Lumière de Lune [Luminara]

Les jours précédant l'enterrement de ceux qui lui étaient chers, Luminara reprit courage petit à petit. Sa lassitude demeurait, mais moins prononcée qu'auparavant. Elle avait décidé de donner un coup de main à la défense du campement. Si les loups venaient à attaquer de nouveau, elle savait qu'elle pourrait se rendre utile. Elle avait soigneusement évité de se mettre dans la même équipe que Jézabel, lorsqu'elle s'était inscrite auprès d'Oril. Elle n'avait nullement envie de se confronter encore à sa cousine.

Et voilà qu'elle était occupée à surveiller les environs. Il ne lui restait plus longtemps à attendre, la position de la lune parviendrait bientôt à l'angle auquel ils avaient convenu de changer les équipes. Resserrant la peau d'ours, son bien le plus précieux, autour de ses épaules, la jeune femme patienta sans flancher. Le froid ne la dérangeait pas : elle gardait son regard fixé sur la Gérax. Hésione... elle y retournerait, et sans doute plus vite que prévu. Perdue dans ses pensées, le regard à l'horizon, Luminara sursauta presque quand une main se posa sur son épaule. Son remplaçant était arrivé. D'un geste, elle le remercia pour sa ponctualité et partit, sans se retourner.

Elle erra au fil de ses pensées, s'éloignant du campement. La danse lui manquait, quoique pas autant que sa tante. Bientôt, il serait temps de reprendre l'entraînement. La seule chose qui était sûre, c'était qu'elle ne danserait plus devant le peuple Olaril avant très longtemps. Et les dieux... elle leur vouait son mépris. Luminara savait qu'elle n'était pas sereine sur ce plan-là. Mais comment accorder sa confiance à ceux qui la faisaient souffrir ?

Elle ne prêtait pas attention au chemin qu'elle empruntait. Elle avait envie de se perdre, de passer seule le restant de sa soirée. Soit, elle ne dormirait pas à la belle étoile pour ne pas offrir de cible exposée aux hypothétiques bêtes sauvages, mais elle voulait profiter de la nuit étoilée. Quand elle se rendit compte qu'elle allait vers quelqu'un, elle faillit suspendre sa marche. Ce fut pourtant sa nature curieuse qui l'emporta. Qui pouvait donc avoir envie de regarder le ciel dans le froid, à part elle ? Elle avança encore et reconnut l'homme et son glaive avec un mouvement de surprise. D'un coup, toute sa curiosité retomba. Ce fut avec lassitude qu'elle laissa tomber :

- Amiguel Garthésia.

Entre tous, il avait fallu qu'elle tombe sur lui. L'homme subversif qui ne mettait personne d'accord. D'un coup, plusieurs souvenirs jaillirent dans l'esprit de Luminara. Les Jeux de Bakarne. La Salle d'Armes. Elle en devenait mélancolique, à force de repenser à ce qui s'était déroulé dans... elle comprit alors ce que regardait Amiguel. Ce n'était certainement pas le ciel, quelle idiote ! En face d'eux, dans leur silence majestueux, s'étendant dans la plaine comme une plaie mal cicatrisée, les Ruines d'Arestim Dominae. Luminara fut incapable d'articuler un son supplémentaire. Elle s'accroupit à côté de lui et contempla un instant son passé.

Après tout, les Feux de la Gérax les avaient tous changés. D'un ton désabusé et ironique, Luminara lança :

- En train de ressasser ce qui n'est pas arrivé dans ce qui n'est plus que ruines ?

Au moment même où elle prononçait ces mots, la Chasseresse s'en voulut d'avoir entamé une discussion. Elle aurait dû repartir. Elle n'ambitionnait pas de savoir ce qu'il pensait réellement et n'avait même pas voulu lui parler, mais après l'agressivité de son arrivée, elle ne voulait pas paraître impolie.

Elle baissa le regard sur la jambe blessée d'Amiguel. Et une fois de plus, sa propre immunité la surprit. Combien étaient-ils à ne pas avoir eu une égratignure ? Luminara leva les yeux au ciel, pensive. Pas un seul instant elle ne prit Amiguel en pitié. Là, dans les étoiles, elle pouvait presque voir les visages de Zéphir, de Gwyddion, de tous ceux qui lui soufflaient qu'il ne fallait pas s'approcher de lui. Au milieu de tout cela, une seule phrase revint. Maudits soient les dieux.

Luminara eut un sourire cynique et resta, sans bouger d'un millimètre. Arestim était morte. Mais elle vivait à travers eux. Même à travers lui. Alors... autant prendre le futur à bras tendus. Et parler avec Amiguel Garthésia. Après tout, qui savait ce qu'il était vraiment ?

Quand elle entendit Amiguel rire, Luminara éprouva, un très bref instant, l'envie de lui faire rentrer son rire dans la gorge. Mais elle savait que s'il ne l'avait pas fait, elle l'aurait certainement fait à sa place, parce qu'en soi, sa réplique ne pouvait qu'amener ce type de réponse.

Et voilà qu'il recommençait. Les gens avaient-ils vraiment changé ? En tout cas, Amiguel Garthésia ne répondait toujours pas aux questions qu'on lui posait. Et pire, il continuait de répondre par des questions. Elle leva une fois de plus les yeux au ciel, pour apercevoir les ailes grandes ouvertes d'un aigle. Celui-là même qui venait de signaler sa présence. Étonnée par la présence de l'animal, refusant de rencontrer le regard de l'homme ne serait-ce qu'une seconde, elle répliqua :

- Et qu'est-ce que je crois qu'il s'est passé et qui ne s'est pas passé ?

On ne pouvait pas enlever ça à Luminara. Elle ne s'inventait pas des événements, elle ne prêtait pas l'oreille aux racontars. De toute façon, la plupart du temps, elle savait ce qu'il était réellement et avait réussi à démêler le vrai du faux. Que diable voulait lui dire Amiguel ? Peut-être la provoquait-il, simplement ? La chasseresse ne se sentait pas d'humeur conciliante, encore moins bon enfant. Certains disaient qu'elle était à cran à cause des morts de sa famille, d'autres parce qu'elle avait vu trop de cadavres. Pauvres fous. Jamais ils ne percevraient la cause exacte de la lassitude de Luminara.

Elle se releva avec la vivacité d'un chat sauvage et fit plusieurs pas en avant. Son regard était fixé sur les Ruines. Elles les avaient parcourues de haut en bas, d'ouest en est, de décombre en décombre. Il n'y avait plus rien là-bas. Un jour, il n'y aurait qu'une terre noire, brûlée, pour unique vestige d'un peuple qui y avait vécu des siècles.

- Des regrets, alors ?

Pathétique. Luminara observa à nouveau l'aigle. Il l'intriguait. Son comportement n'était pas normal. Déjà, l'animal était censé être diurne. Elle regarda le corps gracile planer lentement. Il aurait dû dormir. Protéger ses petits, chercher de la nourriture. Et ne pas se trouver à un endroit si proche de la catastrophe. Elle suivit du regard les boucles de l'oiseau et finit par concéder, franchement admirative :

- Bel animal, mais hors de son rythme. Jusqu'à son cycle a été perturbé par le déferlement de la Gérax.

Peut-être que l'animal n'avait plus de nid. Ou alors... Voilà qu'elle réfléchissait aux possibles raisons poussant un aigle à voler en pleine nuit ! Qu'avaient pensé les Ilumbers de leur disgrâce ? Et les Ilgéraxans que, malgré ses tentatives, elle n'avait jamais rencontrés ? Les Ilrauns, depuis leur immense demeure aquatique, avaient-ils perçu l'horreur terrestre ? Les frontières définies depuis toujours autour d'Arestim Dominae accepteraient-elle de se laisser franchir par un peuple exilé ? Le peuple en question parviendrait-il à abandonner tout repère, toute trace de leur passé ? Et Lysandre, dans tout ça ?

Et elle, combien de temps lui faudrait-il pour se défaire de ses remarques acerbes ? Pardonnerait-elle un jour à ceux qui lui avaient tellement pris ? Déjà qu'elle s'imposait sans remords à quelqu'un qui ne lui avait strictement rien demandé... Un temps pour vivre. Un temps pour souffrir. Un temps pour cicatriser. Un nouveau sourire froid étira les lèvres de la danseuse. Pour un peu, elle se mettrait à hurler aux dieux son sentiment d'injustice. Un besoin qu'elle réfrénerait pour toujours. Elle ne deviendrait pas sa folle de mère et bientôt, les choses rentreraient dans l'ordre. Elle devait simplement être fatiguée, ce soir. Et qu'est-ce qu'elle faisait ? Elle parlait avec Amiguel Garthésia. Cherchez l'erreur...

Luminara se sentit stupide lorsqu'elle réalisa que l'animal était dressé. Elle aurait dû y penser. Elle qui voulait un Vermillon et hésitait depuis longtemps à en faire dresser un pour elle, voilà qu'elle n'était pas attentive au plus criant des signes de domestication. Radoucie, elle murmura :

- C'est une belle bête.

La constatation passée, un nouveau silence tomba. Luminara repensa à ce qui venait d'être dit. Elle avait beau avoir fait comme si elle n'avait pas entendu, le « À vous de me le dire » la taraudait. Elle ne comprenait décidément rien à l'homme qui s'était maintenant couché dans l'herbe folle. Mais quel type étrange... D'accord, son approche n'avait pas été des plus délicates, mais sa réponse ne la menait nulle part. Qu'est-ce qu'il voulait entendre ? N'ayant pas envie de se torturer les méninges sur quelque chose qui visiblement lui échappait, elle se retourna et s'approcha à nouveau d'Amiguel, croisant cette fois-ci son regard. Ses yeux n'étaient pas furieux ; ils n'en étaient cependant pas loin.

- Pourquoi est-ce que je ressasse des faits hypothétiques ? Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

L'espace d'un instant, elle oublia qu'Arestim n'était plus, que Úna et Heh étaient morts, qu'elle en voulait aux dieux et même qu'un aigle dressé planait au-dessus d'elle. Elle voulait seulement savoir si Amiguel la provoquait purement et gratuitement, auquel cas elle s'en irait vexée – et elle l'aurait cherché ! – ou s'il y avait vraiment un épisode qu'elle avait manqué.

Son regard sévère avisa un instant l'homme et sa position détendue. Comment parvenait-il à être aussi serein, aussi calme et aussi... souriant, alors qu'elle-même, surnommée pourtant l'indifférente, était incapable de tenir ses émotions sous contrôle ? Peut-être n'avait-il perdu aucun proche ? D'ailleurs, avait-il une compagne ? Des enfants ? Peut-être n'était-il pas touché par la destruction de... Arrêtons là. Elle était ridicule. Il venait de lui dire qu'il avait des regrets. Rassurée d'avoir ravalé la question avant qu'elle ne franchisse ses lèvres, Luminara tenta de se détendre.
Peine perdue.

- Vous êtes vraiment incompréhensible. Ou alors, je manque de finesse et je ne comprends pas vos sous-entendus. Ce n'est guère étonnant que Zéphir ne vous ait pas porté dans son cœur.

L'assertion de Luminara ne se voulait pas agressive. En se souvenant d'avoir déjà pensé la même chose lors de leur première conversation, elle pensa à une lutte amicale entre deux apprenties. Sauf que cette fois-ci, elle avait vraiment envie d'avoir le fin mot de l'histoire. Le sujet, contrairement à la première fois qu'ils s'étaient entretenus, lui semblait trop obscur pour ne pas être éclairci. Et comme elle était bien trop fière pour envisager réellement manquer de finesse, elle comptait bien recevoir une réponse formulée et concrète, non une réponse courte, entrecoupée de non-dits. Si elle mêlait Zéphir à cette histoire alors qu'il n'avait strictement rien à y faire, c'était parce qu'elle ne pouvait s'empêcher de repenser aux Arènes et à Bakarne. Les souvenirs étaient d'autant plus vivaces qu'elle avait conscience qu'elle ne reverrait jamais ces lieux dans la splendeur qui avait été la leur. Or, à cette première discussion, elle avait été témoin – les deux hommes l'avaient réduite au rang de spectateur, ce qu'elle n'avait d'ailleurs pas apprécié – de leur mésentente.

Enfin... peut-être que la réflexion sur Zéphir était de trop, tout compte fait. Et elle n'était certainement pas complaisante. Elle qui se targuait de se faire son propre jugement, elle venait clairement de faire intervenir celui d'un tiers. Pourtant, quand elle avait parlé de Zéphir, c'était seulement en constatation, pas du tout en signe qu'elle était d'accord avec lui. Enfin, peut-être que ça obligerait Amiguel à lui répondre clairement... Et qu'elle finirait par retrouver un semblant de politesse et de savoir-vivre.

Luminara laissa Amiguel parler jusqu'au bout, tellement elle était surprise. Elle s'attendait à beaucoup de choses, peut-être pas à tout, mais certainement pas à ça. Elle était... quoi ? Hostile ? Méprisante ? Envers lui ? D'un coup, tout son énervement retomba. Son impatience aussi. Se faisant la réflexion que pour une fois, le Garthésia avait parlé clairement, elle répondit avec beaucoup de calme, comprenant enfin où il voulait en venir. En revanche, elle ne fit pas un geste pour changer de place. N'aurait été le sentiment qu'elle se montrerait justement méprisante si elle riait de ce qu'il disait, elle l'aurait fait.

- Vous vous méprenez.

Les mots étaient pesés, cette fois. Petit à petit, la rationalité regagnait Luminara. Elle regrettait de s'être laissée aller à l'agressivité. Peut-être parce que les paroles d'Amiguel lui avaient fait l'effet d'une douche froide.

- Heureusement pour vous, vous n'êtes pas l'objet de mon hostilité. Je peux vous assurer que ça aurait été autre chose.

Luminara passa sous silence le mépris. On lui avait suffisamment fait le reproche pour qu'elle sache parfaitement qu'elle s'en rendait coupable. Là où Amiguel se méprenait, c'était qu'elle ne l'avait guère différencié en cela du reste des Olarils. Et elle n'avait d'ailleurs pas l'impression de l'avoir particulièrement méprisé.

- En revanche, pour reprendre votre propos, je suis certainement très méfiante. Je ne prête pas oreille aux bruits qui courent. Au vu de ma famille et des légendes qui courent sur elle, je suis bien placée pour savoir qu'il ne s'agit souvent que des rumeurs de bonne femme. Non, ma... méfiance, appelez-la comme vous le voudrez, n'est pas basée sur ce type de racontars.

Luminara revit le visage affolé de Gwyddion, les peurs qu'il avait exprimées. N'étant pas de sa famille, Amiguel n'avait aucun moyen de savoir que Gwyddion avait passé plusieurs années sous le toit de Luminara et que leur relation était profonde.

- Je suis parfaitement au courant de cette histoire avec Lysandre et Gwyddion. Je suis d'ailleurs étonnée que l'affaire ait été si facilement étouffée, au vu de sa gravité.

Au moment où elle disait ces mots, elle réalisa qu'Amiguel n'avait pas engagé de poursuites. Ni entamé de quoi décrédibiliser à jamais Gwyddion, dans une société où toute violence physique était bannie. Comme si une concession physique pouvait racheter une concession morale, elle s'approcha encore d'Amiguel, au point d'en revenir à sa position accroupie initiale. Seulement, cette fois-ci, elle regardait l'homme avec grand sérieux, pour le convaincre du bien-fondé de ce qu'elle disait.

- Si la Chasseresse ne se fie pas à son intuition, elle n'est qu'une médiocre parmi les grands. Combien d'entre nous ont été sauvées par cet instinct sans nom qui nous pousse à nous retourner au moment propice ?

Luminara hésita un instant.

- J'aime à penser que notre intuition est souvent correcte. Gwyddion ne fait pas exception. Je n'ai pas pris à mon compte son jugement. Vous avez tout à l'heure parlé de mon jugement. En cela encore, vous n'avez pas compris. Je n'ai pas encore arrêté mon jugement sur vous. Je le réserve justement à cause des avis tellement contradictoires qui fusent sur vous. Et comme vous l'avez dit à juste titre, j'estime ne pas encore avoir suffisamment d'éléments pour décider.

Luminara posa finalement un genoux à terre, et termina en position assise, pieds croisés, buste en avant, pour ne pas perdre son interlocuteur de vue. Ou plutôt, pour l'obliger à la regarder et à la prendre au sérieux.

- En revanche, je reconnais pleinement qu'il y a quelques minutes, je ne voulais voir personne.

Il restait une dernière chose à éclaircir. Les raisons d'une distance, c'étaient les mots de trop, parce que sur ce point-là, elle était certaine qu'Amiguel Garthésia ne donnait pas de grandes claques dans le dos du premier venu.

- Parce que vous, vous donnez pleine confiance à un inconnu ?

La question était plus rhétorique que réelle, elle n'en attendait pas réellement de réponse. En revanche, là où il avait raison, c'était qu'elle ne le connaissait pas. D'un ton plus doux que le reste, ferme, de sa conversation, elle osa :

- Et puis, vous êtes difficile à cerner. Vous n'êtes pas vrai dans vos échanges. Peut-être avez-vous oublié, mais lors des Jeux de Bakarne, vous étiez comme cela. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu'on porte un jugement adéquat sur vous ?

Luminara ne l'insultait pas : pour la première fois depuis très longtemps, elle livrait à quelqu'un le fond de sa pensée. La Chasseresse pouvait être méchante quand elle le souhaitait ; dans le cas présent, ce n'était absolument pas son intention.

Amiguel Garthesia écouta patiemment la danseuse discourir, et ne la lacha pas des yeux, en particulier lorsqu'elle s'approcha de lui pour s'asseoir à ses côtés, manifestant une envie qu'il la prenne au sérieux. Lorsqu'elle eut fini, il entreprit de reprendre point par point chacun de ses propos:

- Dans ce cas, je suis heureux que le sentiment que vous éprouvez à mon égard ne soit pas de l'hostilité. Il est vrai que la haine d'une chasseresse doit être extrêmement âpre à supporter.

Il rit doucement, de sa voix suave. ce n'était pas une moquerie, juste l'euphorie provoquée par sa propre remarque. Se calmant, il reprit:

- Il s'agit donc d'une méfiance... soit. C'est donc normal que vous soyez étonnée. Peut-être vous imaginiez-vous que j'en aurait profité pour faire tomber Gwyddion en disgrâce, ou je ne sais quoi d'autre. et bien non, c'est justement parce que l'acte en soi était trop énore que j'ai préféré le taire. Je n'ai jamais voulu de mal à Gwyddion. Contrairement à lui, qui avait clairement l'intention de mettre fin à mes jours.

Il soupira légèrement, et détacha un bref instant son regard de la chasseresse. Il fouilla dans la poche de sa tuique, entira quelque chose et contracta son bras, et levant l'avant-bras. Quelques secondes s'écoulèrent, puis on entendit le cri strident de l'aigle. Machian fondit sur lui, et, à à peine une demi-douzaine de mètres de lui, il battit des ailes pour freiner se chutte, et tendit es serres en avant. Il atterit en douceur sur le bras du commerçant, et lui arracha promptement le morceau de viande, qu'il dégusta avec appétit. Lorsqu'il eut fini, il fixa la chasseresse d'un oeil interrogateur. Amiguel sourit et esquissa un léger mouvement du bras, approchant l'animal de la femme.
Machian bondit, se posa sur la tête de la danseuse et s'y posta, surveillant les alentours. Amiguel constata:

- Un bon contact. C'est rare. Il a la fâcheuse habitude d'envoyer ses ailes dans le visage des inconnus.

Il rit à nouveau, puis indiqua:

- Repliez votre bras sur vous-même, il comprendra que c'est là qu'il doit être, et non pas sur votre tête.

Laissant un instant un peu de silence, il reprit ses explications.

- L'intuition des filles et des fils d'Hésione est une bonne chose, mais elle n'a de valeur suprême que dans le cadre de vos chasses et de vos voyages. En ce qui concerne les relations humaines, je suis à peu près convaincu que vous serez d'accord avec moi pour laisser davantage de place à la conscience et à la raison.

Il lacha la touffe d'herbe à laquelle il s'était cramponné depuis déjà plusieurs minutes, puis sembla se détendre encore un peu.

- Et j'apprécie vos précisions, de fait. C'est juste de votre part de vous réserver avant de porter un jugement, veuillez pardonner mes accusations précipitées.

Il se racla la gorge, la fixant dans les yeux.

- Vous ne vouliez voir personne, mais la situation a changé, maintenant, je suppose. C'est une chance pour moi d'avoir su capter votre intérêt.

Il lui sourit. Une étrange lueur anima une nouvelle fois son regard.

- Je reconnais en effet que je n'accorde pas ma confiance facilement, et c'est aussi pour cette raison que je ne parle qu'à demi-mots, si l'on peut dire. Je ne me livre pas aisément. En cela, je suis fautif, mais vous l'êtes tout autant que moi. Nous faisons partie de ces Olarils méfiants qui ne sont pas très accessibles.

Il plissa les yeux.

- Pour ma part, je ne parviens pas non plus à vous discerner correctement. L'image que vous donnez de vous même ne s'y prête pas. Et je suis à peu près certain que c'est la même chose pour vous, à mon sujet !

Silence. Puis le commerçant soupira et concéda:

- Puisque vous m'avez percé à jour, il vous reste à me convancre de vous faire confiance. Et je tenterai de faire de même de mon côté.

Lorsque l’aigle se posa sur sa tête, Luminara eut envie de se dégager d’un geste brusque. Les serres ne lui firent pas spécialement mal mais il fallait reconnaître qu’elle se sentait vraiment, mais alors vraiment ridicule d’avoir été choisie comme perchoir par l’animal. Sur sa tête ! Non mais vraiment !

Elle fit rapidement écho à ce que lui conseillait Amiguel et proposa son bras à l’aigle qui, après avoir hésité un bref instant, changea d’endroit. Comme rassurée par l’endroit où l’animal s’était posé, la Chasseresse regarda avec admiration son plumage et la force de ses serres. Toutefois, en dépit de sa fascination pour l’oiseau, elle ne perdit pas le fil de la conversation et écouta attentivement Amiguel. Ce qu’elle venait de lui dire était trop important pour qu’elle néglige sa réponse en contemplant – aussi beau soit-il – un oiseau.

Le fait qu’effectivement, Amiguel n’ait rien dit sur Gwyddion l’étonnait. Si Amiguel était l’être froid et calculateur que tous hormis Lysandre s’évertuaient à lui décrire, pourquoi n’avait-il pas roulé son frère dans la boue ? Elle avait beau chercher l’intérêt de garder l’incident caché, elle ne le voyait pas. C’était donc bien que, quelque part, quelqu’un se trompait au moins sur un point… Un léger sourire effleura les lèvres de la jeune femme. Soit elle était en train de se faire avoir en beauté, soit elle commençait à changer d’avis…

Avisant un instant l’aigle perché sur avant-bras, elle écouta la suite des paroles d’Amiguel. Ainsi, elle était une Olarile méfiante et inaccessible ? Contrariée de constater qu’il y avait bien plus de vrai qu’elle ne voulait le reconnaître dans sa phrase, elle se tut. Elle n’allait pas contester tout ce qu’il disait non plus ! Il avait très certainement raison, pour l’ensemble de son analyse, en plus.

En revanche, sa dernière phrase la dérangeait un peu. Ce n’était pas comme s’ils partageaient un secret, ou quelque chose dans ce goût-là. Elle ne l’avait très certainement pas percé à jour, quoi qu’il en dise. Et elle se rendit compte que, justement, elle avait peut-être bien envie d’en savoir plus sur lui. Et pourquoi pas un secret ? Presque aussitôt, elle réfréna son envie : c’était le genre d’idées à la Lis Diantha qu’elle n’allait pas commencer à expérimenter. En plus, c’était typiquement ce qui finissait toujours par dégénérer. La joyeuse compagnie des fils de Filhakan eut le bon goût de se rappeler à son souvenir à cet instant. Soit, ils étaient presque tous morts et Luminara en ressentait une véritable amertume, mais leurs distractions, le plus souvent verbales, n’étaient pas à conserver dans leur cercle. Elle répondit :

- Me convaincre de vous faire confiance ? Vous convaincre de me faire confiance ?

Pendant un bref instant, Luminara réalisa qu’elle était en train de parler de confiance avec Amiguel Garthésia. Voire même, que les gages mis en jeu l’intéressaient.

- Il faudrait que j’en sache plus sur vous, dans ce cas. Mais je n’ai pas non plus envie de vous poser mille questions sur l’endroit où vous êtes né, l’enfance que vous avez connue, votre première dent ou ce genre de choses.

Elle eut un grand sourire.

- Ça, je m’en fiche totalement.

Elle contempla un instant Machian, sans se lasser – il avait vraiment de la chance de s’entendre aussi bien avec son aigle – puis proposa :

- Vous dites trois mots. J’en choisis un parmi ceux que vous avez prononcé et vous me racontez ce que vous voulez dessus. L’histoire ne doit pas spécialement être véridique, elle ne doit pas spécialement vous concerner non plus. C’est une sorte de carte blanche, vous pouvez me raconter les pires obscénités si vous voulez.

Peut-être était-ce à cause de l’habitude acquise à force, mais Luminara savait qu’elle parviendrait à retirer assez de choses intéressantes de ce qu’il dirait. Le nombre de choses qu’elle avait déduites en jouant avec d’autres était terrible. Et puis, cela égayait la soirée. L’unique problème était que c'était un peu à double tranchant. Soit !
Autre chose la faisait rire sous cape. Elle était pratiquement persuadée qu’Amiguel détestait particulièrement ce genre de jeux. Cette fois-ci parfaitement réveillée, elle guetta sa réaction.

Amiguel Garthesia fronça imperceptiblement les sourcils.

* En voilà une idée étrange. *

Il n'était pas inquiété par le principe du jeu, parce qu'il avait non seulement le contrôle des mots qu'il fournirait, mais qu'en plus il pourrait développer n'importe quel sujet avec brio et sans fourcher. Il savait parler, envoûter, charmer par le verbe. Il pourrait s'en sortir facilement si jamais la danseuse cherchait à l'acculer d'une manière ou d'une autre.
Mais cette tentative le destabilisait quelques peu. Il ne s'y était pas attendu et n'appréciait pas particulièremet le système. Il avait pensé arriver à se dévoiler comme il le souhaitait, dans une certaine mesure et d'une certaine manière.

Mais il en était ainsi, il devrait faire avec.

Sa lèvre inférieur frémit, il contracta le coin de sa joue et afficha une moue ennuyée. Il observait d'un oeil neutre la fascination qu'éprouvait la chasseresse envers le rapace.

- Trois mots...

Il sembla réfléchir quelques instants, puis se redressa et revint à sa position initial. Son buste se trouvait à une trentaine de centimètres à peine de celui de Luminara. Il tourna le visage vers elle et l'observa intensément. Puis il déclara:

- Négoce. Mélancolie.

Il chercha encore un peu pour le dernier mot. Un sourire éclata sur son visage lorsqu'il dit:

- Dieux.

Il laissa quelques secondes s'écouler. Puis il tira de sa poche un nouveau morceau de viande. Voyant le mouvement que commençait à esquisser Machian, il l'arrêta d'un geste spécifique de l'index et du majeur. L'aigle ne broncha pas. Il lança le morceau de viande à Luminara:

- Donnez-le lui, ça lui fournira une bonne raison de vous apprécier un peu plus.

Il esquissa un petit rire, avant d'achever.

- Lorsque j'en aurai fini, j'exige que vous prêtiez au même petit jeu. Le contraire serait injuste.

Ce n'était pas un ordre, juste une remarque qui manifestait son intérêt. Son regard acier sonda les yeux sombres ( j'ai pas trouvé de couleur dans ta description, signale-le moi si je me trompe ) de Luminara. Il était à peu près sûr du choix qu'elle ferait.

Luminara faillit protester. Elle n'avait jamais envisagé d'écouter Amiguel puis de se dérober ou de louvoyer comme une voleuse. C'était lui qui commençait, certes, mais cela ne signifiait pas qu'elle ne parlerait pas. Elle avait décidé de ne demander qu'un seul des trois mots, de parler pour le sien, puis de se retirer et d'aller se coucher. Dans le pire des cas, elle aurait matière à réflexion.
Elle commença donc par rétablir :

- Je vous donne déjà les trois miens, si cela peut vous rassurer. Froid, Gérax et Pouvoir.

Au moment de se décider sur le mot qu'elle allait demander à Amiguel, la danseuse se rendit compte du paradoxe de sa démarche. Elle venait de reprocher au Garthésia son manque de sincérité et lui proposait dans la minute qui suivait une joute basée justement sur la rhétorique et la manipulation. L'espace d'un instant, elle se dit que la contradiction était trop forte. Et puis quoi ? Si Amiguel ne lui avait pas parlé de confiance, elle n'aurait jamais eu l'idée de lui proposer quoi que ce soit.

Elle réfléchit donc aux trois mots, les traits concentrés. Elle n'avait pas forcément envie qu'il lui parle de négoce, c'était un thème trop facile pour un Garthésia. Il pourrait broder des heures sur le sujet – quoiqu'à la réflexion, elle ne doutât pas qu'il puisse baratiner des heures – et elle n'avait pas spécialement envie de parler commerce. Ou plutôt, dans le cas présent, d'écouter. Son hésitation se jouait entre les deux derniers, mélancolie et dieux. A la simple évocation du dernier mot, elle sentait une sourde fureur poindre en elle. S'employant à ne laisser filtrer aucun signe d'énervement – après tout, elle ne voulait pas se faire taxer de lunatique, encore moins de caractérielle – elle pensa aux thèmes susceptibles d'être abordés par les deux sujets. Il était en fait hors de question de le laisser parler des dieux. Elle allait s'emporter, cracher la haine qui lui pourrissait le cœur. Et elle sortirait des cadres de ce qu'elle avait elle-même imposé. Assez calmement, maudissant Bakarne, Luminara finit par répondre :

- Mélancolie.

Il allait de soi qu'il n'y avait pas de réponse possible. Toute question, aussi rhétorique fût-elle, ne trouverait pas d'écho. C'était implicite : le choix des mots ne concernait que celui qui avait la parole. Après, ce serait au suivant. Mais on ne revenait pas sur ce qui avait été dit. Pas plus qu'on ne pouvait contester, aussi brûlante qu'en soit l'envie.

Et tout compte fait, elle voulait se coucher le cœur apaisé. Une sorte de pressentiment lui disait qu'Amiguel Garthésia n'avait pas la même conception que le commun des mortels, à propos des dieux. Peut-être même qu'il ne leur vouait aucun respect... Ses yeux prirent une teinte désabusée. Peut-être Amiguel avait-il raison, quand il parlait de laisser l'instinct de côté dans les relations humaines. Luminara croyait à la puissance des dieux. Elle ne leur pardonnait pas leur cruauté, ni la destruction de son monde natal. Mais au fond d'elle-même, sa propre fureur lui faisait peur.

Oui... elle était plus curieuse de savoir ce qu'il pouvait lui dire sur la mélancolie. Elle ne pouvait que supposer, mais elle avait l'impression que cela faisait directement référence à son sentiment du moment. Or, comment être mélancolique à propos d'un événement aussi proche ? Avait-il déjà terminé le deuil de son lieu de naissance ?

La chasseresse se rappela qu'elle tenait dans sa main de la viande fraîche. Son regard se baissa vers l'oiseau, qu'elle nourrit patiemment avant, d'un grand geste vers le haut, de le renvoyer dans son élément. Elle ne put s'empêcher de regarder le rapide déploiement des grandes plumes. Puis, avec un certain intérêt, elle se tourna vers Amiguel.

Amiguel nota dans un recoin de son esprit les trois mots de la danseuse, puis il s'humecta les lèvres en réfléchissant à ce qu'il allait dire à propos de son choix.

Lorsqu'il prit la parole, il avait l'air sûr de lui:

- Arestim, je vous l'ai dit, n'aurait pas du finir de... cette façon. Arestim n'aurait même pas du finir du tout.

Il esquissa une moue contrariée.

- Les champs Astar, le Mausolée, l'Arène de Bakarne, les allées, l'animation de la place des Irès... Tout cela n'est plus, et ne sera plus. C'est un grand vide dans mon coeur.

Il se racla la gorge.

- Mais il y a plus important encore.

Silence. Que pouvait-il y avoir de plus important que la vie en Arestim ?

- Nous ne savons pas comment tout cela va se finir. Où irons-nous, à présent ? Que ferons-nous ? La logique voudrait que nous entamions une reconstruction de ce qui nous constituait, de ce qui fait les Olarils, de ce qu'était Arestim. Mais n'est-ce pas vain ? Cette pensée me trouble profondément. Vous avez très probablement entendu parler ud discours d'Arngrim Edorta.

Il secoua la tête.

- J'en ai parlé avec votre cousine, notre Chef.

C'était dit. Il avouait à Luminara Hirune qu'il avait un contact particulier avec Lysandre Hirune. Que les rumeurs n'étaient pas complètement fausses.

- Elle ne m'a pas semblé en accord avec cette voie. Et pour tout vous dire, je suis moi-même extrêmement dérangé par cette éventuallité. Rompre avec notre passé, oublier nos traditions, notre vie en Arestim, tourner le dos à tout ce que nous avons chéri ici...

Il étit parfaitement conscient qu'une grande partie de son discours était celui qu'il opposait toujours à ses interlocuteurs. celui de l'Olaril proche de son histoire, de ses coutumes et de ses habitudes. L'un de ceux qu'il jugeait lui-même en pleine décadence. Mais il ne pouvait pas encore parler tout à fait franchement à Luminara.

- Mais peut-être est-ce la bonne solution. Comprenez, alors... " Mélancolie ". La rupture serait terrible si nous venions à quitter ce côté-ci de la Gerax.

Il laissa quelques secondes de silence.

- A votre tour. Pouvoir.

Luminara écouta Amiguel sans bouger ni esquisser un geste. Bien sûr qu'elle avait entendu parler d'Arngrim Edorta. Elle avait même décidé d'aller lui parler, et le plus vite serait le mieux. Toutefois, elle n'envisageait pas la reconstruction d'Arestim. Elle avait cru que ce serait possible, mais c'était avant de parcourir la ville morte en long et en large. Partir était plus qu'une possibilité. En outre, les signes qui appelaient au départ ne faisaient qu'augmenter. Et, du peu qu'elle avait parlé avec les personnes de sa famille, Luminara retirait la certitude que les Hirune étaient sur la même longueur d'onde. Malgré tout, l'espace d'un instant, elle eut l'impression qu'elle saisissait parfaitement ce qu'il voulait dire. Elle aussi, elle abandonnerait avec tristesse le lieu où elle vivait depuis toujours.

Que Lysandre discutait avec Amiguel, tous le savaient chez les Hirune. D'ailleurs, Luminara savait parfaitement que si Gwyddion n'était pas intervenu, Amiguel serait plus que probablement devenu l'amant de sa cousine. Néanmoins, elle se rendit compte qu'elle ne savait pas exactement où ils en étaient. Elle poserait la question à Lysandre, plus tard.

Luminara ne tenta même pas de répondre à tout ce qu'il avait dit. De toute façon, son tour allait arriver. A titre personnel, elle n'avait pas l'impression qu'elle tournait le dos à tout ce qu'elle avait vécu. Au contraire... ils allaient de l'avant. Mais soit !
Lorsque ce fut à son tour, elle ne réfléchit qu'un instant avant de commencer. Elle ne savait pas encore si elle allait être totalement honnête ou non.

- Cela fait plusieurs mois que les Olarils se divisent et se déchirent. Peut-être est-ce parce que le rôle du Chef a perdu son prestige et ne force plus le respect, mais de nombreuses personnes se sont dressées face au Chef, se proposant comme alternative alors qu'il n'y a pas lieu d'en proposer une.

C'était décidé. Une fois n'est pas coutume, elle pouvait bien lui livrer le fond de sa pensée. Après tout, elle lui avait bien forcé la main en lui demandant trois mots. Elle cessa de le regarder. Il est de ces choses qu'on préfère dire à son aise.

- Ces alternatives sont tout autant de visions différentes du pouvoir. Cette course au sommet me déconcerte. Considérez que toutes les personnes qui m'entourent recherchent le pouvoir. Lysandre, Jézabel, Sorastrata, les Hirune... Jusqu'au soir où je fais une rencontre innocente, je tombe sur quelqu'un qui le recherche également.

Luminara n'accusait pas Amiguel de vouloir la place de Lysandre. Elle pointait juste du doigt que ses discussions avec le Chef n'avaient certainement pas comme sujet la pluie ou le beau temps. Si Amiguel parlait avec Lysandre, c'était bien qu'il comptait influencer son jugement ou ses décisions. Et ce n'était certainement pas désintéressé.

- À partir de là, je ne peux que m'interroger sur ce qui peut bien faire que moi, je ne le recherche pas. J'ai pourtant les mêmes origines et la même éducation, Hirune.

Elle avait été trop loin. Beaucoup trop loin. Comme pour balayer ce qu'elle venait de dire, Luminara fit un geste du bras et ajouta :

- Je me demande aussi ce qui fait que cette même instabilité du pouvoir a si bien réussi à diviser Arestim et à la rendre difficile...

Les yeux de Luminara rencontrèrent un bref instant ceux d'Amiguel. Elle se releva en un mouvement lent et termina :

- Quel dommage que nos derniers souvenirs d'Arestim soient si intimement liés à toutes ces difficultés...

Elle leva le regard au ciel, trouva l'ombre de l'aigle et se retourna vers l'homme étendu :

- Nous avons tous les deux au moins appris une chose ce soir. Je considère ma soirée comme gagnée mais au risque de paraître discourtoise, je vais aller me coucher.

Elle inclina un bref instant la tête.

- Bonne soirée, Amiguel.