Les Tables d'Olaria
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 Veille d'exil [Jézabel]

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Sorastrata Hirune
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MessageSujet: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptyDim 17 Jan - 15:08

Ils allaient partir. Rien n'avait été dit à haute voix, mais le campement bruissait de murmures et de gestes affairés. Arngrim Edorta avait lancé l'idée et apporté une réponse à tous les signes. Luminara avait parlé avec le frère de Laclaos, avait écouté ses paroles et ses idées, avant de rapporter le débat à sa famille. Lysandre n'avait rien dit, mais Sorastrata avait deviné qu'elle finirait par accepter : la situation était simple, et il n'y avait presque pas de choix à faire. Olaria était devenue invivable, et chaque indice montrait le chemin de la montagne, la Gérax que sa propre fureur avait changé en voie ouverte. Comme si, de meurtrière, elle était devenue charitable, une fois la colère consommée. Comme si les dieux donnait le salut après le châtiment. La prochaine décision était évidente, il fallait juste attendre que le Chef s'y fasse. Grand-Mère n'avait pas de commentaires à faire ni d'avis à donner : ce n'était pas à elle de choisir le sort des Olarils. Son esprit était encore engourdi après la catastrophe : le désastre et les heures qui l'avaient précédé avaient abattu beaucoup des piliers qui soutenaient autrefois sa fierté et ses certitudes qu'elle se rattachait fanatiquement à ceux qui avaient survécu. Son monde tentait lentement de se reconstruire, tremblant sur les fondations encore fragiles qu'étaient ses enfants et sa culpabilité. Elle n'avait pas le droit de penser à elle ou de peser dans les décisions : seul leur bonheur importait.

C'est pourquoi elle errait à présent dans le camp, silhouette émaciée, presque en haillons, marchant et boîtant avec une lente détermination, appuyée sur un vulgaire bâton. Kuna marchait derrière elle à petit pas, venant de temps en temps renifler ses jambes avec un gémissement inquiet. Elle le caressait d'une main distraite et laissait échapper quelques paroles rassurantes. Sorastrata avait passé ces dernières semaines à tenter de se rendre utile, à tirer sur sa jambe infirme pour apporter de la nourriture aux travailleurs, pour soigner les blessés, et maintenant pour visiter ses enfants. Luminara et Lysandre s'investissaient à corps perdu dans la question du voyage, parlant des préparatifs jusque tard dans la nuit ; Zeljar se remettait, recommençant à peine à marcher après sa convalescence. Gwyddion et Limna étaient comme des fantômes, errant dans le camp, plongés dans leurs pensées : Sorastrata leur parlerait bientôt. C'était une autre personne qu'elle cherchait à présent, une petite-fille tout aussi chère à son coeur, une jeune femme qui n'avait pas eu tant à dire dans les débats sur le départ. Une enfant qui était pour beaucoup dans la chute des certitudes de la vieille Chasseresse.

Jézabel était là, affairée au milieu des autres Olarils. Son visage était creusé par la fatigue, ses gestes plus lents qu'autrefois, son regard encore hagard par moments. Comme le reste de son peuple, elle accusait encore le coup de la catastrophe. Grand-Mère ne lui avait que peu parlé pendant ces trois semaines : depuis leur querelle dans la forêt, avant la colère de la Gérax, elles ne s'étaient plus vraiment regardées dans les yeux. Sorastrata n'avait osé rien d'autre qu'attendre, après l'arrestation d'Ebanelle. Elle savait que Jézabel serait confuse, encore attachée à sa tante et inquiète pour elle, et, tiraillée entre tous les gens dont elle se souciait, elle n'avait pas pris le temps de véritablement lui parler.

Elle s'approcha de la Chasseresse et posa une main sur son épaule. Kuna vint saluer Jézabel : sa joie envahissante s'était changée en affection plus tranquille, comme si le chien s'efforçait de respecter l'atmosphère encore endeuillée du camp. Sorastrata fit un sourire léger à sa petite-fille. Elle avait commencé à se remettre de la catastrophe, mais à vouloir s'occuper de tant de gens, la vieille femme avait faussé son rétablissement. Le manque de repos avait empêché ses forces de revenir et sa voix le refléta. Grand-Mère avait perdu le ton fort et plein d'autorité qu'elle avait toujours eu, et parlait à présent sur un timbre plus doux, plus faible aussi.

Comment vas-tu, ma fille ?
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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptyDim 17 Jan - 17:15

Elle aussi, elle avait entendu les bruits qui courraient. Partir ? Mais où…au-delà de la Gérax ? Était-ce possible ? Oui…oui, Lysandre avait dit qu’un sillage s’était créé avec la catastrophe…que les montagnes avaient bougé… A vrai dire, Jezabel avait délaissé tout intérêt pour les affaires de gouvernance –si tant est qu’elle en avait eu un jour– et demeurait ostensiblement rivée sur des taches quotidiennes. Pour ne pas craquer. Pour ne pas penser. La perte de sa mère l’avait ébranlée à un point qu’elle n’aurait jamais soupçonné quelques temps auparavant. Elle avait voulu renier sa famille, mais elle ne le pourrait jamais, elle s’en rendait bien compte désormais. Quand bien même elle le désirerait ardemment.

Elle n’avait pas assisté à l’enterrement. Elle n’en avait pas eu la force. Restée seule dans une tente pendant que tous rendait un dernier hommage aux morts, elle s’était contentée de ranger l’intérieur de l’abris de fortune avec une méticulosité frisant l’obsession. Un moyen pour éviter de pleurer. Fuir, se réfugier dans le quotidien pour endiguer les larmes. Un moyen comme un autre pour tenir le coup. Elle avait également fuit le reste de sa famille. Personne n’était allé la voir. Tous s’affairaient. La questions de leur avenir se posait dans de nombreuses bouches. Le pontife et sa folie, qui détenait Ebanelle. Arngrim qui préconisait le départ. Ergan Dialon qui prenait tout en charge. Et Lysandre, qui affrontait tout. Qui faisait face. Qui essuyait les insultes, les mécontentement, les coups traîtres.
Jezabel observait beaucoup. Tout s’effritait. Si l’équilibre du village était plus ou moins maintenu avant la catastrophe, il était à présent totalement rompu…
Elle avait envie de pleurer.

Elle se tenait debout près d’une table en bois. Devant elle, un petit coffre plein de sel dans lequel des morceaux de viande macéraient, miraculeusement épargnés par la colère de la Gérax. Un bien précieux. Dur à mâcher, mais ça apporterait des forces pour leur périple. C’était ce que les chasseresses mangeaient lorsqu’elles partaient pour de longues chasses…
Par tout les Dieux, comment espéraient-ils franchir les cols enneigés de la Gérax alors que les provision manquaient ? Ce serait soit le voyage de la fin, soit celui du renouveau. Un exil dur, usant, mortel pour certains même. Arriveraient-ils jamais au bout de leurs peines ?
Oubliant qu’elle avait les mains pleines de sel, elle essuya ses yeux humides. Emettant un petit cri d’animal blessé, elle se mit à cligner des paupières et à verser des larmes. Tâtonnant à l’aveugle sur la table, elle attrapa un torchon et essuya son visage. Ses nerfs étaient à deux doigts de craquer.
En face d’elle, un jeune adolescente se mordit la lèvre, compatissante. Jezabel lui jeta un regard acide. Puis examina ce que la jeune fille faisait. Elle enveloppait les bouts de viande dans des toiles de lin, et les attachait avec de la ficelle, formant ainsi des petits paquets qu’il faudrait ensuite répartir dans plusieurs sacs de voyage pour que chacun puisse avoir une part égale de nourriture.

« Ce n’est pas assez serré » lança t-elle sur un ton péremptoire.

Au lieu de laisser l’adolescente –qui s’appelait Jemina– réparer son erreur, Jezabel lui arracha violemment le paquet des mains et refit le nœud pour mieux le serrer. Jetant un coup d’œil à côté, elle vit que tous les autres avaient également trop de leste.

« Regarde ce que tu as fait ! Il va falloir tout recommencer maintenant ! » Jetta la chasseresse, d’une voix enrouée. « Si c’est pour faire des bêtises, ce n’était pas la peine de venir nous aider. Tu nous retardes plus qu’autre chose. »

L’adolescente, déconfite, bredouilla une excuse, lui promettant qu’elle allait réparer ce qu’elle avait fait le plus vite possible.
Dans ce même temps, on appela Jezabel au loin pour qu’elle vienne vérifier les stocks de couvertures destinés aux malades. La chasseresse beugla qu’elle arrivait sur un ton énervé.
Jemina, elle, commença à saisir des emballages de lin pour les poser devant elle et défaire les nœuds qu’elle avait mis tant de soin à nouer. Nerveuse et craintive, elle en fit tomber un au sol.

« Tu le fais exprès ou quoi ? Tu crois que ça m’amuse de réparer tes erreurs ? Va t’en de là ! Allez, file, je ne veux plus te voir ici ! »

La pauvre adolescente, peu habituée à ce que la gentille Jezabel Hirune parle ainsi, baissa les yeux et s’en alla, penaude. En fait, elle se mit presque à courir.
On cria encore une fois le nom de Jezabel, pour une autre raison cette fois-ci : Aider à soulever un sac de racines séchées pour le mettre dans un panier de porteur.
Puis une main se posa sur son épaule.
C’en fut trop. Elle ne pouvait pas être au four et au moulin !

« JE NE PEUX PAS FAIRE DEUX CHOSES EN MEME TEMPS ! » cria t-elle en se retournant hargneusement, et jetant son torchon par terre..

Elle vit Sora, qu’elle n’avait pas vu arriver. Elle n’avait même pas entendu sa voix. Les deux femmes ne s’étaient pas vues depuis l’arrestation de Ebanelle, et pour tout avouer, Jezzie avait tout fait pour l’éviter. Aussi bien Sorastrata que Luminara ou Lysandre. Alors, se retrouver nez à nez avec sa grand-mère n’atténua pas vraiment sa colère du moment. Elle ne remarqua même pas que la vieille femme avait les traits tirés, fatigués, misérables. Qu’elle était un peu plus voûtée qu’avant. Qu’elle ressemblait à l’image que l’on pouvait se faire la mort : Un femme misérable, décrépie, le regard paradoxalement las et volontaire. Non, Jezabel ne vit rien de tout cela. Elle s’écarta, pour mettre fin au contact entre elle, puis se remit à la tache.

« Qu’est-ce que tu veux ? » lança t-elle. « Je n’ai pas le temps pour que tu me fasses la morale. Je dois finir de préparer cette fichue viande avant le départ. Va donc ennuyer Lysandre…Ou Zeljar, tien puisque tu sembles tant t’intéresser à lui. Comme ta fille. »

Elle attrapa un carré de lin et enroula le morceau de viande à l’intérieur, sans même regarder sa grand-mère.

« Je parle d’Ebanelle… »

Puis, plus bas, et sur un ton mauvais.

« La seule qu’il te reste de toute manière… »
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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptyLun 18 Jan - 17:40

Malheureusement, la vieille Chasseresse ne pouvait dire qu'elle était surprise de l'attitude de la jeune femme. Il y avait de nombreuses manières de se relever d'une telle tragédie, et la hargne était celle que Sorastrata connaissait le mieux. On ne pouvait en dire autant des autres Olarils, qui ne connaissaient de Jézabel qu'un visage calme et posé, et qui devaient se dire que ce changement de caractère n'était qu'une passade. Après tout, devant tant d'épreuves et tant d'angoisse, même la plus calme des personnes finissait par craquer. Grand-Mère, elle, se demandait si c'était effectivement le cas, ou si c'était là le vrai visage de Jézabel, enfin révélé, et qui resterait le même par la suite. Le sourire de la matriarche s'effaça presque entièrement, laissant la place à un rictus impassible.

Bien...c'est sûr que t'énerver va faire avancer les choses.

Elle ne manqua pas de noter les paroles de sa petite-fille, de s'inquiéter de l'intérêt qu'Ebanelle portait au jeune garçon, et de la façade d'insensibilité que Jézabel affichait au sujet d'Una. Sorastrata aurait bien voulu s'emporter contre elle pour ce manque de respect envers sa propre mère, mais avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, on appela encore la jeune femme pour demander son aide avec un sac de racines. La matriarche tourna sèchement la tête et répliqua de sa voix rauque.

Elle est occupée, pauvre feignasse ! Tu peux soulever un sac tout seul, ou il va falloir que je te tienne la main pendant le voyage ?!

Personne n'osa répondre. Sorastrata laissa échapper un soupir de satisfaction et son sourire commença à revenir. Elle se sentait curieusement mieux.

Elle reporta son regard sur Jézabel et la toisa pendant quelques secondes, avant de venir s'asseoir à la place qu'occupait Jemina. Attrapant un morceau de viande et un morceau de lin, elle se mit à la tâche, sans lâcher la jeune femme des yeux. C'était un paquet qu'elle pouvait nouer parfaitement les yeux fermés : elle avait préparé ce genre de nourriture chaque matin depuis qu'elle avait appris à marcher. Relâchant la tension de son regard, elle divisa son attention entre le travail et sa petite-fille, et se remit à parler d'une voix plus tranquille. La perspective d'une confrontation faisait revenir sa confiance, suffisamment pour faire diminuer la voix de sa fatigue.

J'étais simplement venue te demander comment tu allais, mais je peux bien voir que tu en as beaucoup sur les épaules.

Après avoir chassé d'une main Kuna, qui s'intéressait un peu trop aux morceaux de viande, elle fixa son regard perçant sur Jézabel, pour accompagner le ton plus sérieux de ses paroles.

D'ailleurs, sans vouloir te faire la morale, je n'ai rien contre le fait que tu te décharges sur moi. Mais si tu dois le faire, fais-le bien, une bonne fois pour toutes : ne te mets pas à persifler, et ne te mets pas à parler de ta mère sur ce ton, s'il-te-plaît.
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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptySam 23 Jan - 13:10

Alors qu’elle s’attendait à recevoir une gifle, elle n’obtint qu’une parole neutre, de celle qu’on entend lorsqu’on ne veut pas entrer dans le jeu d’une personne. De celles qui arriment un sentiment de honte et de ridicule. Elle avait voulu provoquer grand-mère, mais une fois de plus, grand-mère la battait. Pourtant, elle savait qu’elle avait dépassé les bornes, qu’elle venait de faire preuve d’un irrespect des plus total en mentionnant sa propre mère de cette manière. Pourquoi la vieille femme ne s’emportait pas ? Pourquoi elle ne lui assenait pas des coups de bâtons, comme elle l’avait fait ? Pourquoi la regardait-elle ainsi ?
Jezabel ne comprenait pas. Et elle ne comprit pas non plus pourquoi son aïeule pris la parole pour envoyer paître les Olarils importuns. Que voulait-elle ? En d’autre circonstances, elle aurait rit de cette avanie. Mais le cœur n’y était pas. Il n’y était plus;
La jeune fille d’Hesione ne refusa pas l’aide de Sorastrata. Elle voulu la chasser, pour qu’elle la laisse tranquille…mais l’avoir à ses côtés sembla l’apaiser, en plus de l’aider. Et elle eu beau mettre toute la mauvaise volonté de monde pour trouver les mots qui blesseraient la vieille femme, rien ne sortit de sa bouche.
Alors, elle se concentra sur le morceau de viande qu’elle tassait, pétrissait, palpait avec plus d’ardeur qu’il n’en fallait. Elle n’était plus énervée. Son éclat laissa place à autre chose… Peine, peur, reproche, incompréhension…
Puisque la vieille femme lui laissait de quoi se vider…
Elle leva la tête et lui lança un regard plein de détresse.

« Tu m’as frappée… » balbutie t-elle, en sentant les sanglot dans sa voix.

Elle n’avait pas prévu de dire ça. Elle n’avait pas non plus prévu que sa voix vacillerait, ni que ses mains trembleraient. Tout semblait remonter à la surface. Trop. Trop, pour elle qui accumulait, sans jamais craquer. Trop pour la vile sœur. Trop pour l’indigne fille, petite-fille. Trop pour la mère.

« Tu m’as frappée. Encore et encore, sans t’arrêter. Et plus je criais, plus tu t’acharnais…. Et après…après, tu dis que tu m’aimes, que tu veux me sauver d’Ebanelle… ?
Tu m’aimes…Mais où es t-il, cet amour ? Je ne le sens pas…Je ne le vois pas… Tu me détestes, je le sais. Tu m’as détestée dès que tu as su que j’allais retrouver Ebanelle dans sa baraque, dès que tu t’es rendue compte que c’était peine perdue. C'était plus facile je suppose »


Les larmes virent au yeux, sa voix commença à trembler… Elle sentait qu’elle obéissait à l’injonction de sa grand-mère, qu’elle se déchargeait. S’en sentirait-elle mieux après ? Ou la honte, la peur allaient encore la torturer ? Elle sentait qu’elle ne pourrait pas s’arrêter avant d’avoir vidé son sac. Il était peut-être temps…

« Tu m’as abandonnée… Tu l’as laissée m’avoir…
On se fichait bien de savoir si je traînais avec la pire d’entre nous. Personne n’est venue me chercher dans sa cabane…Vois ce que j’ai fait…Vois ce que je pense…
Je suis mauvaise, je le sens. En moi.
Et toi aussi, tu le sais…tu me regardes, comme tu la regardes elle… »


Imitant le morceau de viande qu'elle pétrissait, Jezabel commençait à s’étioler. Petit à petit, bout par bout. On ne peut pas dire qu’elle ne l’avait pas cherché. Depuis le départ, toutes ses actions n’avaient fait que retarder l’irréversible conséquence de son esprit troublé et tourmenté. Elle était la victime qui cherchait la punition, celle qui se complaisait dans son malheur et qui chercheait à le provoquer encore et encore.
La jeune femme essuya ses larmes avec le revers de sa manche, laissant de côté le travail qu’elle effectuait. Son visage était rouge, tout comme ses yeux.

« J’ai essayé de vous détester. Oui, j’ai essayé. Vous aimer me fait trop mal. Mais…je ne peux pas, je n’y arrive pas. Et je suis là, coincée entre vous et elle. Et toi, tu me hais…Quel autre choix me reste t-il ?
Tu sais, longtemps, j’ai jalousé Lysandre. Mais aujourd’hui, tout cela me dépasse. Je ne sais même plus pourquoi. Pourquoi je l’ai haie, pourquoi je lui voulais du mal. Pourquoi j’arpentais le chemin de la chaumière, pourquoi je j’ai choisi d’être ce que je suis… »


Elle marque une pause, essuyant ses joues avec le revers de sa manche. Puis reprend :

« Je suis fatiguée. Fatiguer de haïr tout le monde, fatiguée de souffrir, de devoir trouver des raisons. Il n’y a pas. Il n’y en a jamais eu je crois.
… Mais pourtant, je ne peux m’en empêcher »


Elle regarde Sorastrata, comme si elle avait les réponses à ses questions, comme si elle pourrait lui dire ce qu’elle devait faire…

« Je suis comme elle… »
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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptySam 30 Jan - 2:54

Devant l'hésitation de la Chasseresse, de plus en plus vulnérable, Sorastrata baissa les yeux un instant, relâchant la tension de son regard qu'elle regrettait presque. Puis Jézabel céda enfin et laissa les paroles puis les larmes s'écouler. Sa pauvre enfant...autrefois si calme, si réfléchie, l'image de la raison ; le feu de la Gérax avait fracassé ce visage, mais alors qu'elle écoutait les mots plein de détresse, la matriarche se rendit lentement compte que le désastre n'avait fait que finir le travail. Jézabel, cachant ses fissures sous un sourire modeste, n'était jamais revenue de la Chaume : la mort de son enfant, le poison de sa tante, les erreurs de Lysandre, autant de rancoeurs que Sorastrata avait négligée. Bien sûr, après quelques conseils et ordres de la sage Grand-Mère, tous ces problèmes avaient disparus, comment aurait-il pu en être autrement ? Mais dans son arrogance, la vieille Chasseresse s'était fourvoyée une fois de plus : la jeune femme avait beau les cacher, ces blessures avaient pris racine et la rongeaient lentement. Lorsqu'elles s'étaient enfin confrontées, il était trop tard pour guérir et Jézabel s'était obstinée sur son chemin. La réaction de la matriarche l'y avait précipitée, et à présent les reproches lui rappelaient sa culpabilité. Sorastrata baissa la tête, les mains faiblement serrées sur son bâton.

Je me rappelle cette nuit. Je me rappelle la peur et la honte qui m'ont saisie, lorsque tu as énoncé mes fautes, et la rage où je me suis réfugiée pour ne pas avoir à y faire face. Et surtout la folie que j'ai commise dans cette colère : un péché à ajouter parmi les autres...Je suis désolée pour ce que je t'ai fait, et je sais que je n'ai pas le droit d'être pardonnée. Mais c'est toi qui m'y a ouvert les yeux, Jézabel. C'est grâce à toi que je peux reconnaître ces fautes et tenter de les réparer.

Son regard reprit un peu de confiance, sa voix s'efforça d'atteindre la jeune femme, mais elle ne fit pas un geste. Son instinct lui disait de rassurer Jézabel, par une main sur l'épaule, par une embrassade. Mais elle savait que la jeune femme n'avait pas besoin d'être maternée.

Je sais que tu es confuse, ma fille. Tu as passé tant d'années à montrer ce visage raisonnable, à garder les doutes et la rancoeur en toi jusqu'à ce qu'elles y gangrènent...

Sorastrata fit un geste en direction des Olarils qui s'occupaient à charger les sacs, après avoir vite oublié les deux femmes.

Ils ne comprennent pas ta colère, ils ne te connaissent pas, pas plus que ta soeur ou ta cousine : comment le pourraient-ils, alors qu'ils n'ont jamais vu que ton calme ? Mais Ebanelle n'est pas seule à avoir vu tes souffrances : j'ai vu la hargne qui en naît, comme tu as vu la mienne. Rappelle-toi ce que tu m'as dit cette nuit-là, le mal que j'ai lâché sur notre famille, la fierté qui protège les rancunes et les nourrit. Tu l'as vue dans ma colère, dans les mots de ta tante, dans l'entêtement de ta soeur...

Sorastrata se répéta la promesse encore et encore. Plus jamais. Plus jamais de de telles rancoeurs.

Nous n'avons plus à en souffrir. Tu peux y mettre fin, tu l'as déjà fait.

Jézabel, son enfant cherchant désespérément l'attention, prenant un air sage pour être approuvée, complotant pour reprendre ce qui lui revenait, médisant pour être punie, pleurant pour être consolée, se lamentant pour un peu de pitié...Sorastrata posa sa main ridée sur celle de sa petite-fille et la serra doucement.

Regarde autour de toi, Jézabel. Quel sens y a-t-il à se disputer du pouvoir ou des vérités ? Quel intérêt à cacher des rancoeurs et à se couper des siens ? Tout est en ruines : il ne nous reste que les uns les autres.

La matriarche revint à sa tâche, emballant soigneusement la viande séchée pour préparer le périple. Elle releva un instant le regard vers la jeune femme et lui parla encore une fois, d'une voix sans dureté ni tendresse, un ton de simples réalités.

Si tes pensées se brouillent, sors de ta propre tête, ma fille : regarde les actes, c'est d'eux dont nous avons besoin maintenant, si nous voulons que notre famille survive à cette épreuve. Mais je ne vais pas te dire ce que tu dois faire ; tu en capable seule, je le sais. Tu me dis que tu es comme elle ? Regarde les actes, Jézabel, regarde ce qu'elle a fait après le désastre, et regarde ce que tu as décidé de faire.
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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptyMer 3 Fév - 21:45

Le réconfort. Le pardon. La compréhension.
Trois choses qu’elle n’avait jamais espéré recevoir de quiconque. Encore moins de sa grand-mère. Elle en aurait pleuré d’avantage, si tant de larmes ne coulaient pas déjà le long de ses joues.
Les paroles de Sorastrata affluaient en elle. Elle avait tellement eu besoin de les entendre. De les ressentir. Personne ne l’avait jamais considérée ainsi, personne n’avait jamais eu le temps de se pencher sur ses malheurs pour en panser les blessures. Et voilà son aïeule qui lui tenait des propos plus justes et plus touchant que toutes les perfidies qu’Ebanelle lui avait arrimées à l’esprit.
Si sa tante avait été le poison, sa grand-mère incarnait l’antidote.
Parler la libérait. Pleurer la purgeait. Être écoutée la rassurait.
La maïeutique en œuvre faisait effet. De toute manière, il n’aurait guère fallu plus qu’un petit coup pour faire tomber le mur derrière lequel elle s’était barricadée.
Comme ce que Sorastrata disait était juste ! Comment faisait-elle, pour comprendre aussi bien ? Pour arriver à toucher le nœud de sa douleur, et à en défaire l’enchevêtrement sordide ? Le poids des mots, la force du langage, était bien plus puissant que des coup les bâtons.

Elle fit glisser sa main sur la table pour chercher celle de son aïeule. Elle la trouva, aussi sèche que la sienne, froide mais forte, fine mais ferme, vieille mais pleine de vie. Elle aurait voulu la conserver pour toujours. Elle était la petite fille perdue qui cherchait la présence sécuritaire d’un adulte. Elle était la noyée qui se raccrochait au rocher.

Oui. Elle pouvait y mettre fin. dès aujourd’hui. Elle pouvait partir en quête du pardon. Chercher rédemption dans l’aveu. Réparer. Se guérir. Faire taire les voix, faire taire la honte, la douleur, la culpabilité. Retrouver la paix. Ou plutôt la connaître. Etait-ce seulement possible ?
A cette question, Sorastrata y répondait par l’affirmative. Les actes, disait-elle. Les actes étaient plus importants que les pensées. Mais n’agissait-on pas, d’une certaine manière, pour compenser des pensées pourrissantes ? Pour trouver compensation ? Et dans ce cas, n’est-ce pas la plus infâme des hypocrisies que de prétendre à ce qu’elle n’était pas ?
Chercher la solution en créant de nouveaux problèmes pour que finalement, tout s’emboîte en sentiments interdépendants, que seule la solution la plus extrême saurait défaire…
Ses lèvres se remirent à trembler, et elle déglutit avec difficulté.
Ne pas penser trop. Agir. Et agir bien.
Elle regarda sa grand-mère pour y puiser la force. Elle lui lâcha alors finalement la main.

« J’aimerais qu’elle soir là-bas, sous les décombres » avoua t-elle en parlant d’Ebanelle. « Que ce soit elle et non maman… »

Le pensait-elle aussi ? Regrettait-elle que ce fut Una et non Ebanelle qu’on avait enterré ?
Elle renifla et essuya son nez avec la manche de son manteau.

« Tu crois en moi ? » demanda t-elle d’une voix faible. « Tu crois que je peux être une meilleure personne ? Qu’on puisse me pardonner ? »


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MessageSujet: Re: Veille d'exil [Jézabel]   Veille d'exil [Jézabel] EmptyLun 3 Mai - 20:18

[Comme pour Laetia, dsl pour le retard Embarassed ]

En voyant sa petite-fille désemparée, triste, désespérée, puis reconnaissante, consolée et enfin déterminée, Sorastrata eut un sourire chaleureux, attendri au-delà de toute autorité. Son visage se détendit progressivement et elle posa sur Jézabel un regard de bienveillance apaisée. Serrant la main de la jeune femme comme un trésor, elle vint caresser sa joue, la recueillir dans sa paume tandis que quelques larmes coulaient sur son visage. La terrible dispute qu'elles avaient partagée était oubliée, les rancœurs avaient disparus, et son enfant acceptait enfin de quitter peu à peu sa souffrance. En cet instant, la matriarche ne félicita pas de l'avoir ramenée sur le droit chemin, elle ne songea pas à ce qu'elle devrait faire pour sauver Ebanelle ou à comment cette aînée si mal aimée pourrait se réconcilier avec Lysandre et le reste de ses sœurs ; non, à ce moment suspendu dans une ère sombre, pleine de mort et d'incertitude, Grand-Mère se dit juste qu'elle était heureuse. Et dans ses yeux se lisait tout son amour, toute la gratitude qu'elle avait envers la jeune femme, pour lui avoir offert cet instant où les soucis semblaient disparaître.

Mais il fallait qu'il prenne fin, et lorsque Jézabel fit son aveu au sujet d'Ebanelle, Sorastrata baissa les yeux et son sourire s'effaça lentement. Avait-elle désiré que les Dieux change leur édit ? Bien sûr : elle l'avait voulu avec autant d'ardeur qu'elle avait à présent de honte. C'était un vœu qu'elle craignait de répéter, car elle avait déjà par trop péché contre sa fille, mais elle ne pouvait s'en cacher. Elle acquiesça et parla d'une voix hésitante.

Oui, je l'ai souhaité aussi...Mais il ne viendra rien de bon de ce genre de pensées.

Puis Jézabel passa son nez sur sa manche, comme une enfant, et le regard de la vieille femme reprit un peu de tendresse. Sa pauvre fille, encore en quête d'approbation, de pitié ou de sévérité. En son fort intérieur, Sorastrata était presque abasourdie de cette dépendance. Avait-elle jamais eu la confiance pour agir par elle-même ? Même Lysandre semblait ne vivre que pour l'admiration des autres, comme si elle ne pouvait exister que par sa fierté et leur soumission. Dire qu'elle-même, pourtant brisée au point de vouloir mourir il y a quelques jours, avait en si peu de temps retrouvé sa détermination...Quels faibles caractères pour des filles d'Hésione ! Que de pleurs, de mépris et de fierté ! S'était-elle trompée toute sa vie durant, n'y avait-il que Luminara pour être forte et sage ? Sorastrata oubliait presque à quel point ses petite-filles étaient jeunes, à quel point sa propre image les avaient menées jusqu'ici.

Mais elle se souvint bien des résolutions qu'elle avait prises : elle n'avait pas le droit à l'arrogance ni à l'autorité. Quel example pouvait-elle bien donner, quel droit avait-elle de décider du destin de ses filles alors qu'elle avait tant péché ? Il était temps que Jézabel trouve sa propre voie, sans aide. Et lui montrer cela était la seule leçon que la matriarche devait donner. Elle était de son sang ! Qu'importe qu'elle ne les ait pas maintenant, force et sagesse lui étaient promises. Avec un sourire confiant et un ton d'encouragement, elle parla de nouveau, riant presque devant ces hésitations enfantines.

Bien sûr que tu peux, ma chérie...Si tu en as la volonté, tu peux être tout ce que tu veux. Si c'est ce que TU décides, alors personne n'a le droit de t'en priver. Ta sœur ne sait rien de ce qui s'est passé ce soir-là, je n'en ai parlé à personne. Bien sûr que je crois en toi : tu peux choisir ta voie comme tu l'entends, et tu as tout le talent pour réussir. Tu n'es le pion de personne, ma fille, et je serais toujours là pour te le rappeler. Pour le leur rappeler à tous.

Voilà de quoi elle avait besoin, voici ce qu'elle devait entendre. Mais derrière sa confiance et ses promesses, Sorastrata se sentait de nouveau devenir parjure. Combien de temps pourrait-elle rester avec elles ? Où trouverait-elle la force de franchir la Gérax ? Et plus encore, les cieux au-dessus de leur tête laisseraient-ils ces promesses être tenues : au fond de son coeur, la matriarche craignait encore la colère des Dieux, redoutait qu'elle frappe encore pour achever le châtiment ou en réponse à quelque nouvelle faute. Ses filles avaient besoin de confiance pour l'avenir, elle leur en donnait donc. Mais il n'en restait presque plus pour elle-même.
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