Les Feux de la Gérax (Mallanthiriel Alagareth)

Le jour fatidique où tout devait s'arrêter, Mallanthiriel Alagareth travaillait simplement à sa forge. C'était une façon comme une autre de se distraire du chagrin immense que lui causait un énième dispute avec son mari. Le sujet était le même que celui qu'il lui reprochait depuis toujours : les enfants. Ce qui la blessait chaque fois un peu plus. Quelques semaines plus tôt, Mallanthiriel avait entendu les gens s'étonner du geste suicidaire de la jeune Lionora Astar. Elle ne connaissait certes pas la jeune fille mais elle savait parfaitement que si sa propre situation n'évoluait pas vers quelque chose de plus positif d'ici peu de temps, ce serait elle qu'on retrouverait sans vie, un beau matin. Et pourquoi aurait-elle continuer à porter son masque de honte chaque jour ?

Son métier de maréchal-ferrant ne lui apportait plus la compensation nécessaire. Frappant plus durement encore le métal ramolli, Mallanthiriel jura, retenant ses larmes. Ces dernières avaient bien trop coulé. Comme si elle percevait la détresse de sa maîtresse, Durance vint se frotter contre ses jambes. Mallanthiriel lâcha son ouvrage, décidant de reprendre son travail plus tard, et caressa les poils soyeux de son chien.

- Je n'y peux rien, si Hegoa ne m'a pas donné d'enfants. Les nuits que j'ai passées sur son autel n'ont servi à rien.

Le chien jappa tristement, puis frotta sa truffe humide contre la joue de l'humaine désespérée. Poussant un soupir à fendre l'âme, Mallanthiriel se releva en disant :

- Allez viens, il est temps d'aller te promener.

La femme se glissa hors de son atelier, suivie par Durance. Elle parcoururent longuement Arestim, courant par moment, jouant par d'autres, et une fois de plus, Mallanthiriel regretta de n'avoir jamais pu le faire avec ses propres enfants. Alors qu'elle reprenait son souffle après la longue course, Mallanthiriel perdit l'équilibre. Surprise, elle tenta de se redresser avant de réaliser que la terre entière tremblait. Ébahie, elle resta à quatre pattes, voyant la terre se fissurer par endroit, inconsciente du danger qu'elle courait. Puis, comme si le volume avait soudainement été poussé à son maximum, elle entendit les cris inhumains poussés par les autres Olarils. Elle ne put s'empêcher d'associer ces hurlements aux cris poussés si longtemps par son cœur. Un jappement étranglé lui fit tourner la tête vers Durance. La chienne tournait autour d'elle, inquiète. Enfin, elle agrippa fermement sa manche et la tira de toutes ses forces pour qu'elle bouge. Mallanthiriel comprit le message et entreprit de se relever. Seulement, au moment où elle se redressait, une immense fente s'ouvrit à quelques centimètres d'elle, sous l'impulsion circulaire de la terre en mouvement, la jetant à nouveau au sol. Mallanthiriel entendait le fracas assourdissant provoqué par les bâtiments qui s'écroulaient, et par la terre qui s'ouvrait, telle une gueule béante. Ce n'était pas possible... ainsi, la jeune Astar avait eu raison ? Les deux Hirune n'avaient pas menti ? Le vieux Edorta non plus ? Qu'avaient-ils fait aux dieux pour mériter pareil châtiment ? À ses côtés, Durance hurlait à la mort. Mallanthiriel ne tenta plus de s'échapper. Pour aller où ? Une nouvelle faille s'ouvrit, précipitant la jeune femme vers la mort. Pourtant, les dernières pensées de Mallanthiriel n'étaient pas dirigées vers la peur ou l'horreur. Non, c'était même très simple.
Merci...