plaqué sur son visage. Le Stratège ne devait pas oublier qu’il était à présent en dehors de toutes les structures qui l’encadraient jadis. Il pouvait se permettre plus de liberté qu’il n’en avait jamais eu parce que, au fond, ça ne changeait pas grand chose.
Mais il ne fallait tout de même pas que l’énervement gagne son interlocuteur, aussi resta-t-il silencieux, réprimant l’air goguenard que la remarque faisait naître en lui.

Vous n’êtes pas le seul à être attaché à votre fille, Jagharii … Et même si je n’ai pas toujours été un ami exemplaire, j’essaie, moi aussi, de veiller sur elle … Mais vous n’êtes pas sans savoir à quel point cela devient compliqué avec Elenor …

Elandor n’avait parlé que de leur -absence- de relation charnelle. Avait-il perçu le ton plus profond de la question ? Amarante voulait savoir ce que sa fille faisait ici et dans quel engrenage elle s’était empêtrée. Mais l’Al’Faret avait choisi délibérément de ne pas répondre. Ce n’était pas à lui de définir cette nouvelle position qu’elle occupait à ses côtés. Que le père s’arrange directement avec la fille …

La conversation se poursuivit et sa remarque fit mouche. Si Amarante ne réagit pas à la hauteur de ce qu’il attendait, son silence ne fut que trop éloquent. Il n’était pas au courant et, si Elandor était incapable de savoir s’il était pour ou contre cette décision, elle ne le laissait pas indifférent.
Il lui laissa la parole, se contentant de le fixer d’un regard instigateur, toute envie de rire l’ayant quitté.
L’information faisait son chemin dans l’esprit de l’homme. Après un temps de réflexion important, il finit par soupirer et sa question tomba, hésitante.

La Dissidence ? ! Il n’avait donc pas compris … Ou bien voulait-il avoir la confirmation de ses soupçons ? Elandor pouvait éluder ou répondre. Il choisit de répondre, il en avait déjà trop dit : sa vie était en danger. Il ne lui restait plus qu’à convaincre l’ancien Général de le soutenir ou, a minima, d’ignorer son existence et de le laisser agir dans l’ombre …

Quand il finit par s’exprimer, sa voix avait baissé d’un ton. Les murs ont des oreilles … Mais Elandor n’était que peu inquiet à propos de celles qui les entouraient. Les maisons les plus proches étaient de ferventes Dissidentes !
Le regard vers la porte lui fit songer à nouveau aux soldats postés là, attendant leur maître comme de bons petits toutous et il ne put empêcher le mépris de marquer ses traits avant de se reprendre. Qu’ils les entendent ! Il avait l’impression étrange d’être immortel à cet instant … Sans doute parce que sa chute n’avait jamais été si proche … Il avait besoin de tout son courage et de toute sa Volonté pour rester maître de lui, et digne.

Elandor Arlanii répondit donc sans ambages. Il chuchotait lui aussi, mais contrôlait parfaitement sa voix pour lui donner la fermeté nécessaire à de telles révélations.

« Je SUIS la Dissidence … »
Il hésita. Devait-il se lancer dans un grand pamphlet pour convaincre ? Amarante n’était pas le genre d’homme à être charmer par des mots creux. Il se faisait son propre avis et rien n’y changerait. Sauf peut-être …
« Et oui, Elenor me soutient. »
Encore un silence. Mais cette fois-ci, pas une hésitation mais un temps parfaitement mesuré.
« Elle n’est pas ici par hasard …Sa Volonté la guide. »

Alors certes, il risquait les foudres du père pour avoir mis son oisillon en danger, mais le père était suffisamment intelligent pour savoir que son oisillon était en réalité un oiseau de proie qui ne se posait sur votre gant que selon son bon plaisir.

Elandor brûlait d’envie de le questionner à son tour. Quelle décision allait-il prendre ? Allait-il le soutenir ou lui arracher cette vie précaire qu’il tenait entre ses doigts ?
Il était trop fier pour supplier mais il avait besoin de savoir …

« Et vous, Amarante Jagharii, que vous dit votre Volonté ? »

Il y avait comme un défi dans sa voix. Dans son élocution, lente et mesurée, terriblement sûre d’elle malgré les circonstances. Dans le nom, entièrement prononcé, sans fioritures mais avec une marque indéniable de respect. Dans le choix des mots. Ta Volonté est la lance, la Dissidence est son fer …
L’Al’Faret était prêt à recevoir l’appui du Stratège mais jamais il ne le laisserait guider ses actes. Plutôt mourir que devenir à nouveau le pion de quelqu’un …

Je suis l’homme qu’il vous faut, le Gardan Edorta dont vous avez rêvé …

Je suis votre avenir.


Ou alors il ne serait qu’un cadavre parmi tant d’autres …
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyJeu 10 Fév - 14:06


    - Amarante Jagharii-
    Amarante attendait la confirmation à ses soupçons, tandis que le crieur semblait ménager la tension dramatique de sa petite improvisation. Tout sobre et rigoureux qu’était le Stratège, c’était un comportement qu’il préférait, et de loin, à l’emportement et aux mots lâchés trop vite.

    Je SUIS la Dissidence.

    Quatre mots venus chambouler l’univers politique du vieux Stratège. C’était comme découvrir tout à coup, et ce en pleine bataille, une dizaine de nouvelles cartes, et autant de garnisons alliées, comme nées de l’ombre. Amarante déglutit doucement, ne laissant pratiquement rien poindre de la tension qui naquît de la révélation.

    Elenor, l’espace d’un instant, ne fut qu’un détail d’un immense engrenage. Un petit rouage au sein d’une machine qui s’emballait, et qui dans un grincement sinistre s’activait enfin. Elandor était au centre, un Gardan Edorta brillant, au sens littéral du terme. Décideur, Volontaire et courageux, que dire d’autre d’un homme capable de braver jusqu’à la Mort ? L’espoir de tant d’Ilédors. Et il se tenait là, aujourd’hui, comme un mirage pour lui demander :

    Et vous, Amarante, que vous dit vôtre Volonté ?

    Là se posait une question cruciale, car oui, ce qui figeait Amarante depuis quelque temps, c’était sans doute possible cette question là.

    Et lui, que lui disait sa Volonté ? Devait-il se montrer félon et déserter le front au risque de voir le joyau d’Isle, si farouchement protégé jusque là, au mains des Révolutionnaires ? Y avait-il un autre terrain sur lequel le vieux Lion se devait de rugir ? Ou bien fallait-il tenir, vaille que vaille, le Siège en cours pour refuser à ces sirènes l’attention qu’elles demandaient ?

    Amarante Jagharii avait son opinion de faite, d’un point de vue moral, et force lui était d’admettre que l’on faisait difficilement mieux que ce que prônait Elandor Arlanii et ceux, aujourd’hui, qui le suivaient. Mais de là a répondre de façon favorable à la demande implicite de feu le Gardan Edorta… il y avait tout un monde.

    Quelles pièces avancer pour s’en sortir sans dommage ? Que faire, pour qu’à aucun moment il ne fasse défaut à son devoir de Stratège… ?

    Elenor.

    Elenor était la clef qui lui ouvrirait les portes de la Dissidence sans risquer de s’y perdre. Amarante, s’il n’avait pas confiance en sa fille pour ce qui était de ses choix personnels, la savait Volontaire et fiable, et si elle devait être impliquée de façon indéfectible à ce mouvement séduisant, cela réduirait les champs d’actions sur lesquels Amarante aurait à se montrer vigilent. Des troupes aux rangs resserrés faisaient une meilleure cible qu’une armée étendue sur des hectares.

    Encore fallait-il trouver un moyen de s’assurer que sa fille ferait preuve d’une Volonté bien robuste, un moyen de se protéger, en quelque sorte. Il avait pu constater sa récente fragilité, suite à sa blessure, et malgré toute la confiance d’un père, il avait pour habitude d’être trop prudent, pour s’en contenter. Restait en outre le fait qu’Elenor, de par son choix de fuite, était une paria. Une paria promise à une famille qu’Amarante ne désirait en rien croiser dans l’intimité de son clan…

    Et s’il tenait là la possibilité de la soustraire à jamais à leur influence… ?

    L’idée se forma à toute vitesse dans l’esprit du Stratège. Le temps pour lui d’en envisager les tenants et les aboutissants…

    Elenor était publiquement perdue, mais ils travaillaient à faire sortir de la clandestinité beaucoup de monde… Dont un dirigeant éclairé.

    Assez de discutions, Amarante, sans répondre à la question du crieur, se détourna de lui et fit face à l’âtre de la petite cheminée où il avait trouvé la dague de sa fille. Il en effleura la poignée, décision prise. Il ferait cela pour l’avenir de sa fille, pour le sien. C’était un pari risqué, incongru dans la bouche du Vieux Lion, mais il le prononcerait quand même. Si d’aventure la Dissidence se révélait à la hauteur de sa prétention, si Vraiment, elle était le fer de la Volonté du peuple Ilédor, alors la famille Jagharii y gagnerait sur tous les tableaux.

    « Ce que me dicte ma Volonté… » Toujours dos à Lan, il laissa les mots se dérouler dans son esprit, pour les lâcher avec une lenteur toute étudiée. « Elle me dit que votre réussite pourrait bien être propice à notre peuple. Cependant, elle me dit aussi que si d’aventure votre… nom filtrait de ces murs, alors vous pourriez bien être perdu. »

    Amarante se retourna, ses traits empreints d’un calme souverain. Par cette simple supposition, il gagnait en pouvoir.

    « J’ai une demande à vous formuler, Lance. Une demande qui serait comme une allégeance de ma personne à votre cause, s’il advenait qu’elle trouve en votre bouche un écho favorable. » Aucune peur, le Stratège était ferme et solide. Il se savait, par l’ordre de ses suggestions, protégé de toute menace. D’autant plus qu’il n’était pas n’importe qui, il était un Jagharii, détenant en ses veines le pouvoir d’infirmer, ou de défaire la fidélité qu’Elenor vouait à l’Al’Faret.
    « Si cet écho ne me l’était pas, alors rien ne lierait plus ma langue face aux secrets de votre condition. Retenir les informations qui sont désormais miennes se révèlerait… difficile. »

    Le Stratège n’avait laissé poindre sur son visage aucune félonie, aucune agressivité. Il avait plutôt l’air d’établir un état de fait, d’expliquer à Elandor une chose d’une simplicité banale.

    « Etes-vous disposé à entendre ma requête… ? »

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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyMar 15 Fév - 12:13

La tension était palpable … Du moins pour Elandor. Il n’était pas du genre anxieux mais il sentait la sueur perler sur son front. Il ne tremblait pas , il savait trop bien se maîtriser pour se montrer fébrile mais il s’obligea à adopter les techniques de relaxation qu’on lui avait enseignées pour la préparation aux combats. Bien sûr, elles étaient invisibles aux yeux des autres : un chef aurait l’air ridicule s’il se mettait à respirer aussi bruyamment qu’une femme qui enfante à quelques secondes d’une bataille … Il n’avait jamais eu à s’en servir lors d’une escarmouche puisque, de part sa position, ils n’étaient jamais avec le gros de ses troupes mais les avait trouvées très utiles en bien d’autres occasions … C’était un mélange de méditation et de maîtrise du souffle qui parvenait à le calmer.
Les deux interlocuteurs ne se toisaient plus, ils s’attendaient. Se laissant réfléchir comme dans une partie d’échec et c’était à présent au stratège de jouer.

Amarante Jagharii était … Imprévisible ! Il avait fiancé Elenor contre son gré alors qu’il l’aimait plus que tout au monde. Son honneur et ses valeurs dépassaient tout le reste et Elandor priait pour que trahir son Gardan Edorta ne soit pas insurmontable pour lui.
Les muscles de sa nuque et de son dos étaient crispés depuis longtemps et il ne put empêcher son esprit de divaguer vers une scène tout autre, composé d’une femme, de ses mains douces et d’un délicieux massage.

Eloignant les trop douces images, Elandor reporta son attention sur Amarante qui, malgré le fait qu’il lui tournait le dos, semblait moins pensif et plus décidé à parler.
Sa première remarque ne se fit pas attendre et transforma bien vite l’ancien Gardan en jeune coq fier de lui, tout près à chanter pour faire son propre éloge.
Le Jagharii ne lui était pas opposé ! C’était une victoire en soi et une sacrée victoire ! Elandor imaginait déjà tout ce qui allait pouvoir découler de cet entretient.
Il laissa de côté la deuxième partie de la phrase mais fut forcer d’y porter son attention lorsque le militaire poursuivit

Amarante s’était retourné vers lui et, malgré les quelques éloges qu’il lui adressa à nouveau, la fin de sa tirade emplit la pièce d’un air glacial.
Toute l’excitation d’Elandor retomba pour ne laisser place qu’à la colère.
Que croyait-il, ce vieil homme sur le déclin ? ! Qu’il allait se laisser manipuler ? Que des menaces fonctionneraient sur lui ?
Il grinça des dents, le regard soudain brûlant et toutes les techniques de relaxation qui lui faisaient tant de bien face à l’angoisse ne purent rien pour apaiser sa fureur.
Conscient des enjeux, il tenta vainement de se maîtriser et, dans un dernier effort, tourna le dos au Stratège.

Penser à autre chose, penser à autre chose … En tous cas, à ne surtout pas balancer son poing dans la figure de son interlocuteur … Plutôt les serrer et regarder les phalanges qui blanchissent …
landor se força à visualiser le visage de sa fiancée, calme, sereine et puisa en elle la force de se contrôler.

Il ne pouvait se permettre de lui répondre à brûle-pourpoint sans réfléchir. Les enjeux étaient trop importants pour que seule la colère le guide …
Mais se montrer si susceptible à la manipulation était inconcevable pour lui.
Il serra et desserra les poings plusieurs fois, et sembla fixer son attention sur la lourde armoire délabrée qui lui faisait face.
Il laissa les secondes s’égrener, lentement, pesant soigneusement ses mots.
Finalement, il se retourna.
La fureur avait quitté ses traits mais ses yeux restaient étonnement incisifs et froids. Il n’était pas décidé à lui laisser la moindre de chance de voir une faille en lui et de s’y engouffrer.
Sa voix était du même ton que son regard : calme mais acide.

« Je ne suis guère … disposé à vous laisser m’imposer mes choix. »
Il marqua une pause, ses silences martelant son discours mieux qu’aucun éclat de voix.

« Néanmoins, je suis près à négocier avec vous. Tout en sachant que ce n’est pas en me menaçant que vous obtiendrez ce que vous voulez … »

Je ne vous vendrai pas mon âme, Amarante, elle m’est trop précieuse …

« Et je ne saurai me prononcer avant de connaître la teneur exacte de votre requête. »

Peut-être venait-il de signer sa perte … Mais il ne pensait pas que le vieux Lion aurait été particulièrement heureux de le voir s’écraser devant lui comme un Nobliau devant un membre du Conseil.

Elandor tenait à sa liberté et à son autonomie. SA Volonté guidait les Dissidents, aucune autre !
Ses alliances, il les contractait en son âme et conscience, jamais sous une totale contrainte.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyVen 18 Fév - 1:34


    - Papa Jagharii a quelque chose pour toi,
    Vilain Garnement -
    Amarante, à la réponse d’Elandor, baissa sa garde le temps d’un soupir. Rare expression de ce qui se passait en lui… Elandor n’avait pas compris, et sa réponse était aussi irréfléchie qu’irrationnelle. Il n’avait jamais su courber l’échine lorsqu’il le fallait, et Amarante, au fond, l’avait admiré pour cela. Pourtant en l’occurrence, ça l’agaçait. S’il pensait que c’était un chantage sans foi ni loi que lui faisait le Stratège, alors feu le Gardan Edorta le connaissait bien mal. Sans se formaliser du jeu d’acteur de ce chef déchu, noble dans ses gouapes, Amarante pesa correctement ses mots, afin de clarifier les choses.

    « Je suis Stratège de l’armée, Lance. Autrefois, j’en étais le Général. » Le vieil homme vit sa moustache s’animer une seconde sur un souffle contrôlé, puis reprit d’une voix grave : « Par mon seul silence, je me fais félon. Et nul homme de ma condition ne se fait félon à la légère. »

    Ca, c’était clair. Une Volonté solide, qui affrontait sans sourciller celle, pointue et acide, d’Elandor Arlanii… Deux rocs qui risquaient à tout moment de se briser l’un contre l’autre. Si Lan voulait qu’Amarante oublie son devoir, il faudrait se montrer plus coopératif. Il était temps, à présent, d’en venir au fait, à ce qui importait le plus…

    Assurer aux Jagharii un avenir positif, si son silence payait… Le risque devait en valoir la chandelle, pour lui, mais aussi pour sa descendance et l’avenir de son nom.


    « Je prendrais donc le pari que votre cause est celle qui entre toutes mérite la victoire, me faisant traitre aux yeux de toutes les autres, à la seule condition que ma famille soit récompensée de son allégeance envers vous… » Il s’approcha doucement, et, tout en baissant d’un ton, donna à sa voix un rythme plus marqué. « Que notre nom soit intrinsèquement lié au votre, à celui de l’Al’Faret. »

    Il se redressa, son propos se précisait : « Le prix de mon silence sera votre demande en mariage à ma fille. J’oublierais mon rang et mes devoirs à la seule condition que vous preniez Elenor pour femme dans les semaines qui viennent, de façon officielle et indéfectible, et ce avec l’aval, bien entendu, de la Douairière votre mère. »

    Puis il se plongea dans un silence ferme mais patient. Le regard et le menton contractés comme un roc qui ne bougerait qu’au signal d’Elandor. Il savait Elenor opposée à l’idée même de se marier à un homme qu’elle n’aurait pas elle-même désigné, mais face aux Venarii, Amarante ne pouvait que voir en Elandor un parti beaucoup plus acceptable, fut-il encore illégitime et clandestin. Après tout, ne partageaient-ils pas cette crasse depuis des semaines ? Elle s’y ferait, et son père ne la verrait plus jusqu’à ce que le jour soit venu pour elle de prendre cet homme là pour époux.
    C’était là le meilleur moyen de l’attirer, transformer l’abri en prison, cette maison en foyer provisoire, puis la voir entrer, une fois revenue la gloire, au Palais comme la plus forte, et la plus flamboyante des reines qu’il eut été donné à Isle d’avoir.

    S’il acceptait.

    Mais il accepterait… qu’était un mariage, lorsque tant était en jeu… ? Et puis, Elenor n’était pas un parti négligeable, loin s’en fallait : fille d’une longue lignée de nobles de sang à la réputation vierge de toute félonie, le positionnement de la famille à la Lionne Blanche pèserait lourd, à l’avenir, sur la réaction de l’armée, mais aussi d’une grande partie de la noblesse Ilédore, au moment de jouer aux trônes…

    Afin de l’amener en douceur sur un autre terrain que celui du chantage, Amarante lui suggéra à voix basse :
    « Les Jagharii auront beaucoup à vous apporter, Elandor. Ils n’ont jamais rien eu de ce qui est reproché aux Arlanii… Elenor, à vos côté, rassurera ceux que vous n’impressionnerez pas. A vous deux, vous formerez un pouvoir plus stable, et mieux accueilli… Vous signez une allégeance plus juteuse que les Arlanii ne le feront jamais… »
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyDim 20 Fév - 13:33

Ainsi donc, l’éclat du jeune arrogant avait fini par agacer le vieux Stratège … Sans pouvoir lire vraiment en lui, Elandor le sentait à ses traits froncés et à ses soupirs.
Il accepta la réaction sans sourciller. Que son adversaire -car ça en était devenu un- s’énerve s’il le voulait, ça ne ferait que le servir, lui.

D’ailleurs, il ne répondit pas à sa remarque, le Stratège ne faisait que répéter ce dont il se doutait fortement et qui présentait l’un des plus gros obstacles à leur coopération. Mais qu’il parle de félonie agaça l’ancien Gardan Edorta. Ne se rendait-il pas compte qu’il servait les seuls véritables félon ? Il avait été le Général de son père, il lui avait dû allégeance, à LUI. A présent, il servait les félons qui avaient attenté à sa vie.
Et il osait parler de sa condition ? … Sous-entendait-il qu’Elandor lui était devenu inférieur ? Celui-ci choisit de ne pas relever et ravala la colère aigre qui lui montait à la bouche.
Amarante le trouvait encore impulsif et pédant mais il n’avait pas conscience des efforts qu’il faisait déjà pour ressembler un peu moins à un Noble arrogant qu’auparavant.

Il le laissa poursuivre, les sourcils froncés et les lèvres pincées. Il allait devoir faire des efforts pour obtenir l’aval du vieil homme et, surtout, son silence …
Mais la pensée qu’il allait être le seul à faire des sacrifices l’agaça même s’il n’avait pas vraiment le choix. Et, dans le futur, il veillerait à ce qu’Amarante remplisse sa part du marché. Son silence ne suffirait pas à le satisfaire … Il utiliserait aussi ses talents et sa position. Cette pensée, quoiqu’un peu puéril, lui permit de s’apaiser et d’écouter calmement les desiderata de l’homme.
Ce qu’il fit avec une politesse exemplaire, acquiesçant silencieusement. Oui, oui, il était d’accord pour que leurs noms soient intriqués et que leurs deux familles se rapprochent, etc. Ce n’était que des détails …
Oui, oui, demander en mariage sa fille. Sa fille ? Sa fille !
Elenor …
Un bref ricanement s’échappa de la gorge d’Elandor à cette idée. Il avait cessé de fixer le Stratège et reporta directement son regard sur lui, l’air goguenard jusqu’à ce qu’il rencontre les sourcils froncés et les prunelles sévères.
Ce n’était donc pas une plaisanterie ? !
L’Arlanii étouffa le dernier éclat de rire dans un toussotement.
Il retint à grande peine son « vous plaisantez ? » prononcé avec tout le scepticisme qui emplissait son cerveau. Non, l’ancien Général ne plaisantait pas. Cela se voyait à son expression exaspérée et choquée.
Pourtant, l’idée était absurde … Même Elenor serait en désaccord avec cette proposition … Qu’ils se marient ! Ils étaient trop … Trop semblables et trop différents. Ils avaient la même manière d’appréhender le sexe et la vie mais leurs caractères ne se ressemblaient en rien … Et … Et ils avaient tous deux offert leurs cœurs à quelqu’un d’autre.
Un pincement au cœur, une minuscule étincelle rousse qui le brûla affreusement.

Elandor reprit son sérieux mais resta silencieux.
Amarante finit par l’achever avec sa dernière tirade mais, durant le bref silence qui s’était installé entre eux, une seule pensée avait envahit l’esprit d’Elandor, l’empêchant de penser à tout le reste : que venait donc faire Noor Arlanii dans la conversation ? ! Sa mère ne l’avait jamais soutenu ou aimé et il lui avait si bien rendu qu’il n’avait pas la moindre intention de lui apprendre sa survie.
Mais ça n’était qu’un détail face à la réflexion qui l’attendait …

Douloureusement, Elandor prit conscience des enjeux qu’engagerait sa réponse et son rire franc lui parut bien loin.

Amarante avait raison, cette alliance était de bonne augure … Elenor ferait une grande Reine. Elle avait l’apparence pour, la noblesse des traits et le port altier. Elle n’en avait pas encore le caractère, elle était bien trop emportée pour cela, mais son jugement était juste et, tout comme Elandor quelques années plutôt, il lui faudrait apprendre à se maîtriser pour donner à son règne la dimension et le prestige qu’elle était capable de lui apporter.
Elandor fut stupéfait de prendre conscience qu’il pensait réellement tout cela et, même que, durant quelques secondes, il l’avait envisagé.
Avant l’arrivée de Bellone dans sa vie, il aurait sauté sur l’occasion. Les Jagharii avait une réputation plus qu’enviable et une position hiérarchique parfaite. Il s’entendait suffisamment bien avec Elenor pour que les quelques armes qui volent au travers d’une chambre à l’occasion d’une dispute ne soient pas un problème, et elle était bien faite ce qui ne gâchait rien au plaisir.

Au fond de lui, Elandor savait qu’il avait perdu. Il ne voulait pas l’admettre mais il le pressentait. S’il ne s’inclinait pas maintenant, il ne pourrait plus jamais revenir en arrière, plus jamais avoir une telle occasion de convertir le Lion d’Edor Adeï à sa cause. Mais un visage le hantait et il eut soudainement l’impression que son abdomen s’était vidé de tous ses organes et que le vide qui le remplaçait allait l’engloutir.

L’occasion était d’or, l’Al’Faret en était conscient et tout son corps le criait. Mais Elandor ne pouvait envisager cette proposition. Son visage s’était décomposé durant quelques instants et il se força à reprendre contenance.
Il ne pouvait pas. Sa vie était en jeu, son avenir et celui d’Isle étaient en jeu, sa vengeance et tout ce à quoi il aspirait était en jeu.
Mais il ne pouvait pas.

« Je … J’ai conscience des avantages qu’apporterait une telle … alliance et je vous remercie pour cette proposition. »

Il marqua une pause, hésitant quelques secondes encore, son cœur et son esprit engagés dans une bataille sans merci.
Il s’était montré plus poli et plus respectueux que jamais au cours de ce bref entretient, acceptant humblement sa défaite. Mais ce qu’on lui demandait de faire, il n’était pas prêt à l’accepter. C’était au-delà même de sa réflexion. Peu importait ce que lui disait sa raison, son âme restait campée sur sa position, incapable d’envisager les choses autrement.

« Mais je me dois de refuser. Je suis déjà engagé auprès d’une autre femme, je suis déjà fiancé. »

Fiançailles secrètes … Il était improbable que le Jagharii soit au courant, Bellone ne lui en aurait jamais parlé.
Il aurait pu se contenter de cette simple phrase mais quelque chose le poussait à tout révéler, à aller jusqu'au bout. Personne n’avait jamais su, à part Elenor. En l’avouant, il avait l’impression de rendre à Bellone la place qui était la sienne. Même s’il ne s’agissait que d’un homme, c’était comme si le monde entier allait pouvoir la reconnaître comme SA fiancée, la seule femme qui l’avait jamais touché.
Sa voix se fit murmure, comme s’il brisait le sceau qui avait retenu cette vérité depuis si longtemps. L’offrir aujourd’hui à Amarante, c’était la rendre réelle et ô combien plus douloureuse devant l’absence …

« La Générale des Armées est ma promise. »

La bombe était lancée et Elandor posa son regard bouleversé dans celui du Stratège. Il n’avait pu prononcé son nom et n’avait donné que son grade. C’était aussi une façon, il s’en rendait compte, d’essayer d’émouvoir le Stratège : ça n’était pas n’importe quelle fille, c’était sa protégée.
Quelque chose s’était fissuré en l’Arlanii et il ne put empêcher ses prunelles hantées de l’implorer de ne pas lui demander de faire ce choix.
L’amour de sa vie ou son avenir …
Une ombre passa et la sur ses yeux et la supplique s’évanouit. L’homme resterait campé sur ses positions, ferme et ampli d’une Volonté qui, en d’autres circonstances, aurait forcé l’admiration de l’Arlanii. Mais pas aujourd’hui ...
Il le laissa lui répondre, pendant que dans son esprit, la lourde vérité faisait son chemin. Même s’il refusait de l’accepter, il n’avait pas le choix. Donner son aval était la seule solution envisageable.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyMar 22 Fév - 19:53


    - Papa Jagharii a quelque chose pour toi,
    Vilain Garnement -
    Derrière les traits durs de son visage inébranlable, c’est une chape de plomb qui tomba sur l’estomac du Vieux Stratège. La Générale des Armées, sa propre protégée, en qui il avait placé tant d’espoirs… Bien qu’Amarante Jagharii fut loin de placer l’avenir de Bellone avant celui de ses siens, il ne pouvait décemment pas prendre à la légère une telle donnée. Alors, que faire ? Rebrousser chemin, et céder sa loyauté à la Dissidence sans y poser la moindre condition ? Elenor fonctionnait à l’affect, et ne regardait que de bien loin où se situaient les intérêts de son nom. Elle s’offrait sans rechigner à l’ami et au compagnon, faisant fi des convenances et de l’avenir. Mais Amarante, plus pondéré, avait besoin d’un contrepoids suffisant, avant d’offrir à une cause l’allégeance de son clan.

    Que deviendraient-ils, Elenor, son fils et lui dans un avenir Dissident ? Au sein d’une noblesse corrompue et décomplexée, ils étaient les remparts des valeurs d’antan, décalés mais sains, et respectés. Mais si l’Al’Faret remportait un jour la victoire, sauraient-ils se ranger, conseiller, se fondre dans la masse au risque de disparaître ? Dans un monde empreint de leurs valeurs, risquaient-ils de perdre leurs visibilité, et de devenir les obsolètes figures d’un passé révolu ?

    Amarante s’imagina avec amertume un avenir où Elenor, femme d’un nobliot médiocre, ne verrait que de loin ce pouvoir auquel elle avait contribué aller de son côté, avec à ses crochets un Amarante trop vieux, et trop usé pour tenir correctement les rênes d’un clan autrefois si fameux.
    Non, il ne pouvait pas assumer cela. Il n’en avait pas le droit, ni pour elle, ni pour tout ce que ses aïeux avaient accompli. Profitant ostensiblement du malaise et de l’indécision d’Elandor, le Vieux Stratège laissa un soupir lui échapper. Le regard implorant d’Elandor avouait déjà la victoire du Vieux Lion, qui n’avait alors plus que sa morale pour décider du choix à faire.

    Evitant ce regard qui le dérangeait, car trop impropre à l’homme qu’avait été, autrefois, Elandor Arlanii, il se détourna et prit le temps de réfléchir. De toute évidence, cette décision impliquerait nombre de personnes qui lui étaient chères, d’une manière ou d’une autre. Un Générale déjà endeuillée, un Gardan autrefois admiré, sa propre fille…


    « La nouvelle de ces fiançailles me peine, croyez-le bien… Mais il m’est impossible de leur sacrifier l’avenir des miens. Cet accord, qu’il soit douloureux ou pas, ira avec mon allégeance. Je suis trop vieux pour vous remettre sans contrepartie considérable l’avenir de mon clan. »

    Et dans le regard du Vieux Lion une désarmante sincérité. Trop Vieux pour soutenir à lui seul la gloire de sa famille, trop lourd tribu d’un passé glorieux, qui tomberait avec l’incompétence notoire de son fils… Un semblant d’homme. Ne pouvant décemment compter sur lui, échouer aujourd’hui, pour Amarante, équivaudrait à un désastre. Et nul ne connaissait mieux l’aura d’Elenor, et aucun rang ne saurait mieux voir irradier les valeurs et la noblesse des Jagharii que ce qu’Elandor pourrait lui offrir.

    Il était important, cependant, qu’une chose soit claire, et pour l’énoncer, la voix d’Amarante s’adoucit, ferme, mais grave :
    « Ce n’est pas une prise en otage, Lance. Et la décision, quelle qu’elle soit, vous revient. Mais je vous en prie, faites au mieux pour Isle, et pour les vôtres, pour ceux qui vous suivent. »

    Un nouveau soupir, et il se reprit sur un point. « Quoi qu’il en soit, pour l’amour de ma fille, je ne vous mettrais pas en péril. En revanche, je ne saurais vous apporter mon soutien, et sans accord passé, ni moi, ni mes hommes ne saurions concourir à votre sécurité, et Therdone sait à quelle point elle peut, chaque jour, se faire plus frêle. »

    Il retirait sa menace avec subtilité, mais ne revenait en rien sur sa Volonté.

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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyJeu 24 Fév - 11:54

Elandor frissonna. C’était terminé. Amarante avait tranché avec sa conscience et il lui restait à présent à en faire de même. L’air suppliant s’effaça de son visage à mesure qu’un gouffre s’ouvrait à ses pieds. Prudent, il resta de marbre, refusant d’avancer d’un pas et de s’y perdre dans une chute sans fin.
Il n’y avait plus de menace. Son choix, il devait le faire en son âme et conscience et s’il acceptait, ce serait sciemment qu’il détruirait l’avenir de son couple. C’était pire que tout. Il devait choisir entre raison et sentiments et non plus entre risque et sécurité.

Sans un regard vers son interlocuteur ni même une parole, il se retourna et s’affaira quelques instants.
Il revint avec une chope de bière, sûrement très mauvaise, et une corbeille où deux pommes et un morceau de pain traînaient encore.
Il les posa sur la table, fuyant toujours le regard du Stratège.

« J’ai besoin de réfléchir, faites comme chez vous. »

Il ne pouvait décemment lui demander de revenir plus tard mais ne pouvait rester en sa présence alors qu’il prenait la décision qui allait bouleverser sa vie.
Dans ses yeux ne brillait plus aucune lueur de quoique ce soit et l’Arlanii avait la brusque impression d’être vidé de ses forces.

Il se dirigea d’un pas vif vers la cour où un soleil timide tentait d’empêcher le vent froid de lui geler les os.
Il se saisit d’une épée d’entraînement en bois et commença quelques exercices et postures.
Fluidité, rapidité, maîtrise. Il les exécutait mal et cette tentative de se changer les idées et de s’apaiser vola en éclat en même temps que le bois de l’arme lorsqu’elle s’écrasa au sol.
L’homme s’accorda quelques minutes, au milieu de la cour, les bras ballants et le regard vide. Il ne La chasserait pas de ses pensées. Alors pourquoi ne pas procéder autrement ?
Il L’appela alors, attirant à lui des souvenirs et des sensations qu’il évitait soigneusement d’habitude. Les flammes de la chevelure dansèrent, la douceur de Sa peau lui effleura le visage, Son odeur se joignit à celle indéfinissable de la brise. Elle était là, devant lui, fantôme intouchable et inaltérable.
Il La regrettait, Elle lui manquait, il L’aimait.
Mais cela n’avait plus rien à voir avec la décision qu’il avait à prendre. C’était un état de faits que rien ne changerait jamais.

Il rejoignit le puits et s’accouda à la margelle. Il revit certains de ses combats avec Elenor puis d’autres visages Dissidents se superposèrent.
Les arrestations se multipliaient, même Eléni en avait fait les frais. Combien de temps avant qu’on lui enlève un être cher ou un Dissident indispensable ? Combien de temps avant que quelqu’un parle sous le coup de la torture ? Combien de temps avant qu’on ne remonte jusqu’à lui ?
Il L’aimait mais cet amour pouvait-il rivaliser avec la protection inestimable que lui proposait Amarante ?
Il n’était plus le seul à être impliqué. Tout Isle dépendait de sa réussite. Refuser, c’était condamner tous eux qui le soutenaient et tous ceux qui profiteraient, par la suite, d’une politique plus fière et moins corrompue. Il ne s’agissait plus seulement de sa vengeance personnelle, l’Avenir était en jeu.

Un rire sans joie le secoua pendant quelques secondes.
Une protection pour lui et ses proches, des informations primordiales sur l’armée, le Conseil, le siège et toutes les décisions importantes prises dans la Capitale, des hommes pour tenir le Guet à distance et les avertir, une couverture et un Dissident plus haut placé que tous ceux qu’il avait pu atteindre jusque là. Tout ça, à portée de main … Une chance inouïe de s’approcher de la victoire …

Tu ne peux plus te permettre de penser seulement à ton petit bonheur …
Comme s’il y avait pensé ces derniers temps … Il avait dû abandonner son ancienne vie, le luxe, l’amour, la facilité. Lui qui n’y avait jamais goûté connaissait à présent le goût âcre du sacrifice.
Il soupira. La vie était injuste !
Cette fois-ci, son sourire se fit plus franc. Il pensait comme un gamin de dix ans. Mon papa ne s’occupe pas de moi, c’est pas juste !
On le lui avait pourtant répété, qu’on n’était que rarement récompensé comme on le désirait mais qu’il ne fallait jamais, jamais abandonner.
L’image de Rayel Teradan s’afficha dans son esprit. Il revoyait le regard désabusé et réprobateur de son mentor.
Et il entendait à nouveau ses conseils, les valeurs qu’il essayait de lui transmettre. L’honneur, la fierté, la loyauté … En théorie et dans les discours, ça faisait très bien. Dans la vraie vie …
Il se devait d’accepter, pour les Dissidents, pour son honneur et sa fierté. Mais sa loyauté ? N’allait-elle pas vers Elle ? Il était en train de la trahir alors qu’il lui avait promis de l’aimer toujours.
Mais Elle comprendrait, n’est-ce pas ? Elle l’aimait pour ça aussi, sa Volonté et sa capacité à choisir ce qui est nécessaire plutôt que ce qui est agréable … Ou bien elle ne lui pardonnerait jamais … Quelle importance, maintenant qu’il ne pourrait plus jamais la voir ou la toucher ?

La pensée s’imposa à son esprit avec une force incroyable. Il avait déjà choisit et même, s’était déjà résigné.
Il secoua la tête. Il ne servait plus à rien de faire attendre Amarante.
Il ferma les yeux et respira profondément plusieurs fois de suite. Tout à l’heure, il s’était abandonné au désespoir devant cet homme et il ne tenait pas à s’humilier à nouveau devant lui. Une voix sûre et égale, un regard franc et des mouvements qu’aucun tremblement ne viendrait perturber.

D’un pas lourd, il rejoignit la pièce principale de la maisonnette. Il retrouva le Jagharii là où il l’avait laissé et s’excusa d’un mouvement de tête.
« Je suis désolé de vous avoir fait attendre. »

Il s’assit en face de lui, ils étaient à présent à la même hauteur et allaient parler d’égal à égal.

« J’accepte votre proposition. J’en vois les avantages certains pour la Dissidence et pour Isle toute entière dans un futur que j’espère proche. »
Une pause. Ils étaient maintenant tous deux engagés dans un contrat, et Elandor n’avait pas l’intention qu’il soit à sens unique. A présent qu’Amarante savait quel prix il payait, il pouvait se permettre d’énoncer ses conditions qu’il n’estimait pas surévaluées et que le Stratège avait déjà quasiment exprimées.

« En échange, je vous demande votre aide et votre soutient. Vos hommes pour nous protéger et nous apporter les informations auxquelles nous n’avons pas encore accès. Nous sommes déjà bien organisés mais trop souvent bloqués par des données vagues et incertaines.
Et … si vous en avez la possibilité, j’apprécierai que nous puissions profiter de vos talents de Stratège. »


C’était un compliment, l’Arlanii remarquant humblement qu’il n’avait peut-être pas encore tout tenté et qu’il n’avait pas forcément pensé à tout ce qui pourrait leur servir. Amarante avait l’habitude de trouver rapidement des solutions astucieuses en cas de guerre et Edor Adeï étant à présent un champ de bataille. Même si les combats étaient moins violents et plus insidieux, ils n’en étaient pas moins déterminants.
Il ne s’avança pas plus sur les détails, d’autres discussions seraient nécessaires. Mais Elandor était prêt à faire accéder Amarante au cercle très serré de ceux qui pouvaient donner leurs avis quant aux décisions de l’Al’Faret.

« Mais je suppose que nous pourrons les régler tous ces détails un autre jour. »

Il n’avait plus qu’une seule envie, rester seul. Sentir l’horreur de sa décision l’envahir, laisser la douleur le submerger plutôt que la sentir là, sourde et omniprésente.
Longtemps, dans son esprit, l’amour n’avait eu aucune place dans un mariage. L’arrangement politique lui aurait paru des plus enviables s’il n’avait pas, justement, goûté à cet amour auquel il pensait ne jamais devoir croire.
Prendre congé, donc. Mais avant cela …

« Je prendrai soin d’Elenor. »
Et elle resterait donc à ses côtés en attendant.
»Souhaitez-vous lui vous-même apprendre la nouvelle ? »

Puis il hésita, marqua une pause. De quel droit allait-il demander cela ? Bellone n’avait nul besoin de protection, elle savait se débrouiller seule. Mais Elandor imaginait aisément qu’elle soit capable de négliger sa vie privée et sa santé au profit de sa tâche, d’autant plus qu’il n’était plus là pour elle.

« Et puis-je vous demander de veiller à ce que votre protégée ne manque de rien ? »

Amarante l’avait toujours fait mais la demande, pudique, englobait bien plus que de simples moyens financiers et matériels. Un jour ou l’autre, il faudrait forcément qu’elle apprenne la survie de son bien-aimé et, par la même occasion, ce mariage. Et l’Arlanii ne supporterait pas qu’elle ne s’en remette pas, même si la voir vivre loin de lui allait être la pire punition qu’un être puisse s’infliger.
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptyDim 27 Fév - 17:11


    - Amarante Jagharii -
    Lorsqu’Elandor se remit en mouvement, Amarante attendit avec une certaine patience sa réponse. Il avait conscience de condamner quelque chose, de par sa demande. L’avenir de sa protégée, l’amour d’Elandor… Mais ils s’y feraient… Bellone était une femme splendide, et talentueuse. De nombreux hommes, une fois passés les troubles, se présenteraient à sa porte, et parmi eux des hommes gentils, capables de prendre soin d’elle et de l’épauler. Elandor… Elandor, s’il acceptait, épouserait sa fille, ce qui aux yeux d’Amarante était loin d’être un fardeau. Il lui offrait une femme solide et vaillante, Volontaire parmi les volontaires… Une femme belle, une métisse à la taille haute, aux épaules et aux reins solides, les traits taillés et altiers… On l’avait sollicité pour elle, mais il la lui offrait sur un plateau. L’héritière des Jagharii, sacrifiée à sa cause par la chair, alliée à son avenir pour le nom.

    Non, Elenor n’était pas une condamnation, et si Amarante concevait bien la peine d’Elandor à se décider, sa réticence et son désespoir avait quelque chose de blessant pour le Vieux Stratège. Une insulte à sa lignée, et à la richesse à la puissance de celle-ci. Mais le vieil homme garda pour lui l’insulte que cela représentait, et accepta silencieusement la retraite d’Elandor. Il ne le pensait pas capable de s’enfuir, et choisit de lui faire confiance. La bière ne lui dit rien, Amarante, de toute les façons, buvait fort peu. Les pommes, rustres et vulgaires, ne lui dirent rien de plus.

    Elandor parti, Amarante attendit quelque temps, et, après avoir fait de nouveau un tour de la modeste demeure, il finit par se tenir debout devant le petit âtre, les mains jointes dans le dos. Les yeux tombés sur l’âtre éteint, un abîme de suie et de pierres brûlées… Quelques cendres. Vision tranquille d’un intérieur modeste, où il pourrait, en se concentrant, sentir jusqu’à la présence de sa fille. Il l’avait faite fuir lorsqu’ils avaient affronté ensemble les Venarii. Il l’avait vue craquer, fondre en larmes et l’inonder de reproches. Peut-être n’avait-il pas été le meilleur père qui soit. Peut-être qu’en cherchant un répit dans ces fiançailles, il avait à jamais brisé quelque chose en leur clan. Elle le fuyait, ce que jamais elle n’avait fait jusque là… L’accusait de tous ses maux, et était allée jusqu’à se perdre dans cette misère, pourvu qu’elle la guide suffisamment loin de lui et de son influence. Avait-il eu tord d’agit de la sorte ? Avait-il eu tord en pensant l’aider ? Amarante ne pouvait se résoudre à croire une chose pareille, et pourtant, la réponse était là : dans ces murs branlants, ce plancher modeste qui supportait son poids. Ce foyer étrange, étriqué, cette présence neutre d’Elandor, cet homme qui soupirait toujours après une autre femme, et qui, peut-être n’aurait de cesse de soupirer après elle. Elle se condamnait elle-même à la solitude, plutôt que de placer en son père sa confiance.

    Comment réagirait-elle, face à cette demande ? Lui serait-elle reconnaissante de la mettre à l’abri de la sorte, lui imposant ainsi un homme qu’il la savait apprécier depuis des années ? Amarante en doutait. Elenor lui en voudrait peut-être davantage encore, mais devait-il la condamner au profit de leur relation ? Elle ne serait plus jamais la petite fille admirative sur les genoux de son vieux père… Mais elle pourrait être, un jour, une reine. Une reine flamboyante, épanouie. Qu’importait l’affection qu’elle lui portait toujours, quand lui pouvait lui offrir un tel futur ? Il était probable qu’il ne la recroise plus jamais, et peut-être ne le lui pardonnerait-elle pas avant sa mort… Mais quelle importance, au fond ? Par ce marché, il scellait l’avenir des siens, et la gloire de son clan n’aura jamais été si grande qu’avec Elenor… Elenor Arlanii, née Jagharii… Une femme forte et puissante, née, élevée dans la gloire des Jagharii. Le nom que portait Elenor n’était rien, car c’était son passé qui l’avait faite, son passé, celui de ses ancêtres et leur héritage.

    Il fut coupé dans sa réflexion par le craquement du plancher sous le poids de l’Al’Faret. Il se retourna et gagna le siège que l’ancien Gardan Edorta lui avait désigné d’un pas tranquille. Il s’y installa avec des gestes empruntés et simples, et attendit avec tranquillité qu’Elandor Arlanii ne se décide à prendre la parole pour lui annoncer sa décision.

    Devant les excuses de l’Al’Faret, Amarante hocha la tête, excuses acceptées, l’outrage glissait sur son plumage comme s’il n’avait jamais été. Le sérieux sur le visage de son vis-à-vis l’incita à faire de même. Il acceptait. Le poids sur l’estomac d’Amarante disparut d’un coup, et celui-ci du se contrôler le mieux possible afin de ne pas laisser éclater son soulagement. Vinrent ensuite les termes de leur accord. Il l’acceptait, il était donc libre de poser les siens, et d’entamer ainsi les négociations.

    Les informations défilèrent et Amarante les classa en fonction de ce qu’il pouvait, ou pas faire. Puis il l’assura qu’il prendrait soin de sa fille, lui demanda s’il souhaitait la prévenir et, enfin, lui demanda de prendre soin de Bellone.

    Le vieil homme rasséréné hocha paisiblement la tête, puis répondit, dans le désordre.


    « Bellone ne manquera de rien, soyez en sur. Une fois que les troubles qui nous assaillent se seront tus, elle aura l’avenir devant elle, et je ferais en sorte qu’il lui soit souriant. »

    Un léger sourire sous la moustache, rassurant et sincère. Il ôtait à Bellone l’amour, sans se faire trop intrusif, il tenterait de l’aider dans son chemin de vie, et de lui offrir l’épaule qui aura peut-être fait défaut à la jeune femme ces derniers temps. Elle avait du encaisser le deuil d’Elandor, et personne, pas même son mentor, ne l’avait vu. Cette idée glissée dans l’esprit d’Amarante, il en conçut pour sa protégée une certaine admiration, et de la fierté. Il avait été un bon guide pour ces deux femmes qui, quelle que soit l’idée qu’elles se feraient de lui à l’avenir, étaient devenues sous sa coupe des femmes puissantes, Volontaires et intelligentes. Qui aurait cru que de telles créatures naîtraient des conseils d’un vieil homme bourru ? Certainement pas lui.


    « Pour ce qui est d’Elenor, je vous demanderais de la prévenir. Nous sommes en froid et elle me fuit, vous ferez un interlocuteur plus acceptable pour elle. »


    Il fallait bien avouer cela, une petite défaite pour ce père, qui, s’il pouvait se réjouir de positionner sa fille, garderait bien en lui l’idée qu’Elenor lui avait tourné le dos.


    « Pour ce qui est de ma contribution, j’organiserais une protection discrète autour des Dissidents les plus importants. Je ne peux assurer une protection globale, mais s’il y a des membres clefs dont la perte vous serait fatale, alors je pourrais détacher quelques uns de mes hommes à leur défense…
    Idem pour les informations. A l’heure actuelle elles sont rares celles qui vous intéresseront, tant je suis occupé par le siège. C’est une affaire qui tient les cadres de l’armée en haleine jour et nuit, et ce sans la moindre pause. Lorsque les choses se seront désamorcées, nous pourront parler stratégie, et peut-être aurais-je accès à davantage d’informations.
    Et à ce moment là, oui, je les mettrais à votre disposition sans réserve… »


    Le siège demeurait sa priorité, et Elandor était suffisamment éclairé pour en voir l’intérêt. La Révolution était tout autant, voir plus encore l’adversaire de la Dissidence, et la mettre à bas leur réussirait autant, si ce n’était davantage qu’aux conservateurs.


    « Je pense que nous sommes d’accord, Lance, et j’en suis heureux. Il vous faudra cependant vous acquitter d’une dernière chose : Elenor ne doit rien savoir avant que vous n’ayez eu l’aval de la Douairière. Les choses doivent être officielles. Le mariage peut tout à fait être secret, mais les eux partis doivent être surs, et elle est toujours aujourd’hui la matriarche Arlanii, et garde toute autorité en la matière… »
    Amarante n’avait jamais tenu cette vieille femme au ton et aux compétences discutables en très haute estime. Toute sa vie, elle avait joué un rôle, se pliant aux règles d’un nom qu’elle avait emprunté. Il avait confiance en Elenor pour ne pas céder, et garder son éclat sans laisser cette vieille femme le polir.
    Et pourtant, elle était nécessaire à leur entreprise.

    « Je saurais m’assurer à postériori qu’elle ne parle pas à votre sujet. Mes hommes vous y conduiront, et je vous suivrais de près afin de mettre les choses au clair avec elle, si le besoin s’en manifestait. Elle aura cependant l’intelligence, j’en suis convaincu, de ne pas nécessiter ainsi mon concours. »


    Amarante, s’appuya sur la table et se leva avec une certaine fluidité. Il hocha gravement la tête, puis conclut :
    « Je vous salue, Lance. Il me faut regagner au plus tôt les quartiers militaires où mon absence attirera bien vite l’attention. Je laisserais l’un de mes hommes dans les parages. Il vous retrouvera lorsque vous déciderez de vous diriger vers la ville haute, et s’assurera de vous aider à rejoindre votre mère avec toute la discrétion du monde. Il vous suivra de loin là où l’avoir à vos côté serait suspect, puis vous apparaîtra lorsque son aide s’avèrera nécessaire. Je rejoindrais ce soir les appartements de la Douairière, au cas-où. Mais plus tard. »

    Il fit quelques pas vers la sortie, puis se retourna au dernier moment.
    « J’admire votre Volonté, Lance, et je sais que je n’aurais pas à rougir de notre entente demain. J’espère qu’il en sera de même pour vous. »

    Puis il sortit. Dehors, il donna à l’un de ses hommes des instructions. Habitué à rendre au palais des visites en passant par les entrées de service, il pourrait introduire Elandor en toute discrétion, une fois que celui-ci aura trouvé le courage d’affronter sa mère. Le reste de la troupe regagna sans tarder la ville haute et la chambre azurine où les stratèges, chaque jour, étaient sur le pied de guerre. Le reste de l’histoire reposait à présent sur les épaules d’un seul homme.



Dernière édition par Lambda le Mer 9 Mar - 21:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Dans la famille Jagharii, je voudrais le père.   Dans la famille Jagharii, je voudrais le père. EmptySam 5 Mar - 19:32

L’avenir de Bellone, souriant … Malgré la brume qui avait envahit son cerveau, une idée déchirante fit surface, dure, coupante, terrifiante. Un avenir souriant … Cet homme qui avait plusieurs fois fiancé sa fille pour son bien ne devait pas avoir beaucoup d’idées en tête pour que l’avenir de la Générale soit souriant
Elandor repoussa l’image avec rage. La voir avec un autre homme serait au-dessus de ses forces.
Mais la voir souffrir ?
Le Stratège reprit, l’arrachant heureusement au tourbillon qui menaçait de le submerger. Si Elandor avait toujours été un homme plutôt fort et digne, c’était bien parce qu’il ne s’était jamais laissé le loisir de s’abandonner au doute et au désespoir. Il ne pouvait se permettre de le faire maintenant.

Voilà, penser à Elenor et à l’annonce qu’il allait devoir lui faire. L’Arlanii maudit son futur beau-père. Comment commencer un mariage sur de bonnes bases quand c’était le marié qui passait la corde au cou de sa promise ? Il ne réagit pas en apparence mais cette idée l’agaça au plus haut point. Il avait enfin réussi à établir un équilibre avec Elenor … Pour la deuxième fois depuis le début de cette conversation, son avis à ELLE l’interpella. Qu’est-ce qui lui disait qu’elle allait accepter ? Il était un bon parti et il était presque certain de lui plaire un peu, tant physiquement que mentalement mais elle ne l’aimait pas le moins du monde. Son cœur appartenait à son aubergiste miteux et elle n’était pas de celles qui renoncent si facilement à leurs amours. Elle allait lui rire au nez et Elandor n’avait aucun moyen de faire pression sur elle.
Mais de toutes façons, à quoi bon se torturer l’esprit dès maintenant ? ! Il venait de se faire assommer par tant de nouvelles qu’il se sentait capable d’en entendre mille autres sans sourciller.
Allez-y, Amarante, détruisez-moi un peu plus encore, je ne suis plus à ça près !

Le reste de la tirade de l’homme ne lui posa aucun problème. Ils étaient d’accord sur ces points et avaient, à peu de choses près, la même vision du futur idéal pour Edor Adeï. Savoir qu’Amarante s’occupait, du moins en partie, des Révolutionnaires était également un soulagement. Elandor peinait à agir en ce sens et il n’avait pas toujours le temps et la disponibilité de trouver de nouvelles idées. Lui et Bellone seraient contenir le siège et, peut-être même, Amarante pourrait-il faire peser la balance en leur faveur le moment venu, au détriment des Révolutionnaires ET des Conservateurs.
L’idée de sa protection était rassurante également. Nul doute qu’il allait être, avec Elenor, la priorité du vieux Général. Le rapport de la dissidente Silhouette lui revint en mémoire et, avec elle, l’idée menaçante que certains commençaient à s’intéresser à l’Al’Faret de beaucoup trop près …

Puis, la dernière condition retomba. Elandor l’avait presque oubliée et cette idée n’avait rien pour le réjouir. Voir sa mère ne l’enchantait pas puisqu’ils n’avaient jamais été très proches et, plus il révélait son identité, plus le danger le guettait. Mais soit, puisque Amarante en avait décidé ainsi … Peut-être l’instinct maternel prendrait-il le dessus et Noor le soutiendrait-elle ? Mais Ysor avait toujours été son préféré …
Elandor acquiesça silencieusement, le poids des années se faisant soudain douloureusement sentir.
Il n’avait pourtant rien d’un vieil homme ! Alors pourquoi cette lassitude ?
Il garda cependant le regard clair et le dos droit, ce dos qui continuait à le faire souffrir dans les pires instants et qu’il sentait irrémédiablement raidi par la chute.

Enfin, Amarante le salua, louant sa Volonté, cette Volonté qui le poussait à abandonner ce à quoi il tenait le plus au profit de ce qu’il estimait devoir faire. Autrefois, il aurait apprécié la force de caractère dont il faisait preuve.
Aujourd’hui … Aujourd’hui, il avait simplement l’impression d’être vidé de ses forces.
Il répondit mécaniquement et sans doute sa réponse fut-elle tout à fait appropriée et polie puisqu’il eut même droit à un sourire presque chaleureux de la part de cet homme qui venait d’entrer dans sa famille.



La porte se referma dans le dos du Stratège et un vide immense envahit l’ancien noble qui l’était à présent plus que jamais, coincé par un mouvement politique, obligé de courber l’échine devant l’échiquier politique d’Isle.
Le sourire du Jagharii le hanta quelques instants, récompense pour le pire des parjures …
Il resta là, debout et hagard, au milieu de la pièce. Ses épaules et son dos s’étaient soudainement affaissées et ses pensées s’embrouillaient

Il l’avait trahie.

Trahison, abandon, traîtrise. Les mot lui donnaient la nausée.
Il venait de trahir la seule personne qu’il avait jamais aimée au point qu’elle lui soit devenue indispensable.
Sa lionne, son âme sœur, sa vie, son âme. Piétinée en seulement quelques secondes, attachée sur le billot de l’absence et broyée par SA volonté.

La vague le submergea, balayant ses dernières barrières, puis se recroquevilla en une sphère de pure torture et s’installa en un poids au creux de son ventre pour y couver quelques secondes avant de remonter jusqu’à sa gorge et de jaillir, violemment, sous la forme d’un haut-le-cœur qui le saisit à tel point qu’il crut un instant qu’il allait vomir. Mais non. La bile mentale resta coincée dans son corps, envahissant chaque centimètre de son être, brûlant sa peau et sa chair.
Il s’appuya sur la table, les avant-bras encastrés sur le bord inégal de la planche de bois, insensible à la douleur physique.
Il ne pouvait pas vomir, c’était sa punition. Tout ce trop plein, cette déchirure, il devait la conserver en lui, la supporter et la choyer comme la triste récompense de sa perfidie.
Il ne pouvait pas s’en débarrasser et il n’en avait pas le droit. Il le méritait … Il méritait tellement pire.
Finalement, la douleur se glissa jusqu’à son cerveau et Elandor sentit sa brûlure glacée envahir son esprit.
Il avait tellement mal …

Certains disent que seule une personne sur mille peut goûter la saveur enivrante de la passion. Elandor était persuadé d’avoir assez de passion en lui pour valoir l’amour de mille autres personnes.

Et à présent, il souffrait mille fois plus …
Le feu parcourut ses veines à une vitesse incroyable et une rage sans nom l’envahit.
Il ne pouvait pas se laisser submerger ! S’il abandonnait maintenant, il n’était pas sûr de s’en sortir totalement entier. Il devait se battre ! Rugir comme un lion blessé, laisser la fureur remplacer la détresse et panser ses plaies.
Il se retourna brutalement et tomba sur son visage, reflété par un miroir aux bords fêlés.
Ses traits étaient crispés, hantés, et le corps d’une femme aux cheveux de flamme dansait dans ses prunelles.
Il ressemblait à un possédé … A un possédé ou à un fou …
Ce visage … Aux traits vieillis mais encore fiers …
Fier ? ! Comment pouvait-il être fier ?
Un grognement s’échappa de sa gorge, presque animal et son souffle se fit plus haché.
Il resta un instant, haletant, sentant le cri remonter depuis son ventre jusqu’à sa bouche, s’amplifier, rouler sous sa peau, couler dans ses veines. Ce cri, ce hurlement bestial qu’il avait retenu depuis de si longs mois et qui éclata dans le silence.
Ne plus pouvoir la voir, ne plus la toucher. La savoir si proche mais si lointaine.
Sa voix était inhumaine et hanta la pièce pendant un moment où le temps lui sembla suspendu avant de s’éteindre dans un nom.
« Bellone. »
Un gargouillement, rauque. Un gémissement, suppliant.

La chaise qui traînait près de lui reçu les prémices de sa colère en allant s’écraser sur le mur mais son regard se posa à nouveau sur le reflet qui le guettait …
L’homme le fixa droit dans les yeux et il eut honte de lui rendre son regard.
Comment pouvait-il encore se regarder en face ? Comment pouvait-il seulement accepter de prendre conscience de ce qu’il venait de faire ?
Un grondement guttural accompagna son élan lorsqu’il traversa la pièce pour se précipiter à la rencontre de cette figure hantée qui le narguait. Son poing s’écrasa violemment sur la surface lisse, faisant voler ses traits en éclat, brisant la peau et laissant le sang et la douleur s’échapper librement.
Il frappa, frappa. Encore.
Il aurait voulu pouvoir se détruire. Il aurait voulu avoir le courage et la force de saisir un des éclats tombés au sol et de trancher. Le sang rouge coulait sur le plancher disjoint et il imagina, un instant, le jet puissant que produirait une artère tranchée net.

La pensée s’imposa à son esprit. En finir …
Accepter la douleur, la laisser l’envahir parce qu’il savait qu’elle prendrait bientôt fin. Un instant, il goûta à cette saveur délicieuse, à cette réponse qui viendrait annihiler ses doutes, ses angoisses et cette douleur, atroce.

Il prit soudain conscience de ce qu’impliquait ce besoin. Le suicide. Jamais il n’y avait pensé et cela allait à l’encontre de tout ce en quoi il croyait. Il déglutit bruyamment, sa colère brutalement éteinte.
Jamais il ne pourrait mettre fin à ses jours. Son désir de vivre était trop présent … Son désir de vivre et aussi, son désir de pouvoir.
Il avait toujours cru y voir une qualité : sa Volonté le poussait à se battre, à tout faire pour retrouver son trône. A présent, il voyait cela comme l’acte le plus honteux jamais commis. Il avait vendu son cœur au profit de sa raison. Une raison qui ne pourrait jamais plus le rendre complètement heureux.
Je suis désolé … Je ne peux pas faire ça. Même pour toi.
Il secoua la tête avec l’impression absurde qu’Elle lui en voudrait de ne pas avoir eu le courage de mettre fin à ses jours. La culpabilité le rongeait trop pour qu’il puisse raisonnablement se persuader qu’elle préférait le voir en vie loin d’elle plutôt que mort.

Les pensées s’embrouillèrent sous la voûte de son crâne.
Elle, Elle, Elle, Elle.
Un sourire, une boucle rousse, la courbe d’un sein, un souffle chaud dans son cou, un éclat rire. Les images défilaient, souvenirs et sensations marquées au fer rouge dans son esprit. Mais, alors qu’elles avaient toujours été une source de joie quoique teintée de mélancolie, elles avaient à présent le goût cuisant de la honte et du désespoir.

Il recula lentement, la vue brouillée sans qu’il sache réellement pourquoi. Son dos rencontra un mur auquel il s’appuya pour se laisser glisser au sol. Et les larmes eurent tout le loisir de tracer leur chemin sur sa peau avant qu’il ne les remarque. Il finit par sentir le trajet humide sur ses joues et le goût salé dans sur sa langue.
Les spasmes le saisir, secouant sa carcasse harassée et pétrifiant son corps.
Il pleurait ? ! Lui qui n’avait plus jamais laissé sa tristesse affleurer depuis qu’il avait dépassé ses cinq ans sanglotait à présent comme un enfant.
Et après tout, pourquoi pas ?
Il était seul. Seul et en train de faire le pire deuil de sa vie, le deuil de son cœur, de ses tripes, de son âme. Il pouvait bien se le permettre. Qui pourrait lui en tenir rigueur ?
Il se laissa aller, le corps avachi, la tête entre ses mains. Disloqué.
Un impression d’anéantissement l’envahissait et il laissa avec soulagement ce vide lui engourdir le ventre, le cœur et la tête.
Ne plus penser à rien. Ne même plus savoir pourquoi il était dans cet état-là. Juste rester dans cet état d’hébétude douloureux.

Peu à peu, les tremblements s’atténuèrent.
Il imagina ses traits ridiculement déformés par le chagrin, ses yeux rougies et embués, mais il n’en conçut aucune honte. Il devait avoir l’air pathétique mais cela ne se reproduirait plus jamais. Il venait de s’accorder le seul moment de faiblesse de sa vie.

Il releva la tête et grimaça en sentant la migraine s’infiltrer sous son crâne.
Les larmes s’étaient taries et il se moucha bruyamment. Les manches de sa chemise étaient humides et ses poils se hérissèrent lorsqu’un bref coup de vent traversa la pièce.
La douleur s’était atténuée mais il sentait toujours la lassitude infinie qui l’habitait. Il se releva difficilement, tituba jusqu’à la porte de la cour et se dirigea vers le banc appuyé contre le mur de pierre. Le soleil baigna son visage lorsqu’il s’assit et il ferma les yeux.
Son cœur tourmenté s’était fait plus discret mais le mal-être continuait à pulser au creux de ventre et il avait l’impression confuse qu’il ne pourrait plus jamais se séparer de cette sensation. Le temps allait apaiser la blessure mais jamais plus il ne serait comme avant. Il apprendrait à vivre avec, à la sentir chaque jour, seule compagne de ses nuits d’insomnies …
Il inspira longuement et les odeurs lui parvinrent, rassurantes et réelles.
Il ouvrit les yeux et un sourire pâle étira ses lèvres.

Je serai toujours à toi. Peut-être en aimerais-je une autre un jour mais ça n’aura pas d’importance. Ce ne sera qu’un amour humain, sincère mais vide. C’est à toi que j’appartiendrai toujours.

Ses pensées se tournèrent vers Elenor et il éloigna avec soulagement les images qui le hantaient pour en retrouver d’autres qui, si elles étaient également douloureuses, ne pourraient jamais l’être autant.
Il allait épouser sa meilleure amie mais il ne pourrait jamais lui promettre de l’aimer. C’était cruel mais il ne pouvait faire autrement.

Je te chérirai comme une épouse, je te respecterai et prendrai soin de toi. Tu ne verras jamais la différence, tu ne seras pas une deuxième Thétis, et je promets de tout faire pour te rendre heureuse. Mais je ne t’aimerai jamais comme je l’ai aimée. Je suis désolé, tellement désolé.

Elandor Arlanii avait trop souvent négligé les relations humaines dans son passé et, à présent qu’il y prenait enfin garde, elles ne lui apportaient que culpabilité et désespoir.

Combien de temps resta-t-il ainsi ? Quelques minutes, plusieurs heures ?
Il laissa le temps s’écouler jusqu’à ce que des besoins physiques primaires ne se rappellent à lui. Il avait faim, il avait soif, il avait besoin d’une douche.

Et après … Après, il lui faudrait poursuivre son chemin. Laisser de côté ses sentiments et tracer sa route. Il lui restait beaucoup de choses à faire et pas des moindres. Se débarrasser des Conseillers, écraser la Révolution et reprendre son trône … Et plus immédiatement, rencontrer Noor Arlanii et mettre Elenor au courant.
La journée promettait d’être longue mais ces activités étaient les bienvenues. Rester inactif lui aurait laissé tout le loisir de se morfondre alors qu’il venait à peine de sortir la tête de l’eau.
A présent, il ne redoutait plus que la nuit qui allait suivre ce jour. Il avait été infernale mais Elandor savait que la nuit serait pire, bien pire …
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