Les Tables d'Olaria
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 Rien de tel qu'un bon perchoir

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Grashyan Vestrell
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Grashyan Vestrell


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MessageSujet: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptySam 28 Aoû - 5:44



Récemment Grashyan avait trouvé l'endroit idéal pour s'isoler du monde, se détendre et penser. Au centre du quartier pauvre, à distance respectable du Coq en Pâte, point culminant du monde des humbles, des travailleurs, des vrais fidèles de Therdone, le vieux beffroi du sanctuaire de Minor. Déjà rude pour un initié, l'escalade était impossible pour quiconque ne s'y est jamais entrainé. Mais cela en vallait la peine, car une fois au sommet de l'édifice, adossé au bâtiment, les pieds battants dans le vide, il pouvait contempler la Lune et réfléchir en toute sérénité.

Contemplant la pleinitude de l'astre nocturne, il ne pu réprimer un léger sourire en pensant à tous les couples qui s'en donnent à coeur joie à cette heure tardive. Décidémment les croyances populaires l'amuseraient toujours. Tournant la tête en direction de la gargouille perchée à sa gauche, il lança dans ce silence serein.

« Heureux sont les ignorants, pas vrai ma vieille? »

N'attendant pourtant pas de réponse de Gwen, sa compagne tout de pierre sculptée, étrange croisement entre une panthère et une chauve-souris, Grashyan fixait la bête. Comme s'il attendait qu'elles bougent légèrement, son regard était fixé sur les machoires ouvertes du fauve. Quelques secondes plus tard, sortant de sa torpeur, il reprit sa position initiale, plus naturelle et confortable.

Fasciné par la Lune depuis sa tendre enfance, il connaissait bien ses différents mouvements, il les avaient étudié avec attention. Au Monastère, on lui avait conté qu'en certaines occasions Therdone accordait à cette dernière suffisamment de Volonté pour masquer le Soleil en plein jour. Perché là haut, il savait que la Volonté n'y était pour rien. A l'aide des anciennes tables, il était même possible de prédire ces occurrences. Néanmoins Grashyan restait convaincu que le Puissant y avait mis son grain de sable. Cette « coïncidence » astronomique était trop grosse pour n'être dûe qu'au hasard. Le jeune instructeur restait même persuadé qu'il s'agissait en fait d'un signe du Très Haut pour les Ilédors. Un signe que seuls ses fidèles, ayant pris la peine d'étudier les sciences exactes, pouvaient apprécier à sa juste valeur. Grashyan considérait même ces jours comme exceptionnels, dotés d'une forte puissance mystique, dont les dictons populaires feraient bien mieux de s'inspirer.

« Tu ne penses pas ma belle? Qu'est-ce qu'on pourrait bien inventer de sympathique? »

Pensant à toute une bande d'idées plus farfelues les unes que les autres, Grashyan se mit à sourire en révélant sa meilleure trouvaille au félin.

« Ecoute ça Gwen. On dit qu'à chaque éclipse de Soleil, les jeunes femmes couchant avec un instructeur de mathématiques ou d'astronomie se verraient dotées d'une longévité exceptionnelle ainsi que d'une éclatante beauté jusqu'à la fin de leurs jours. »

Riant de sa bêtise, Grashyan imaginait la scène dans sa tête. Il voyait l'Auberge du Coq en Pâte bondée de jeunes femelles prêtes à tout pour qu'il daigne choisir l'une d'entre elle. Bizarrement, il les imaginait pour la plupart blondes, Therdone seul en connaissait la cause.
En repensant aux idées qu'ils avaient écarté précédemment, Grashyan murmura pour soi-même.

« Il faut vraiment que j'arrête de boire avec la bande à Drig, je vais finir par ne plus penser qu'à ça. Que dirait le frère Tamahn de tout ça? »

Voilà. Irrémédiablement ces derniers temps, le jeune homme repensait à son vieil ami, se ressassait ses réprimandes, son rire tonitruant, ses maximes préférées, jusqu'à ses blagues salaces. Grashyan se remémorait avec sourire le jour où le frère Tamahn avait su le déstabiliser, lors d'un entrainement au bâton, en lui demandant.
 Dis mois Grash, sais-tu pourquoi les filles baissent les yeux quand on leur dit je t'aime? »
Grashyan se souvenait encore de sa stupéfaction lorsqu'après avoir relaché sa garde, pour réfléchir un instant à cette question saugrenue, il vit l'arme de l'ancien soldat fuser dans sa direction pour s'immobiliser à quelques centimètres de son entre-jambes.
« Pour voir si c'est vrai, par Therdone! »
Après ces mots, l'habile combattant s'était mis à rire à gorge déployée tellement longtemps qu'il en eût mal aux abdominaux. Frère Tamahn avait toujours été jovial. Bon vivant, son impressionante carcasse ne l'empâchait pas pour autant de se montrer d'une vivacité étonnante une fois son baton entre ses mains. Fidèle à lui même, ces dernières paroles étaient empreintes de gaieté et d'encouragements.
Glissant machinalement sa main gauche dans la manche de son vieux pantalon, Grashyan se rappela avoir mis la lettre dans la poche intérieure de sa chemise. Une fois sortie, il déplia délicatement le morceau de parchemin renfermant les dernières paroles du moine à son égard.
Le vieux bougre n'avait jamais été habile pour manier les mots et encore moins exprimer ses émotions, et le jeune homme savait bien l'effort que cela lui avait couté de retranscrire ses sentiments son égard. Penchant sa tête en arrière, serrant le pendentif en argent de sa main droite, Grashyan brandit son bras en direction du ciel étoilé prononçant d'une voix forte et assurée « Je te l'promets Tamahn! » puis à voix basse, presque inaudible « Je te l'promets mon ami ».

Après avoir à nouveau contemplé les cieux, Grashyan s'étendit sur le pierre froide de la tour, savourant le léger frisson qui s'en suivit. Emplissant doucement ses poumons d'air frais, expirant longuement, il ferma les yeux afin de mieux réfléchir. Pour lutter contre le pouvoir en place, soutenir les assiégeants, il devait entrer en contact avec les révolutionnaires infiltrés dans la cité. Mais comment? Si ça avait été un jeu d'enfant de trouver ces hommes, ils n'en resteraient plus aucun à l'heure qu'il est. Non, Grashyan devait soit faire en sorte que ces derniers le contactent, soit remuer ciel et terre pour obtenir des informations les concernant. Mais par où commencer?

« Une idée Gwen? »

Redressant son buste d'un mouvement fluide et parfaitement controlé, Grashyan fixa la statue. Plongeant son regard à l'intérieur de ses yeux sans émotion, il resta immobile un moment. Hochant légèrement la tête vers la droite, Grashyan observa d'abord son oreille difforme puis baissa les yeux vers sa puissante machoire et ses dents acérées. C'est alors qu'il eut une révélation. Son cerveau fonctionnait ainsi, projettant quelques fois une information sortie de nulle part sur les devant de la scène.

« Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt?! Ce coup-ci heureusement que tu es là ma belle! »

Le jeune homme se releva d'un mouvement fluide pour aller se positionner juste à côté du fauve. Alors que sans s'en rendre compte il s'était mis à gratter la gargouille derrière l'oreille, Grashyan laissait son esprit saisir toutes les implications que son idée allait engendrer.
En repensant aux rôles des gargouilles, qui permettent l'écoulement des eaux de pluie du toît des tours, Grashyan avait tout de suite penser à l'Ecluse. Gellan, cette vieille fripouille, devait certainement savoir quelque chose au sujet des révolutionnaires. Ils devaient même certainement s'entraider, après tout « l'ennemi de mon ennemi est mon ami », tout comme une double négation entraîne une affirmation. Le manque de transitivité de cette relation allait peut-être lui ouvrir les portes d'une nouvelle vie, une vie dans laquelle il aurait un rôle capital à jouer.
Un léger éboulement le rammena à la réalité. Après tout, rien n'était encore fait. Les révolutionnaires avaient peut-être préféré rester prudents et ne pas traiter avec la bande à Gellan, pleine de traine-savates en tout genre. Sa subite joie aussi rapidement estompée, Grashyan se rassit, à nouveau face à la pleine Lune.

Averti par un léger bruissement, il se retourna brusquement. La surprise envahie le jeune homme quand il vit, debout sur Gwen, une silhouette féminine à longue crinière, svelte et musclée, munie d'un poignard, qui l'observait tel un prédateur amusé.



Dernière édition par Grashyan Vestrell le Sam 4 Sep - 12:31, édité 8 fois
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Limna Hirune
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptySam 28 Aoû - 11:36

    « Ben alors ma Belle, toujours pas trouvé de boulot ? »
    Grincheuse, elle leva le nez de son verre de lait de chèvre. Pour un quartier pauvre, ils avaient plus que de quoi se sustenter. Limna avait découvert avec les plus modestes des Ilédors des saveurs exceptionnelles. Parce qu’ils avaient de bonnes relations, disaient-ils. Dattes, gâteaux au miel… A ce rythme, elle ne rentrerait bientôt plus dans ses cuirs. Ca, plus les ballonnements nouveaux qui étaient les siens… Pas dans son assiette. Edor Adeï, toute merveilleuse qu’elle était, ne lui réussissait pas tellement.

    Elle hocha la tête en signe de dénégation, grincheuse.

    « Bon, moi j’en ai un pour toi alors.

    Interrompant le masticage d’une pâte sucrée et absolument délicieuse, elle releva vers lui un regard plein d’espoir.

    « Payé ? »
    Un éclat de rire, et Garin répondit : « Toi, tu as vite appris comment ça marche, ici. Je te paierais, si tu le souhaites. J’espérais que tu serais moins dure en affaire pour la révolution, mais bon… »

    La morale n’ayant jamais vraiment étouffé Limna, elle ignora la demande implicite et préféra rester sur la perspective de quelques pièces dans sa paume.

    Mithridate dormait toujours lorsqu’elle partit pour honorer la mission de Garin. Chercher en certains points qui lui avaient été signalés par ses indicateurs de potentiels révolutionnaires. Bizarrement, il rechignait un peu à lui donner de moins nobles missions. Dans la crainte qu’elle se croit en pleine forêt, sans doute.

    C’est ainsi qu’elle avait passé sa journée à crapahuter de ci de là, sans trouver, à vrai dire, grand monde. L’empathie n’était pas son fort, et elle ne réalisait que quelques pâtés de maisons plus loin que cet homme qui l’avait regardée avec insistance, là, avait peut-être d’autres souhaits que d’éprouver sa souplesse manifeste. Il y en avait même un pour lequel elle regretta, à postériori, de l’avoir privé de son joli nez bien droit.

    Guère très fructueuse, donc. C’est très naturellement d’humeur maussade, et passablement dépitée qu’elle s’était mise en route pour leur quartier général.

    Le silence de la rue était de plomb, assez reposant après les affres de la journée. Elle marchait à pas tranquille, toute proche d’un repas chaud, d’un lit et d’un homme qui ne l’était pas moins, lorsqu’elle entendit du bruit. Instinctivement, elle se planqua, et suivit de ses yeux trop clairs l’ascension de la créature qui l’avait surprise. Sourcil arqué, elle apprécia le talent pour la grimpette de ce qui, à sa morphologie, devait être un homme. Très académique, cependant. Se pourléchant les lèvres devant le défi que cette escalade anonyme représentait, elle était sortie de sa planque avant même de s’en apercevoir. Il fallait qu’elle le suive. L’instinct, l’envie de prouver qu’elle pouvait en faire autant, si ce n’était plus.

    La chasse, aussi.

    La potentialité que ce pouvait être un dangereux criminel en pleine fuite ne l’effleura pas une seconde.

    Sitôt disparue la silhouette en haut, elle agrippa la première corniche, et se hissa à la force de ses bras jusqu’à une prise. Légère, les muscles tendus par l’exercice et l’habitude, il ne lui fallut guère de temps pour parvenir au toit. De là, elle fut prise par une crise de prudence aiguë, et fit en sorte d’approcher à pas de loup de l’inconnu. La dague au clair, c’était au cas où.

    Elle était suffisamment près, lorsqu’il se mit à parler. Elle écouta le tout religieusement, invisible de l’autre côté de la gargouille.

    Il était étrange, comme si la créature de pierre lui répondait… Il n’y avait que ça pour que le discours soit à ce point décousu.
    Et pourtant, il y avait des choses intéressantes, là-dedans. Cette histoire de longévité et de beauté, là, par exemple. Elle se voyait bien, dans un siècle, fraîche et fière comme pas deux, ricanant devant une Lysandre fripée et aigrie… Ne restait plus qu’à trouver un professeur de mathématique et… une éclipse ? C’était quoi, une éclipse ? Enfin, s’il en parlait ce soir, sans doute était-ce ainsi qu’il nommaient cet astre là.

    Trop tard pour trouver un professeur ce soir, sans doute lui faudrait-il attendre la prochaine lunaison pour cela… Quel dommage !
    Pour le reste, elle ne capta pas grand-chose. Mis à part « Drig », peut-être, qui lui disait vaguement quelque chose.

    Le nom de l’une des personnes que Garin l’avait envoyée chercher, par exemple.

    Mais l’homme la coupa dans sa réflexion en bougeant, en gratouillant la gargouille, il l’avait obligée à changer de planque. Silencieuse, elle s’était coulée sur les tuiles pour gagner l’arrière de la scène, ses yeux clairs reflétant la lueur lunaire. Tout, dans son attitude, appartenait au chasseur. De sa position à son regard, attentif au moindre détail. Son silence souverain, son analyse de la situation. Si l’inconnu avait été une bête au pelage fauve, potentiellement un beau trophée, elle lui aurait tendu un piège des plus vicieux. Mais il n’en était rien et cet homme seul, qui parlait à la pierre et aux astres, l’intriguait grandement.
    Songeant qu’elle ne comprenait pas grand-chose à son monologue, et que là où le silence valait mieux avec les bêtes sauvages, il perdait bien souvent les hommes, elle décida de se révéler.

    Lame au clair, pour la forme, regard planté sur la nuque de l’homme, un sourire étira doucement ses lèvres lorsqu’il se tourna vers lui.

    A son accent, il devinerait sans mal qu’elle était étrangère, tant pis.

    « Elle vous répond, parfois ? »

    Pas de moquerie. Pourtant, sous ses lèvres ourlées d’un sourire, la ligne blanche de ses dents était à peine visible. Prédateur.

    Ses doigts crispés sur la garde de la dague, elle s’aida de sa main gauche pour glisser du dos de la bête, semelles de ses bottes de cuir blanchi rencontrant les tuiles avec un son mat, elle se redressa pour lui faire face. Vêtue d’une chemise et d’un pantalon noir ajusté au corps tendu du chasseur, il était difficile de faire plus simple.

    Quoi qu’il en soit, il avait voulu de la blonde, il en avait. Peau diaphane sur laquelle la lueur lunaire se reflétait allègrement, chevelure libre oscillant mollement sur son épaule, et regard acéré…

    Finalement, elle se laissa tomber et alla s’accouder à l’une des pattes de la créature.

    « Se promener de nuit dans ce quartier… lorsque l’on est seul ce n’est pas prudent… »

    Merci Garin.
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptySam 28 Aoû - 19:52



La montée d'adrénaline, répondant au son de sa voix, vint libérer Grashyan de l'envoûtement dans lequel il était plongé. Sorti de sa torpeur, le jeune homme profita de l'absence de nuages devant la Lune pour observer plus longuement la tigresse. Son allure féline, ses jambes fines et galbées révélaient une grande vélocité. Observant sa respiration lente et controlée, l'équilibre parfait de son buste, le jeune homme ne pu retenir un hoquet d'admiration. De tous les scénarios qu'il avait pu imaginer, jusqu'aux plus invraisemblables, il ne s'était pas douté une seconde tomber dans cette situation.

A présent, il lui fallait réagir vite. Rester à ne rien faire n'était pas envisageable face à une telle prédatrice. Les idées filaient à tout va dans son cerveau. Fuir? Attaquer? Tenter de la raisonner? Mais aucune de ces propositions ne lui convenait. Elle avait su l'approcher sans le moindre bruit. Sa souplesse et son agilité étaient supérieures à la sienne, il en était certain. A cet instant, il se réprimanda d'avoir tout misé sur ses capacités acrobatiques afin de se sortir de mauvaises situations. Cette fois il n'avait pas affaire à de vulgaires rustauds, empâtés et à moitié pleins. C'était une lionne qu'il avait en face de lui, une véritable tueuse, la fuite ne convenait pas.

Si ça avait été un homme qui l'avait surpris, il n'aurait pas hésité une seconde. Misant tout sur sa vitesse, Grashyan se serait jeté sur son agresseur les pieds en avant afin de le projeter de la tour. Mais décemment, il ne pouvait pas frapper une femme, bien qu'elle le menace avec une lame. Tel était l'enseignement du frère Tamahn. Néanmoins, Grashyan doutait que le moine n'ait jamais rencontré de telle femme. Comparé à celle-là, la vaillante et farouche Anolia ressemblait à un chaton en colère.

Quant à la raisonner...Grashyan savait pertinemment qu'elle n'en voulait pas à son argent ou ses biens. D'ailleurs il n'avait rien. Non, ce qu'elle voulait, il le lisait dans ses yeux éclatants, pâles comme la Lune. Un défi.
A la manière dont elle prononça ses dernières paroles, elle avait révélé ses véritables intentions. Elle le testait. Grashyan savait qu'il était encore en son pouvoir d'éviter le combat et il venait de trouver comment. La féline pensait avoir tout prévu, il allait donc la désemparer.

Conservant son calme en plongeant ses yeux ambres dans le regard déstabilisant et envoutant de la guerrière, Grashyan, accroupi, se releva lentement, sans mouvement brusque. Prête à bondir, le couteau à la main, il ne fallait pas la brusquer. Sans rompre le lien, il croisa les bras pour saisir le bas de sa chemise. Doucement, il les leva au dessus de sa tête puis les déplia, révélant son ventre gainé ainsi que ses pectoraux tendus. Laissant tomber son haut à ses pieds, Grashyan se tourna de nouveau vers le vide, emplissant ses poumons d'air frais jusqu'à saturation. Puis il expira totalement, relâchant ainsi les muscles de son dos et de ses épaules, mettant en évidence la marque de son premier combat. Le V de Volonté, de Victoire.

Après avoir ébouriffé de sa main droite ses cheveux bruns et s'être gratté l'arrière du crâne, Grashyan posa ses mains sur ses hanches. Se rappelant sa première question, il ne put que se demander s'il s'agissait d'ironie ou non. Y voyant là le moyen de détendre l'atmosphère, le jeune homme secoua la tête de gauche en droite en disant.

« Gwen ne me répond jamais. Mais elle sait écouter, chose plutôt rare pour une femelle. »

Il avait réussi à prononcer ces mots d'une voix calme, monocorde et continu, sans dévoiler son léger malaise. Espérant que son plan ait suffit à désarçonner la lionne d'ivoire, Grashyan continua d'un ton de conversation banal.

 « Je pensai être le seul à venir ici. L'air pur et vivifiant que l'on trouve à cette altitude n'a rien à voir avec la puanteur des bas quartiers. »

Certain qu'elle serait d'accord avec lui sur ce point là, il ne se retourna pas pour voir si elle acquiesçait à son propos. Continuer avec de telles banalités étaient trop risqué. Il lui avait suffisamment exposé son dos pour qu'elle comprenne qu'il n'avait pas peur d'elle. Il devait la faire réagir, c'était maintenant ou jamais.

« Quand allons-nous cesser ce petit jeu? Cet endroit est assez vaste pour deux, et je ne mords pas...du moins...sauf si on me le demande. »

Sur ces mots, Grashyan se retourna enfin, s'attendant aussi bien à recevoir un coup de pied dans les joyeuses qu'à croiser de nouveau ce regard si déroutant, à la fois terrifiant et...excitant.




Dernière édition par Grashyan Vestrell le Sam 4 Sep - 12:32, édité 1 fois
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Limna Hirune
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyLun 30 Aoû - 15:56

    Et pourquoi pas les deux ?
    Lorsqu’il se retourna, les deux yeux clairs qui se posaient sur lui étaient brûlants, et ses poings crispés.
    Un petit retour en arrière, histoire de reprendre le cheminement emprunté par le petit esprit étriqué de la chasseresse.

    Lorsqu’il s’était levé, elle avait bandé ses cuisses comme la corde d’un arc. Prête à bondir, éprouvant leur souplesse, leur élasticité. Au moindre signe d’hostilité, elle l’envoyait vérifier auprès de Therdone s’il avait été assez Volontaire jusque là. Elle le considérait d’un œil froid et calculateur (ce qui, chez Limna, annonce davantage des ennuis qu’un calcul, de quelque sorte que ce soit) et n’en changea que lorsqu’elle le vit saisir le bas de sa chemise… Un sourcil haussé, puis les deux. Que croyait-il ? Que sous prétexte que… Certes il était plutôt bien monté, elle allait se pâmer d’admiration pour ses… Pectoraux, et lui sauter au cou en quête d’amour ? Si elle l’avait suivi, c’était parce qu’à le voir grimper comme ça sur le toit, elle avait eu l’impression qu’il était une proie à traquer.
    Le type de proie qu’il avait l’air de vouloir être attendait patiemment que sa belle ne rentre.

    La dague remonta quelque peu, et ses yeux se plissèrent. Puis il lui opposa son dos, et elle eut un mouvement de recul. Qu’est-ce qu’il voulait à la fin ? Ses yeux s’arrêtèrent instantanément sur la marque qu’il avait, faite au fer rouge, semblait-il. Bizarre. Quel besoin avaient-ils de marquer ls gens comme du bétail ? Ce signe, en plus… Il ne lui disait rien. Il faudrait qu’elle apprenne à lire, un jour.

    Quoi qu’il en soit, parcourir d’un regard prudent le dos marqué lui donne envie de vérifier si Garin avait la même chose. Elle n’en voulait pas pour Mithridate, ce n’était pas très joli.

    L’autre parla, dos à elle. Pour un chasseur, c’était là un message des plus clairs. Je n’ai pas peur de toi. Je n’ai pas peur de m’exposer, et de te laisser l’occasion de me frapper dans le dos.
    C’était mal connaître Limna, pour qui les notions d’honneur étaient plutôt vagues. Pour la chasseresse, le summum de la chasse se trouvait dans l’attente patiente et silencieuse, délectable, dans la pose de pièges redoutables. Sans doute parce que c’était là l’un des rares domaines où elle savait briller. Pourtant, elle ne le frappa pas dans le dos. Elle n’était pas non plus un fauve assoiffé de sang, et tant qu’elle n’était pas menacée, elle n’avait pas la moindre raison de s’attaquer à qui que ce soit. Malgré tout, et c’était là une chose qui dite devant elle aurait justifié une sacrée raclée, elle était Olarile. La mise à mort d’êtres humains était une hérésie. Elle gardait toujours, aujourd’hui, de dures séquelles de son crime.

    Les propos, elle les imprima, et se réserva pour plus tard les réponses. Elle n’avait jamais été du genre loquace, donc discuter avec le dos d’un homme bizarre était inenvisageable. Finalement, il se retourna sous son regard vigilent et dur. Entre temps, elle avait rangé sa dague. A portée de main, mais plus discrète. Poings crispés, au cas-où.

    « Je ne vous le demanderais pas. » Précisa-t-elle. Il n’y avait qu’une personne qui pouvait la mordre sans finir dans les vapes. Sa voix était plus grave, baissée d’un ton par la prudence.

    « Quant à votre air, il est saturé, ici comme ailleurs. Rien n’est plus pur, lorsque l’humain prend de telles hauteurs. Ce n’est pas là que se s’exprime votre grandeur je pense. Pas dans la qualité de votre air, ou de votre nature. »

    La forêt. Là, l’air y était bon. Et sain. Mais dans cette forêt de pierres et de flèches, ce n’était pas pareil. On sentait l’odeur des hommes et de leur vie. Souillure, désagréable…
    Cependant, Limna n’était pas du genre à s’indisposer de ce genre de chose. Sa réponse avait simplement été sincère.

    « Mais je n’en tiens nullement rigueur au gens de cette ville. Vous avez d’autres qualités. »
    Des valeurs, des libertés qui lui plaisaient davantage. Un meilleur pardon, le goût pour la lutte et le sacrifice.

    La monogamie, aussi. Ca lui évitait bien des ennuis.

    Grâce à Garin, et aux autres Révolutionnaires, elle avait trouvé un peuple qu’elle pouvait aimer. A la seule condition qu’ils se tiennent éloignés des autres Olarils. Ceux-là mêmes qu’ils traitaient parfois de sauvages sous le regard amusé de Limna. Les péripéties de Lysandre avaient rapidement fait le tour, faisant passer Limna, celle qui la haïssait, celle qui aurait pu souhaiter que le chef ne meurt à la place de l’Edorta, pour une personne raisonnable !

    Raisonnable !!

    La première fois qu’ils le lui avaient dit, elle s’en serait fêlé les côtes de rire.

    Quoi qu’il en soit, il n’y avait dans son ton ni animosité, ni moquerie. Elle se contentait de traduire d’une vérité. Une vérité qui n’était pas nécessairement agréable à entendre. Un constat.

    Il lui avait offert son dos, mais elle n’en fit pas autant. Elle connaissait trop bien les mâles pour leur offrir sa croupe sans sourciller. Si cet homme était d’une impudeur déplorable, Limna avait appris qu’ici n’était pas l’Umber, et qu’ici, les femmes avaient en général un minimum de tenue. Ses vêtements en attestaient déjà, ses vieux cuirs ne recouvrant que ce qui, de son anatomie, se devait d’être protégé. Ici, quoi que décolletée, sa chemise effleurait jusqu’à son cou et ses poignets. Ventre recouvert par l’étoffe et une large ceinture, jambes tendues, réactives, emprisonnées dans l’étau de l’étoffe. Seul restait aujourd’hui son accent, pour la différencier des ilédores. Le reste lui avait été enseigné avec un franc succès. Femme à part, mais elle n’était plus vraiment une étrangère. Plus comme en Arestim.

    Face à lui, donc, elle contourna la gargouille puis escalada le dos de celle-ci pour s’y installer avec des gestes lents et maîtrisés. Un félin, dont l’anatomie serait capable de s’adapter à n’importe quelle surface.

    « Vous êtes plutôt doué pour la grimpette, pour un citadin. »
    Elle gloussa, un son incongru et discret.
    « Pour un Ilédor. »

    Malgré le gloussement, elle avait toujours sur le visage une expression de prédateur : une violente neutralité. Elle observait, patiemment. Ses membres étaient toujours raides malgré tout, et elle n'était pas près de lever sa vigilance.
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMar 31 Aoû - 9:45




Grashyan n'en revenait pas. Il avait vraiment enlevé sa chemise, exposé son dos à l'inconnue et vivait toujours. Mieux, sa stratégie avait fonctionné. Il avait changé la donne et pourtant il ne comprenait toujours pas comment. S'il n'y avait pas eu ce vent frais pour le faire légèrement frissonner, Grashyan se serait pincé violemment pour vérifier qu'il ne rêvait pas, ou qu'il n'était pas mort. Ce qui venait de se passer échappait à toute logique. En théorie, désemparer la tigresse était la seule solution. Dans l'exécution, Grashyan savait qu'il aurait pu trouver mieux. Enlever sa chemise. Mais à quoi pensait-il?Et pourquoi pas le bas pendant qu'il y était?
Décidemment, il ne comprendrait jamais les femmes.

Il s'était tellement attendu au coup, qu'il avait pensé sauter dans le vide. Il avait même repéré, deux mètres plus bas, une barre en fer fixée à la paroi, habillée les jours de fête de l'étendard d'Edor Adeï. En s'y suspendant, il aurait pu s'introduire dans le clocher et descendre, à la force des bras, grâce aux cordes permettant de sonner les géantes cuivrées. Mais bien sûr mon gars! Et pourquoi ne pas déplier tes ailes et te tirer d'ici? C'est sur ces pensées que Grashyan, une fois retourné, vit la lame rangée, et se sentit soulagé.

Quoiqu'il en soit, Grash n'était toujours pas tiré d'affaire. La paire d'yeux braquée sur lui l'en assurait. Froid mais ardent, le regard opale de la tigresse n'avait pas changé. Griffes rétractées, elle n'en restait pas mortellement dangereuse. Il devait rester calme, prudent et attentif aux paroles qu'elle allait prononcer.

Heureux de constater que le ton de sa voix avait légèrement varié, Grash ne saisit pas directement le sens de sa déclaration. Son accent particulier la rendait difficilement compréhensible, mais l'oreille du jeune homme était à l'affût de chaque son. Ce n'est qu'après qu'elle ait baragouiné un bref refrain sur la pureté de l'air ou quelque chose du genre, qu'il comprit enfin : elle avait pris sa proposition au sérieux. Elle ne connaissait pas l'ironie. Je crois comprendre pourquoi je les voyais toutes blondes maintenant...

D'après ses paroles, visiblement, elle ne se considérait pas comme une habitante d'Edor Adeï. Venait-elle de la campagne? Grash avait déjà vu des paysans de l'extérieur mais aucun d'eux n'avaient cette lueur dans le regard, cette allure féline, cette animosité prononcée. Tout dans sa posture, ses réactions, marquait qu'elle était habituée à de telles situations. Elle était d'un calme olympien, exécutait ses mouvements avec le minimum d'efforts requis, économisant ses ressources, prête à exploser en une fraction de seconde.
Comme en écho avec les pensée du jeune homme, elle se hissa tel un félin sur la gargouille. Sans le quitter des yeux, sans un bruit et avec souplesse, elle s'installa sur la panthère, embrassant les formes de l'animal. Grashyan ne parvint pas à contenir son admiration, laissant échapper un léger « Bigre... »

Lorsqu'elle le complimenta, Grashyan se sentit rougir de fierté. Venant d'une telle experte, il ne pouvait que s'en sentir flatté.
Mais aussitôt il perdit de sa superbe, envahit d'une déception intense. Ces derniers mots... Comment avait-il pu être aussi bête? Comment n'y avait-il pas pensé plus tôt? Le malaise qu'il avait aussitôt perçu en sa présence, son regard glacial, ses postures bestiales, tout s'expliquait. A présent tout était clair dans son esprit. De sa déconvenue il passa à l'extase. Réalisant qu'il était en face d'une descendante de Bakarne, Grashyan exultait.

Comme beaucoup d'Ilédors, il avait entendu d'innombrables rumeurs sur les descendants de Bakarne, toutes peu flateuses. On racontait qu'ils étaient rustres, ignorants, plus bêtes que leurs chaussettes. L'un deux avait agressé l'Oracle, une autre n'hésitait pas à faire la putain pour un sous et leur odeur faisait fuir les rats. Grash n'avait jamais cru ses ragots et cette nouvelle rencontre lui donnait raison.
Réalisant qu'il était resté silencieux un peu trop longtemps, Grashyan s'accroupit lestement avant de prendre la parole, en oubliant de remettre sa chemise, restée en boule à proximité.

“Ainsi vous avez passé la Gérax. Votre courage et votre Volonté vous honorent.”

Grash espérait que ce compliment, tout à fait véridique, suffirait à abaisser ses remparts afin d'installer une vrai dialogue. Son esprit renfermait tellement de questions sans réponses. Sa curiosité, d'habitude endormie, venait de sortir de son hibernation, affamée face à une telle aubaine. Lui qui espérait tant des descendants de Bakarne avait besoin d'affermir ses rêves et d'épancher ses craintes. Néanmoins, il n'en oubliait pas la politesse, bien que dans un tel moment, cela puisse paraître...inappropriée.

“Je m'appelle Grashyan Vestrell. Enchanté de rencontrer l'une des descendantes de Bakarne, malgré de telles circonstances. J'ai grand soif de réponses, que vous seule pourrait m'apporter.”

Interprétant son silence comme une acceptation tacite, Grash se demanda toutefois si elle avait saisi le sens de ses paroles. Après tout, elle avait vraiment cru qu'il voulait la mordre... Croisant les doigts pour qu'il n'en soit pas ainsi, Grash se remémora les paroles de Drig, à l'Ecluse.

“Mon ami Drig affirme que vous êtes venus reprendre le pouvoir qui vous est dû. Qu'en est-il réellement?"

Grash espérait au plus profond de lui même qu'elle réponde. Il en avait besoin. Il devait savoir si ses espoirs étaient fondés, s'il avait enfin trouvé le but de son existence, s'il avait eut raison de rester en vie...



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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMar 31 Aoû - 17:03

    Elle le regarda rougir avec intérêt. Le petit mot qui lui avait échappé tandis qu’elle s’installait, les regards appuyés qu’il portait sur elle, la flatterie à son compliment… Elle trouvait cela drôle. Si la partie de chasse avait été plus franchement lancée, elle aurait jubilé de sentir ainsi sa proie ferrée. N’importe quelle femme un tant soit peu séductrice aurait pu apprécier ce type de regard. Flatteur, source de jeux et d’un amusement réel. Lis, Lis aurait adoré. Mais Lis, il ne fallait plus en parler. Lis était l’interdit, elle était cette à qui elle avait tourné le dos. Celle qui avait pu l’aimer, et la trahir aussitôt.

    Lis…

    Elle ferma les yeux doucement, un mince sourire masquant le trouble que le souvenir de la blonde pouvait susciter.

    Limna n’était pas comme elle, et si elle trouvait un certain plaisir à jouer avec autrui, ce type d’intrigues lui laissait souvent dans la bouche un goût aigre et métallique. Elle n’y était pas encore habituée. A cette ville, à ces gens qui pouvaient la regarder en ignorant son crime. A ce peuple, capable de l’accueillir comme une femme, et non plus comme une ignominie.

    Il lui faudrait s’y faire, avec sa prudence coutumière. Qui pose des pièges ne se jette que rarement dans la gueule du loup.

    Mais la fin de son propos sembla sortir l’Ilédor de sa gêne. A en croire la lueur qui venait d’éclairer son regard, il avait compris ce qu’elle était, qui elle était. Et ça l’amusa franchement. Parce qu’elle avait beau faire partie de ce peuple, officiellement, jamais elle ne suivrait leur voie, fut-elle celle de rois. Le pouvoir n’intéressait pas Limna, mais elle aimait à voir les hommes en devenir ivres.

    Alors elle s’étala un peu plus, agrippant du bout de ses doigts la gueule de la panthère. Elle lui plaisait, cette gargouille. Comme le témoin de la grandeur passée de la chasseresse, de sa fierté la plus intense… Celle de son initiation. Puis son regard remonta, amusé, et elle s’autorisa un léger rire.

    « Oui, je suis bien ce que vous dites. J’ai bien passé la Gérax et affronté sa fureur. Le seul point sur lequel vous avez tord est que ce n’est pas pour prendre le pouvoir ici que nous avons affronté milles périls. » Son visage se rembrunit légèrement. « Nous avons connu là-bas un drame sans égal, pour notre peuple. La destruction complète de notre village. Nous sommes venus pour fuir la mort et la maladie. Pour reconstruire notre village, et retrouver ici la paix que nous avions perdue. » Elle leva les yeux au ciel, observa l’astre et ses petites sœurs d’un œil songeur. Pour trouver le pardon et fonder une famille… A l’abri de Lysandre et de son courroux. Cette ville serait bien assez grande pour qu’elle y trouve son compte. « Mais je ne doute pas un instant qu’il se trouvera chez les Olarils des personnes pour courir après le pouvoir, ici… » Un soupir, elle retrouva le regard de Grash. « Ce n’est pas ce que je vous souhaite. Je ne les ai pas fuis pour rien… »

    Mais cela ne le regardait pas. Son sourire s’élargit et sa position, ne voyant pas dans la conversation une menace, se détendit considérablement. Muscles plus moelleux sur le dos du fauve, elle se fit plus lascive, moins menaçante. Tant que la conversation, et la situation allaient dans son sens. Qu’il approche de trop, ou qu’il dise un mot de trop et la donne changerait.

    « Je suis Limna Hirune. Autrefois chasseresse. »
    Aujourd’hui Ilédore. Son parfum, ses cheveux, sa mise… Elle n’avait plus rien d’une olarile si ce n’était ce faciès sauvage et fougueux. Si ce n’était son caractère fier et brut et cet accent qui ne s’effacerait sans doute jamais totalement. Elle avait néanmoins fait ce qu’il fallait pour ne pas être assimilée à ceux de son peuple que l’on nommait les « sauvages ». Comme Lysandre, par exemple. Cette folle qui avait agressé leur Oracle… Quelle douce ironie pour une Limna au comble du bonheur…

    Elle accorda alors un regard plus appuyé à son support, et sourit distraitement. Elle n’était plus une sauvage, elle n’était plus une chasseresse… Mais elle avait malgré tout sa place au sein d’un peuple capable d’honorer ainsi des créatures dignes des plus belles chasses. A savoir si cette créature était là pour l’honneur, ou pour susciter chez eux une certaine peur… ?

    « En avez-vous déjà croisé une, comme ça ? » Sa main glissa lentement des crocs de la panthère pour effleurer sa joue, les muscles ciselés de ses épaules. Le réalisme n’était pas parfait, mais la pierre noire et la férocité de l’ouvrage était à son goût. « Je veux dire… Une vraie ? Une qui pourrait vous sauter à la gorge et ne faire de vous qu’un vague souvenir ? » Parler de chasse faisait remonter en son sein une chaleur plaisante. Elle avait hâte de voir quelle serait la réaction de l’homme qui grimpe à ces arbres de pierre et de ciment : peur ? dégoût ? excitation ? Avait-on peur de ce qui était sauvage et puissant, ici, ou à l’instar de Lysandre cela leur paraissait-il toujours répugnant et déplacé ?
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMar 31 Aoû - 21:00




En la voyant s'étendre de la sorte sur Gwen, frotter son corps chaud sur la pierre fraiche, Grashyan se félicita pour sa clairvoyance. S'il avait été debout, exposé à la clarté de la Lune, et non accroupi, nuls doutes qu'à cet instant, il aurait été trahi par son propre corps. Cette femme, en seulement quelques minutes, avait fait ressurgir des profondeurs de son être toute une foule d'émotions. Stupéfaction, angoisse, admiration, exaltation, excitation... Et le pire encore, elle continuait.

Grash avait déjà remarqué l'attirance de l'inconnue pour sa panthère de pierre, bien qu'il n'y avait vu qu'une pure coïncidence. En la voyant étreindre de la sorte l'animal, il constata son erreur. D'un point de vue stratégique, elle aurait du conserver l'avantage de la hauteur, afin de le surplomber. Mais non. Délibérément ou inconsciemment, elle s'était hissée sur le félin, dont la morphologie s'adaptait parfaitement à ses formes provocantes.
Son visible changement d'humeur n'en fut que plus déroutant.

Souriante et fière, elle lui révéla son passé. La Volonté dont avait fait preuve ces Olarils ne pouvait être qu'un don du Très-Haut. Grash ne voyait là aucun doute possible. Les descendants de Bakarne bénéficiant d'un soutien inconditionnel de Therdone. Ils avaient brillamment passé le test et à présent, après de rudes épreuves, leur Volonté était devenue indéfectible. Peu importe quels étaient les motifs qui les avaient ammenés là aujourd'hui. Leur seule présence était une aubaine pour les Ilédors. Ils apportaient bien plus que des bras armés jusqu'aux dents. Ils ammenaient avec eux, une raison. Une goutte d'eau suffit à faire déborder le vase. Un Olaril va suffir à ébranler les fondations d'Edor Adeï. Les catalyseurs venus, le mouvement allait enfin commencer.

Lorsqu'elle se présenta à lui, Grash attira toute son attention sur ce qui semblait être son ancienne profession : chasseresse. Elle avait prononcé ce dernier mot différemment des autres, avec plus d'intonation. Sa physionomie aussi avait changé. L'éclat de ses yeux avait paru être, l'espace d'un instant, encore plus miroitant. De plus, elle n'avait pu réprimé ce léger sourire qui faisait apparaître merveilleusement une partie de l'émail de ses dents.
Ce n'est qu'après coup, en la voyant sourire affecteusement à Gwen, qu'il se rappela du « autrefois ».

Ses paroles n'étaient pas en accord avec ses pensées, Grash pouvait facilement le percevoir. Elle ne se voyait plus comme une chasseuse, une chasseresse comme elle disait, et pourtant tout dans son attitude laissait paraître le contraire. A la manière dont elle s'était joué de lui, l'avait manipulé, il voyait à présent la traque minutieuse du prédateur. Limna n'était pas brillante, pour sûr. Elle était bien pire, elle était redoutable.Trop penser était une tare pour le genre de femme qu'elle était, Grash en était persuadé. Tandis que chez lui, la logique empêchait toute spontanéité, chez elle c'était l'inverse. Son instinct était sa plus grande force. Face au danger, elle n'hésitait pas, elle ne réfléchissait pas, elle agissait. C'était sans doute cette capacité innée qui avait fait d'elle cette prédatrice hors-norme.

La question qu'elle lui posa le rammena sur terre, du moins, sur les tuiles du Beffroi. La réponse était évidente et pourtant, Grash ne savait toujours pas sur quel pied danser avec Limna. Il pourrait répondre qu'il ne s'était jamais éloigné très loin des remparts à la fois protecteurs et geôliers de la cité, mais...il se devait de tenter. Elle l'avait testé, à présent c'était son tour.

« Une comme celle là, jamais. J'ai croisé bien pire et je m'en souviens encore comme si cela c'était passé tout récemment. »

Voilà, à présent, impossible de reculer. Il avait décidé de lui exposer la première idée qui lui était passée par la tête après cette interrogation. Pour une fois, il choisissait de se montrer...spontané.

« La bête devait bien faire dans les un mètre soixante-quinze, pour une soixantaine de kilos de muscles. Un fauve au pelage immaculé et à la crinière dorée. Il s'était glissé silencieusement derrière moi alors que je me reposai au bord d'une rivière cristalline. En voyant la taille de ses griffes, je pensai mon heure venue. J'étais prêt à rejoindre Therdone et pourtant...j'ai survécu. Le félin m'a épargné et je n'oublierai jamais ce jour. Après tout, ne profite-t-on pas pleinement de la vie qu'en étant confronté à la mort? »

Parfait. Grash savait parfaitement où il allait en venir dorénavant. D'une manière peu ordinaire, il avait su capter son attention en narrant une aventure pseudo-imaginaire. Vraisemblablement elle l'écoutait avec attention, le moment était venu de lui exposé ses idées.

« Voyez vous-même. Tout dans votre attitude, votre gestuelle, révèle votre réelle identité. Que vous le vouliez ou non, vous êtes toujours une chasseresse et vous le resterez à jamais. Comme le prédateur qui s'adapte à un nouveau milieu, de nouvelles proies, vous allez vous habituer à cette cité et découvrir qu'il y a d'autres sortes de traques. La mort joue un rôle primordial dans votre vie Limna, l'accepter vous a rendu forte, très forte. Dites-moi une chose, que ressentez-vous sur cette statue?»

Il l'avait fait. Devant tant d'émotions, Grash avait cédé. Toutes les conclusions qu'il avait pu tirer ses dernières minutes, il les avait révélé au grand jour, à celle qui le menaçait il y a peu. Conservant son air calme et posé, il n'attendait qu'une chose, la voir réagir.



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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMer 1 Sep - 13:45

    Ses mains remontèrent doucement sur la statue pour s’y croiser. Son menton s’y déposa et elle plissa les yeux en l’écoutant parler. Elle avait bien saisi l’émoi de l’inconnu, quoi que pas dans toute sa mesure. Et pourtant, elle n’en était pas émue, pas elle. La situation, pour une chasseresse, était naturelle. Tout ce qui n’était pas naturel n’était pas. C’était plus simple ainsi. Elle l’avait suivi en pleine escalade, l’avait écouté parler à une statue puis se désaper sans un mot. L’un dans l’autre, la suite avait une certaine logique. Celle de l’instinct, au moins.

    Il lui parlait de rencontre, lui narrait une histoire au sujet d’un fauve que jamais elle n’avait pu croiser. Quelle espèce de créature cela pouvait-il être ? A quelques erreurs près, elle aurait pu croire à une sorte de… métaphore les concernant. Mais elle ne s’arrêta guère là-dessus, préférant aux galanteries délurées de l’Ilédor le plaisir du conte et de l’imaginaire. Elle la voyait, cette créature : floue comme au travers d’un nuage de brume. Languissante, épaules frémissantes devant la proie. Regard d’acier et grondement puissant. Venue se mesurer à l’homme, puis acceptant de l’épargner. Oui, elle voyait la scène comme sur ces tapisseries dont ils étaient si fiers.

    Pourtant, à le voir parler, il y avait quelque chose qui la gênait. Il avait l’allure d’un conteur, mais pas celle d’un aventurier, n’en déplaise à ses larges épaules et à son allure façonnée par l’exercice. Il y avait dans le ton une magie qui lui donnait l’impression de se faire embobiner en bonne et due forme. Une autre race de chasseurs.
    Lis était un peu comme ça, avec elle. A l’époque où elle lui tournait autour, la harcelait… Le soir où elle les avait interrompus, avec Mithridate. Des prédateurs masqués, qui ne devaient pas leur savoir faire à leurs mains mais à une forme de charisme qui savait l’atteindre. Elle avait pour elle cette capacité à se savoir ferrée. Ainsi lui restait-il le choix de décider de laisser la traque se poursuivre, ou d’y mettre un terme. Avec Lis, elle avait tenté le jeu, quelque temps.

    Au souvenir du contact électrique de la peau de la prêtresse contre la sienne, de ces picotements, de son odeur et du goût de l’ivraie… Elle frissonna, cilla, puis braqua un regard adouci sur celui qui se nommait Grashyan. Ce n’était pas pareil. Il n’était pas un prédateur aussi dangereux que Lis. Elle ne voyait dans son regard nulle malice, tandis que la belle était une créature qui se nourrissait de chaos, de souffrance et de conflits. Ensuite, elle ne se sentait pas irrémédiablement attirée par l’inconnu. Cela faisait une différence certaine. Aujourd’hui… serait-elle seulement attirée par la prêtresse d’un Dieu Passé ? Elle n’en savait rien.

    Mais Lis n’était pas là ce soir, elle n’était qu’un fantôme qui hantait parfois certains moments de magie. Un fantôme que chassait Mithridate de ses caresses et de sa voix. Le reste du temps, elle la tolérait comme elle avait toléré Cyclaë à son côté, pendant des mois, des semaines, des jours.

    Il lui parlait de chasse, et de mort. Quelle coïncidence… S’il savait à quel point la mort avait été son quotidien… Dans ses rêves, dans son sillage. Dans son passé. La chasse n’était pas Mort, mais Limna, oui. La chasse était quête, pièges, excitation. La mort n’en était qu’un aboutissement vite englouti dans les honneurs et les prières.
    Cependant, quoi que déplacée, débitée par la bouche d’un parfait inconnu, force est de constater que ce Grashyan détenait une certaine vérité sur son compte. Pouvait-il lire cela à son seul comportement ? Elle n’avait que peu parlé, tout juste évoqué l’histoire de son peuple sans même effleurer son histoire personnelle. L’histoire d’un peuple qui en tout point s’éloignait de ce qu’elle était. Un conte individuel, noyé dans la masse d’une ethnie solidaire. Solidaire… elle ne l’avait jamais été. La seule personne qu’elle ait jamais voulu « sauver » l’avait trahie dans le même temps… La seule personne qu’elle avait aimée, avant Mithridate, avait disparu, engloutie pas une Limna trop acide. Trop fière, trop brute pour supporter la hiérarchie de son propre clan.

    Elle le détailla, il avait néanmoins compris certaines choses, troublant la blonde. Sa position ne changea pas, peut-être juste son regard qui s’éclaira. Son corps avait quant à lui entamé une phase d’immobilité profonde. Des membres de pierres, fondus dans la statue, prêts à l’explosion.

    « Je suis bien, sur cette statue. »

    Elle sourit, puis son amusement se fit plus ténu. La voix plus grave.

    « Vos mots sont justes. Vos histoires sont pourtant étranges, car jamais je n’ai pu croiser de telles créatures dans mon pays sauvage. » Elle fronça les sourcils, puis s’appuya à ses avant-bras pour se redresser quelque peu. Ses jambes remontèrent et glissèrent pour se croiser devant elle, sur la nuque de la panthère. Quand bien même elle était cette créature qu’il décrivait… Jamais elle n’avait trouvé d’égale en Arestim. Jamais une poseuse de pièges aussi habile. Trouver son égale, s’y confronter… Les Olarils étaient soient trop boueux pour elle, soit trop brillants.
    A moins que cette lutte là n’ait à se dérouler d’une toute autre manière…

    Elle ne médita guère longtemps sur le sujet.
    « Vous n’avez fait qu’une erreur : donner à la mort une place qu’elle ne mérite pas vraiment. Ce qu’il y a de magique dans la chasse, c’est le combat, la traque… L’étude de l’autre, la pose précise et silencieuse de pièges… Puis sentir que le fauve est ferré. Sentir avant même que les muscles ne s’expriment que la lutte est déjà terminée. La prévoir dans ses moindres détails… Puis croiser son regard.

    La mise à mort ce n’est que… L’aboutissement. C’est ce qui nourrit une famille, ce qui donne un terme au jeu. Il est exaltant de se sentir victorieux mais… C’est un plaisir un peu différent. »
    Un sourire carnassier étira ses lèvres. Elle abaissa son regard sur l’échine de la créature. De son point de vue, seule la partie héritée de la panthère était visible. « J’en ai chassé une comme ça, un jour. Le jour où je devins chasseresse. J’ai gardé sa fourrure, en souvenir. »

    Du bout des doigts elle redessina son allure. Corrigea les erreurs de l’homme qui ne s’était basé que sur des planches d’anatomies.

    Puis elle releva un regard absorbé en sa direction. Perchée, elle gardait une certaine hauteur sur lui. Tant mieux, elle ne voulait pas être accessible.

    « Mais et vous… De toute évidence piéger des bêtes sauvages n’est pas votre… Spécialité… » Elle plissa les yeux. « Quelle traque urbaine honorez-vous, Grashyan ? »
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMer 1 Sep - 18:51




Alors là...c'est incroyable... Sidéré. Grashyan était médusé par la réaction de la chasseresse Hirune. Elle n'avait ni compris sa métaphore, ni les paroles qui suivirent. Le jeune instructeur, pourtant habitué à ne pas se faire comprendre de ses élèves, notamment lorsqu'il évoquait des structures vectorielles complexes, ne put que rester bouche-bée. Qu'elle ne saisisse pas son compliment, Grash pouvait le concevoir. Après tout...il était évident que son éducation ne l'avait pas préparé à comprendre de telles tournures de phrase. Mais le reste, non! Ses propos étaient simples. Elle ne l'avait écouté qu'à moitié ou alors elle s'en moquait.

Il aurait pu laisser filer, après tout...ce n'était pas grave. Qu'elle se voile la face si elle le souhaite.
Il aurait dû laisser filer, il le savait.
Il allait laisser filer mais les derières paroles de Limna l'enflammèrent.

Ce n'était pas des insultes que Limna avait proféré. Ce n'était pas d'un ton méprisant qu'elle s'était adressé à lui. Pourtant Grash s'était relevé prestement, les yeux plein d'une toute nouvelle sensation, de la colère. Elle le méprisait, le voyait comme un lâche, comme Elle l'avait déjà fait par le passé. La première fois, Grash avait pris sur lui, maitrisant sa rage. Chose qu'il avait longtemps regretté, et qu'il regrette toujours...

Prétextant son manque de bravoure, Elle l'avait quitté pour un soldat, lui brisant le coeur. Les meilleurs stratèges sont ceux qui gagnent sans combattre, Grash l'avait appris dès son plus jeune âge. Il s'était toujours avisé d'éviter les conflits directs, préférant négocier, de peur que le combat ne dégénère.

Il n'allait pas faire la même erreur deux fois. L'opinion de cette femme à son égard ne lui était pas indifférent, Grashyan se demanda bien pourquoi. Il y réfléchirait plus tard. Il était debout à présent, la donne avait changé.

Elle détourna son regard de la statue pour le fixer, quand il se mit à avancer vers elle. Bras tendus, poings crispés, il se rapprochait à allure modérée de la tigresse. S'arrêtant net à portée de sa lame, il figea son regard dans ses pupilles opalines, brillantes de surprise.

« Je ne parlai pas de la mise à mort Limna. Je parlai d'affronter la mort en face, de sentir son coeur battre sous sa poitrine. Je parle de ce jeu que vous maitrisez si bien. Je parle de la lueur qui habite votre regard à présent que vous avez ma vie entre vos mains. Traquer un lapin ne vous procure pas cette extase, pas vrai? Que ressentez-vous en croisant mon regard à présent? »

Il avait cracher ces dernières paroles pensant sincèrement la convaincre. Il ne voulait pas la vexer, juste lui faire prendre conscience de sa véritable nature et lui montrer que lui aussi avait du cran.

  « Vous l'avez dit vous-même, la victoire n'est pas votre but. Seul le jeu vous intéresse. C'est pourquoi, en me rendant toute à l'heure, vous m'avez laissez vivre. »

Lui exposant son dos, à nouveau, il désigna la marque sur son omoplate gauche.

  « Tous les deux nous sommes différents. Je ne suis pas un chasseur, je n'ai jamais piégé une bête sauvage, mais j'ai déjà vaincu une bête moi aussi. Je n'ai pas emporté sa dépouille avec moi mais j'ai conservé sa marque sur mon épaule. Je l'ai regardé droit dans les yeux, savourant sa défaite, souriant de ma victoire. »

Apercevoir la Lune, pleine, le fit revenir à lui-même. Il s'était emporté. Il avait libéré sa colère et sans regret. Il s'était affirmé face à une tueuse, il était fier de lui. Ca lui coûterait peut-être la vie mais...ça en valait la peine. Après tout, ne venait-il pas de prêcher l'importance de la Mort dans la Vie? C'est souriant, que Grash fit demi-tour, afin d'affronter celle qui l'avait libéré d'un poids qu'il portait depuis des années déjà.


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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptySam 11 Sep - 16:51

    En le voyant approcher, elle se raidit, sur ses gardes. Elle n’aimait pas. Elle n’aimait pas sa démarche, ni ce regard rivé au sien. Spontanément, elle crispa ses doigts sur les aspérités de la statues, et encocha la plante de ses pieds contre les cuisses de la panthère. Un pas, un pas de trop et elle était sur lui. La dague n’était pas loin, petit homme, n’oublie pas cela. Ses yeux trop clairs plissés sous la lueur nocturne, elle fut parcourue d’un frisson visible. Epaules secouées fébrilement, jusqu’à ce qu’il s’arrête. Là où il se tenait, elle pouvait se le faire. Un geste, qui s’imposa à elle. Un coup habilement porté et il ne se relèverait jamais de ce qu’elle avait pour lui. Jamais.

    Mais il n’en fit rien, et comme s’il avait vu lui aussi cet espace tacite entre eux, il se tint bien en garde face à elle. A voir son regard farouche, son masque déformé par une vigueur qu’elle n’attendait pas de lui, ses mots l’avaient secoué. Pourquoi donc ? Il était bizarre, ce type. Il était imprévisible, et elle ignorait si cela lui plaisait ou non. Cette traque là n’avait pas l’honneur et la continuité d’une lutte face à un fauve. Etait-ce cela, la chasse, en Edor Adeï ? Lutter contre l’animal le plus glauque, et le plus dangereux qui soit : l’être humain ? Cependant, si les réactions décousues de cet homme lui déplaisaient, ou du moins la mettaient mal à l’aise, force était d’avouer que ça l’excitait, aussi. Et le regard brûlant qu’elle avait déposé sur lui était éloquent. Il parla, mais elle n’entendait pas tout. Elle saisissait les idées, les allusions, et comme en échos à ce qu’il étalait sous les yeux du fauve campé sur sa statue, ses épaules remuèrent doucement. Des gestes qu’elle voulait mesurés, contrôlés. Il l’avait accueillie, s’était déshabillé, puis l’avait approchée comme une furie… Qui sait, la prochaine étape le verrait peut-être sortir le fer et l’acier ?

    Lèvres scellées en un masque faussement impassible, trahie par ses yeux ardents, elle le vit se retournée, une fois de plus, et accueillie le geste d’un haussement de sourcil.
    Cette marque. Il lui expliqua d’où elle venait, et alors elle comprit.

    Orgueil du mâle, piqué en sa virilité par l’indolence d’une chasseresse. Il avait eu l’impression de lire dans la dernière question de Limna une forme de dédain, sans doute. Peut-être avait-il eu l’impression que sa remarque quant à la forme de chasse qu’il devait pratiquer était teintée de sarcasme. Une preuve de plus, en somme, que Limna n’était pas faite pour la conversation et la vie en communauté. Vraiment pas. Lorsqu’elle gardait le silence qui lui était coutumier, au moins, ses interlocuteurs étaient bien en peine de lire en ses propos une quelconque malice.

    Cependant la marque l’intéressait. Cicatrice. Symbole de sa victoire. Etrange. Limna ne tirait guère de fierté de ses propres cicatrices. La plus visible, celle qui ornait son arcade sourcilière et dont la couleur était toujours assez vive, trahissait plutôt son opprobre que son talent de chasseresse. Celles de son dos, qui avaient été quant à elles faites par des bêtes sauvages, ne comptaient pas l’histoire d’une bien glorieuse traque. Le corps de Limna en dépit des apparences n’était guère solide, et à l’instar de ces félins au corps élancé et amaigri par la nature, de ceux qui couraient à la vitesse du vent, mieux valait pour elle ne pas passer à portée de griffes. Pour cela, aussi, qu’elle n’avait pas apprécié de le voir s’approcher ainsi. Si Lysandre était capable de la soulever sans mal pour menacer de l’étrangler, elle ne donnerait guère cher de sa peau s’il advenait qu’un homme de la carrure de l’ilédor porte sur elle une main favorable. Non, il fallait que Limna frappe avant, que Limna coure, et que Limna échappe à toute emprise.

    Sinon, Limna perdait.

    Une fois l’inconnu revenu au calme, tandis qu’il se tenait toujours dos à elle, elle s’étira en silence et tandis vers sa chair une main dépourvue de toute hésitation. Du bout des doigts, elle vint parcourir la marque. Un effleurement qui n’avait rien de sensuel, ou du moins qui ne prétendait guère l’être. Elle rassasiait seulement sa curiosité. On aurait dit un tatouage barbare, une scarification, à l’œil. Mais au toucher, nul doute. Cette douceur, c’était bien celle du marquage. Celle d’une peau brûlée et soudée.

    Il fallait être bien cruel pour infliger cela à un être humain.

    Avant qu’il ne se retourne, elle avait retiré sa main, demeurée assise sur sa monture de pierre. Au moins s’était-elle redressée.

    « Il est des chasses qui ne se font guère arc et dague en main. Je sais cela » Elle-même traquée, blessée, amputée de sa liberté d’agir un peu trop longtemps. « Ne me prenez pas pour plus naïve que je ne suis. » La phrase, cette fois, avait claqué avec la sècheresse d’un fouet. Naïve, elle l’était bien assez comme cela sans que l’on ne force le trait.

    Finalement, sur un soupir, elle se radoucit.

    « Mais vous avez raison, ce qu’il y a d’excitant dans la traque, c’est de sentir la crainte, de sentir la vie que l’on s’offre. De sentir la vigueur de la chair et l’alerte de l’œil.

    Elle ferma les yeux, doucement, puis son visage s’orienta vers les tuiles à sa droite. Elle ne fuyait pas vraiment son regard, mais elle voulait s’en détacher.

    « Lorsque je croise votre regard, je ressens un peu cela, oui. Mais c’est une chose que vous provoquez. Je vous ai suivi parce que j’admirais l’aisance avec laquelle un homme de votre carrure a pu se hisser à ce mur… Je ne vous ai pas suivi pour chasser. Pas vraiment. » Elle sourit, dévoilant un instant sous l’ourlet de ses lèvres la ligne carnassière de ses dents. « Mais avec votre attitude, vous éveillez cela. Vous vous sentez traqué, et c’est là le meilleur moyen d’attirer et de titiller le chasseur. Vous vous imposez à vous-même le statut de bête, alors que je n’avais pas la moindre intention de vous nuire. » Puis son sourire s’apaisa doucement. Maintenant qu’il l’avait entraînée là-dedans, doucement, le chasseur s’étirait, paralysait son âme, sa vue. A présent, sans réellement s’en rendre compte, elle se préparait à lutter. « C’est un jeu périlleux, pour lequel il faut être sur des cartes à abattre. »

    Sans quoi on y perd la vie, ou une partie.

    Elle fronça les sourcils, sans se départir de son sourire. La provoquerait-il encore longtemps ? A croire qu’il avait envie d’en découdre. A croire qu’en pensant suivre un inconnu, Limna risquait de se glisser dans les chausses d’une proie, à son tour.

    Hors de question.

    « Dites-moi, maintenant. Quel est cet adversaire qui dans sa défaite vous laissa un tel souvenir ? »
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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMer 15 Sep - 8:01



Comme il s'y attendait, la chasseresse était assise sur Gwen. Au fond de lui-même, Grash s'amusa du lien implicite qui s'était crée entre sa panthère et l'Hirune. Si lui s'était rapproché de l'animal au fil du temps passé sur le Beffroi, la chasseresse s'était immédiatement liée avec le prédateur.

Grashyan l'avait baptisé Gwen, en souvenir d'une fille de l'Ecluse. Il n'avait jamais vu une fille courir aussi vite, frapper aussi fort et mordre avec autant d'ardeur. Son audace n'avait pas d'égale parmi les jeunes voleurs. Celle qui allait jusqu'à dérober les bourses des gardes de la ville, s'était pourtant fait prendre la main dans le sac par un vulgaire bourgeois alors qu'elle venait de lui subtiliser une flasque en argent. Enfermée, battue pour son crime, la jeune fille avait changé radicalement et la plus agile des détrousseuses faisait maintenant le tapin près du canal pour survivre. Depuis sa rencontre avec l'Hirune, Grash savait qu'il ne pourrait plus appeler la panthère par ce nom. Gwen n'était qu'un chaton agité en comparaison de l'Olaril. La statue se prénommerait Limna à présent. Seul ce prénom aux consonances étrangères pouvait à présent convenir au puissant et inébranlable félin.

En entendant Limna prononcer ses premières paroles, il prit conscience qu'il s'était vraiment emporté pour un rien. Après tout   «  la naïveté n'est-elle pas propre aux gens heureux? Tout comme l'innocence des enfants qui les empêche de penser aux choses « sérieuses » et leur permet de vivre pleinement leur jeunesse...».

En la voyant relâcher ses épaules, décontracter ses muscles et adoucir son expression, Grash sût que ses précédentes paroles n'avaient pas été mal interprétées. A son tour, il se détendit, expirant lentement l'air dont il venait de remplir ses poumons. Il n'avait jamais été aussi prêt de l'Hirune. A cette distance, il pouvait voir en détail la cicatrice toute droite barrant son arcade droite.  « Sans doute le souvenir d'une ancienne chasse. ». A l'instant où elle ferma les yeux et lui exposait son profil, Grash put la fixer plus longuement, sans pour autant paraître impoli. Son visage était de la même blancheur laiteuse que la Lune, mettant en valeur à merveille sa longue chevelure dorée. Son nez fin se mariait à la perfection avec ses minces lèvres rosées.

Encore une fois, il fut flatté du compliment. L'escalade comptait parmi ses rares talents et venant de la chasseresse, ces paroles ne pouvaient qu'être sincères. Grash écoutait ses paroles, sans pour autant s'y attarder. Il ne comprenait pas la logique de Limna. Ils n'étaient pas fait pour s'entendre, c'était certain.

Quelle déception pour lui. Il voulait tellement rencontrer un de ces Olarils ayant passé la Gérax, souhaitait tellement apprendre de ces hommes et femmes. Leur culture, leur mode de vie, leurs rites religieux etc... S'il avait d'abord pensé que c'était un heureux hasard qui lui avait amené la chasseresse, à présent il savait qu'il n'en était rien. Bien que détendue en apparence, elle n'en été pas pour autant relâchée, prête à une conversation amicale.

Quand elle lui posa la question, le regard glacial de la moniale surgit du fin fond de sa mémoire. Des yeux bleus pâles, froids comme un hiver rigoureux, mis en valeur par des sourcils taillés d'un trait. Un regard qui changea une fois rendu compte de sa défaite.

« Cette marque vient d'une mo...d'une prêtresse de mon Dieu. J'étais jeune, je ne possédait rien et avais besoin d'un toit. J'ai donc passé un pacte avec la vieille prêtresse. Si j'acceptais la marque de Therdone sans sourciller, sans hurler ma douleur, elle subviendrait à mes besoins. J'ai enduré la brûlure du tison sans émettre le moindre son, en souriant et j'ai gagné un toit. »

En repensant à son premier véritable combat, le jeune instructeur tourna inconsciemment la tête vers le ciel, repensant à l'atroce et éphémère souffrance qui lui avait permis de devenir l'homme qu'il était aujourd'hui. Même une horrible souffrance peut entrainer un grand bien.

Après avoir répondu, Grash fit quelques pas vers le vide, se pencha afin de ramasser sa chemise et la remit dans la foulée. Il se tourna de nouveau vers Limna et Gwen. La chasseresse n'avait pas bougé, chevauchant toujours le fauve de pierre.

« Quoiqu'il en soit, j'ai trouvé notre rencontre intéressante. J'aimerai beaucoup en apprendre d'avantage sur votre peuple mais je dois partir. Je viens ici presque chaque nuit pour réfléchir, alors si l'envie vous prend, je serais ravi d'écouter vos souvenirs de chasse. »

Grashyan hésitait à présent. Il voulait lui faire part de son envie de rejoindre les Révolutionnaires. L'Olarile avait certainement été déjà contacté par leurs agents intra-muros. Qui mieux que les descendants de Bakarne était en mesure d'intégrer ce mouvement? Après avoir pesé le pour et le contre, Grash se persuada qu'il ne prenait aucun risque à lui révéler ce secret. En effet, Limna n'avait aucune raison de la dénoncer aux autorités. Et aucune chance qu'elle ne pense qu'une telle information puisse lui rapporter quelques piécettes.. Résolu, Grash fit un pas vers la chasseresse croisant son regard.

  « J'ai toutefois une faveur à vous demander. Je cherche à intégrer le mouvement révolutionnaire. Je rêve de botter le cul une bonne fois pour toute à tous ces nobles d'Edor Adeï qui me regardent de haut parce que je ne suis pas né, comme eux, avec une cuillère en argent dans la bouche. Sauriez-vous par hasard où je pourrai les trouver? Ma position de professeur me donne accès à un grand nombre de riches demeures. Je pourrai y glaner des informations utiles à la cause. Je suis prêt à y laisser ma vie.

Il avait prononcer ces mots sans l'ombre d'une hésitation, jouant le tout pour le tout. A présent, il croisait les doigts pour que l'Hirune ait été contacté et accepte de l'informer. S'il pouvait intégrer le mouvement, sa vie allait changer. La monotonie qui s'était installée cesserait, l'aventure commencerait. Grash n'attendait que ça.






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MessageSujet: Re: Rien de tel qu'un bon perchoir   Rien de tel qu'un bon perchoir EmptyMer 29 Sep - 22:16

Je suis désolée, désolée pour le retard ><

« Peut-être, répliqua-t-elle d’une voix grave, mais elle est aussi l’apanage des faibles. Et je n’ai jamais pu me permettre de l’être » Naïve…

C’était une vérité. Toute limitée qu’elle était, Limna n’avait pas pour habitude de voir systématiquement le bon chez tout un chacun. Les derniers mois avaient ôté toute trace de naïveté, chez elle. Trop de souffrances, de manipulations, de trahisons… Peut-être pouvait-on lui attribuer ce défaut-là, du temps où elle vivait encore dans la forêt une bonne partie de l’année. Oh bien sur, elle était loin de saisir toutes les subtilités de ce qui l’entourait. Ne serait-ce que politiquement ! Elle avait surtout adhéré à la révolution par reconnaissance pour ses hôtes… Elle qui ne demandait que de la camaraderie…

L’autre finit par se détendre à son tour, ce qui eut au moins l’avantage de la mettre plus à l’aise. Quelque chose lui disait qu’elle n’était pas encore au bout de ses peines, étant donné que jusque là il lui était apparu comme… pour le moins… inconstant. En fait, c’était même plus simple que ça : elle ne comprenait rien à l’enchaînement de réactions et de réponse qu’il lui avait imposé. Il s’était déshabillé, énervé, avait été saisi d’incompréhension… C’était un homme surprenant et quelque peu… déconcertant. Au départ, Limna avait été surprise et amusée, au fond, mais à chaque fois, elle n’en demeurait pas moins interdite devant l’Ilédor.
Présentement, derrière le soulagement qui était le sien, elle redoutait tout de même la prochaine scénette.

Au lieu de cela, il parla, calmement, de sa cicatrice. Instinctivement, elle l’effleura du bout des doigts. Le souvenir d’une chasse ? Si seulement…

« C’est plutôt la preuve que les Olarils ne sont pas les bons sauvages que l’on veut vous faire croire » grinça-t-elle. Elle n’avait pas la moindre envie de s’expliquer davantage, et son visage soudain fermé et blessé en disait assez long pour qu’elle se passe de développement. Son regard s’était fixé sur un point, au-dessus de son épaule. Elle s’en souvenait : sa première sortie après la mort de Cylcaë. Elle était malade, malade comme rarement avant cela. Elle avait passé les dernières nuits à vomir tout ce qu’elle avalait, et ne sortait, de nuit, que pour s’immerger dans une eau réparatrice.
Une sortie dans l’auberge. Quel était son nom, déjà ? C’était si lointain… L’auberge d’Irae, cette garce, qui lui avait servit une véritable pisse de chat. L’un des clients, un Olaril s’était élevé contre sa présence, et il lui avait, d’un coup de sa chope, éclaté l’arcade sourcilière…
Au souvenir de la douleur et du sang qui avait envahit son visage, mais aussi sa vue, elle cilla et revint à elle, pour poser sur l’Ilédor un regard incertain.

Mal à l’aise, ce souvenir l’avait rendue maussade, et à présent qu’il la hantait, elle avait envie de retrouver sa solitude. Un vieux réflexe… Mithridate, peut-être, l’en tirerait… Même avec lui, elle peinait encore à parler de ça.

Mais la discussion ne s’était malgré tout pas arrêtée là, et elle attendait finalement une réponse à la question posée. Il avait mal pris sa remarque quant à la chasse, précédemment, mais il avait néanmoins l’air enclin à répondre à la chasseresse.

Il avait donc bel et bien été marqué. On ne lui avait jamais parlé de ça, jusque là. Ils avaient décidément des coutumes étranges… Il y en avait certes de plutôt biens : l’interdit de l’adultère, par exemple. Mais si quelqu’un avait un jour l’intention de la marquer comme du bétail, il allait avoir sérieusement du fil à retordre. Dans la bouche de l’étranger, c’était une marque de bravoure… bien étrange façon de montrer son courage sa… volonté. N’en avaient-ils pas assez en leur cœur, pour se le faire imprimer dans le dos ? Le seul homme qu’elle avait vu jusque là dans le plus simple appareil en Edor Adeï était Mithridate, aussi n’avait-elle constaté cette marque chez personne d’autre.

Elle verrait bien.

Elle passa cependant ses doutes sous silence lorsqu’il se remit à parler. Il s’en allait.

Elle retint un soupir de soulagement, à ces mots. Non pas que la présence de Grashyan lui soit particulièrement désagréable, mais elle était passé par tout un tas d’émotions qu’elle avait envie de refouler un bon coup en reprenant sa route. Il lui indiqua qu’elle pourrait le retrouver ici, si l’envie lui en disait… Et elle du bien admettre qu’elle était curieuse d’en apprendre davantage sur cet homme qui parlait à la lune. Déglutissant avec une certaine difficulté, elle s’apprêtait à glisser de la statue pour lui fausser compagnie lorsqu’il reprit la parole.

Et là, elle resta abasourdie. La Révolution était un mouvement secret, et avec lequel il fallait se montrer prudent. On lui avait bien dit de n’en parler qu’aux personnes qu’elle devait trouver, et ce pour délivrer des messages précis. Ils ne lui faisaient pas encore suffisamment confiance pour la lâcher dans la nature en quête de personnes à recruter. Plus tard, peut-être ? Limna n’était de toute façon pas pressée de passer par là, et s’ils pouvaient se contenter de lui confier de menues missions, en échange du gîte et du couvert, elle ne s’en porterait que mieux.

Mais elle était confrontée malgré elle aux sympathisants. L’homme lui expliqua son opinion, qui la laissa plutôt froide : en effet, politiquement, elle n’était guère intéressée par la Révolution. Pas plus que par le reste, du moins. Ce qu’elle aimait, c’était les révolutionnaires, leurs chaleur, leur tolérance et leur accueil.

Pour eux, elle devait se montrer prudente, mais devait aussi se montrer alerte, et ne pas cracher sur un soutien potentiel.

Elle opta pour une démarche mitigée… Et pourtant, son visage surpris la trahissait grandement. Elle reprit sa contenance, puis haussa les épaules, avant de descendre pour de bon. Elle contourna la statue et, séparée de lui par le fauve, sourit d’un air énigmatique.

« C’est parce que je suis Olarile, que vous me demandez cela, n’est-ce pas ? » Elle plissa les yeux. « Il se pourrait bien que j’ai quelques… relations qui pourraient vous intéresser. »

Et pourtant, ni nom, ni adresse, elle ne lui donna rien.

« Je reviendrais. »

Ainsi, elle aurait le temps d’en parler à Garin et d’apprendre bien sagement son petit discours.

« Bonne nuit… »

Sa voix comme un chuchotement.

Ni une ni deux, elle se glissa à l’arrière du toit et, après un bref coup d’œil aux prises dont elle disposait, elle se glissa en bas.

Elle avait disparu, et laissé seul cet inconnu.

Sur le chemin qui la conduisit à leur refuge, elle réfléchit beaucoup. A cette étrange rencontre, à cet intriguant qu’elle avait envie de revoir malgré tout… Elle pensa ensuite à Mithridate qui l’attendait, et à ce qu’il lui apportait de stabilité et de réconfort…
Elle pensait à la Révolution, et se demandait si ce soir, elle ne lui apportait pas plus que prévu.
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