La cendre et le sang

L'air était chaud ce matin là, annonçant la venue de la pluie. Les nuages gris dans le ciel couvraient les rayon du soleil, donnant à ce jour une lumière sombre, pâle. Quelques vestige du gel matinal subsistait dans certains coins, mais fondraient vite si le vent chaud du sud persistait. Cependant, la température, bien que plus élevée que les jours de la semaine précédente, restait froide. Loin semblait le printemps. Loin semblaient les bons jours.
Resserrant les pans de son manteau laineux, Jezabel, qui venait d'arriver, fixa la statue de Diron. Le chef parmi les chefs d'Arestim, le plus aimé, le plus respecté. Lysandre pourrait-elle prétendre à la même chose ? Certes non.
Un bourrasque de vent alla se frotter contre elle, la poussant vers l'avant. Ses cheveux s'éparpillaient autour d'elle, lui obstruait la vue. Il était rare qu'elle laisse libre sa chevelure, mais ce jour était nouveau.
Quelques Olarils vinrent faire des offrandes à la statue. A la fois pour Diron, mais aussi pour Zephir. Ce meurtre avait profondément affecté la population, d'une façon irréversible même.

« Tout ça c'est à cause de la Cendre-Sang ! » tonna un homme dans le petit groupe

Le personnage appartenait à la guilde des Khelan, à en juger par la forte odeur de poisson qu'il dégageait. Massif, bedonnant et costaud, il venait tout juste de déposer un coquillage nacré au pieds de la statue. Dans son regard bleu se lisait de la peine, de la colère. Sa femme lui tenait le bras, le visage fermé. De l'autre main, elle tenait un petit garçon emmitouflé dans des couches de fourrure.
Jezabel s'approcha prudemment d'eux. Peut-être avait-elle là une aubaine ?

« Qui surnommez-vous ainsi ? » demanda t-elle avec courtoisie.

L'homme la regarda, la toisant de la tête au pied. Nul doute qu'il savait qu'elle était une Hirune. Quiconque aurait ou le deviner. Son regard cyan se fit plus dur.

« La traîtresse à son sang, votre chère Lysandre ! » cracha t-il.

Elle masqua son sourire dans son écharpe, et rentra les mains dans ses poches.

« Grands dieux, voilà bien des paroles contrariantes...il faut avoir du cran pour les prononcer en public, surtout devant la statue de Diron. Puissent les Dieux ne pas vous avoir entendu » fit-Jezabel.

Le pécheur se rembrunit. Il était vrai que l'idée de blasphémer devant la statue du plus éminent des chef d'Arestim semblait l'avoir heurté. Mais il ne semblait pas se repentir du surnom de Lysandre, et encore moins de son accusation. Il échangea un regarda avec sa femme qui elle, baissa la tête, faisant mine de se soucier de son enfant.

« D'autres pensent comme nous... » déclara t-il d'un ton assuré, comme pour se conforter dans son idée.

Elle arqua un sourcil, intéressée. En fait, il était facile de dénicher des Opposants à Lysandre, bien plus qu'elle ne l'aurait cru. Restait à savoir quelle figure parmi eux pourrait se révéler une aide. Elle doutait que ce pécheur ne voit plus loin que le bout de son nez.

« D'autres ? » répéta t-elle sur un ton équivoque.

« Croyez-vous que je suis dupe, Hirune ? Je sais de quel côté vous êtes...je sais que vous autres, chasseresses, vous soutenez cette incapable...mais les choses changent, les erreurs de la Cendre-Sang ne peuvent être ignorées »

« N'accordez-vous donc pas le droit à l'erreur ? Il y eut d'autres chef bien pire que ma soeur et pourtant, on ne les a pas...renversé »

Le pécheur tilta à l'évocation d'un coup d'état. Il n'y avait visiblement jamais songé.
« Vos pensées sont impies, jeune chasseresse...nous ne voulons pas de violence, nous voulons le châtiment qui s'impose...Lysandre ne doit pas être graciée parce qu'elle est la chef de notre village...elle ne doit pas oublier d'où elle vient, et c'est ce qui semble se produire. Elle mérite une punition. »

« Exact » soupira Jezabel, comme si elle venait de reprendre son souffle.

Elle leva son regard sur le petit groupe.

« Quelqu'un saurait-il préconiser quelque chose ? » demanda t-elle à tout hasard.

Découvrez Douce Mélodie!

Une douce mélodie, à peine audible, planait au-dessus de la place des Ires depuis quelques heures déjà. Les Olarils avaient l'habitude d'entendre Hemric Hirune, le bellâtre libertin, en public, et durant des temps inconsidérés. Critiqué pour son oisiveté, mais envié pour son talent et son incroyable don musical, le cousin de Lysandre avait cure de ce qu'on pouvait lui dire, et laissait ses seuls doigts rendre hommage, cette fois, au Guérisseur du village.

Car ce n'était pas un hasard si la musique qu'il jouait était si douce et si calme. C'était une journée qui débutait, et il avait souhaité se rendre non loin du lieu de mort du Garthésia afin de jouer en son honneur.

Il se situait en haut d'une corniche, non loin de la statue, adossé contre un mur de bois, les genoux repliés sur lui-même. Il avait une vue plongeante sur la place. Il était vêtu d'une tunique blanche, et d'un large pantalon assorti, le tout agrémenté d'une paire de bottes bouffantes. L'épée au côté, la Cithare à la main, il n'avait pas chanté. Il se contentait de jouer.

Jusqu'à ce qu'elle arrive. Jezabel.

En l'entendant discuter avec l'homme, il avait involontairement fait diminuer le volume de sa musique, pour finalement l'arrêter lorsqu'elle posa sa question. Bien étrange était l'attitude de sa cousine, de demander ainsi ce qu'il était proposer pour infliger un châtiment à sa propre soeur. Lui avait cru qu'elle était indéniablement de son côté, et ce sentiment avait été confirmé par son absence à la réunion organisée par Vesper Astar. Mais, il pouvait se tromper.

Dans un geste leste, il rattacha la Cithare à sa tunique, et bondit au bas de la corniche. Se redressant, il afficha un sourire, et avisa l'assemblée. Il ricana.

- " Cendre-sang " ? " Traîtresse à son sang" ? Ma tendre cousine a dû tomber bien bas dans l'estime de ses opposants, vraisemblablement, lança-t-il assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre.

Il afficha un sourire. Il fit quelques pas en direction de Jezabel et s'inclina exagérément, comme il en avait l'habitude. Il avait toujours apprécié pouvoir la railler, et ce depuis leur adolescence.

- Ma chère cousine, c'est joie de vous trouver ici.

Puis, très vite, il enchaîna dans le vif du sujet.

- Une préconisation dites-vous ? s'enquit-il de manière rhétorique. Et bien, essayons de visualiser la chose sous un angle de vue différent de celui de ce cher monsieur, ajouta-t-il en désignant l'homme à qui elle s'était adressée.

L'individu sembla vouloir répliquer, mais Hemric le stoppa d'un geste du bras avant de poursuivre.

- Il s'agit de définir la cause du problème, voyez-vous ? Est-ce réellement à cause de Lysandre elle-même qu'Arestim se trouve dans un tel chaos, ou plutôt à ses agissements ? Condamnez-vous ma cousine pour ce qu'elle a fait ou pour ce qu'elle est ?

Subversif, comme il l'avait été lors de la réunion du chef Astar.

- Il me semble que la plupart d'entre vous s'égarent en portant leur hargne et leur désir de vengence sur la personne de Lysandre. En la condamnant, vous condamnez aussi le choix de Laclaos, et par logique, celui des dieux. A mon sens, c'est là plus un mal qu'un bien . A moins que vous ne puissiez me prouver le contraire.

Il fit un arrêt, porta la main à son menton en semblant réfléchir un instant.

- Ce qu'il faut condamner est bien sur son agissement. Pas elle. Elle a commis des erreurs, mais les erreurs sont dans la nature Olarile. Et puis, ma foi, elle n'est aucunement responsable de la mort de Zéphir Garthesia.

Il ne parla pas de la mort de Cyclaë Edorta. Il savait qu'elle faisait polémique et que tenter de la mettre sur la tapis risquerait de provoquer de fortes tensions.

- En conséquence, nous devons punir ses actes. Et ne pensez pas que parce que je suis un Hirune, ma voix va au soutien de ma cousine. Vous vous trompez fortement, car il s'agit là d'une affaire qui dépasse la famille et les bons sentiments. J'ai des convictions, mon cher, et il se trouve que si je n'ai rien contre Lysandre, j'ai quelque chose contre le système appliqué en Arestim. Car s'il n'y avait pas eu de chef, ces problèmes n'auraient pas eu lieu.

Il se tourna ensuite vers Jezabel.

- Et vous ma chère, il se trouve que votre question m'étonne fortement: ne serais-je point le seul à réprimer la " tête " d'Arestim Dominae ? Jugez-vous également l'existence d'un chef comme étant illégitime ?

Il haussa un sourcil. Il avait toujours pensé que les Olarils étaient suffisamment sages pour se gouverner eux-mêmes, et qu'il n'y avait aucune raison pour qu'un chef leur dicte leurs actions. Doué de raison, chaque individu pouvait régler ses affaires dans la paix et l'intelligence. Une Anarchie au sens premier du terme. Pas de chef, hormis soi-même. La supppression de la norme pour la réalisation de chacun.

Mais, sachant que ses propos étaient outranciers, il se reprit:

- Je ne remet pas en cause le système imposé par les dieux, même si j'en donne l'air, mais je trouve au contraire que nous pouvons l'améliorer en ce sens. Un peuple Olaril uni n'aurait pas forcément besoin d'être gouverné.

Il acheva son idée.

- Qu'en dites-vous ? Ma préconisation était-elle convaincante ?

Sourire en coin.

La nuit avait été courte... Ou longue, tout devait dépendre, assurément, du point de vue choisi. Pour Lis, les heures de sommeil étaient effectivement très peu nombreuses. Cependant, la lune avait plané au dessus de sa tête durant de longs, longs instants. Sitôt sortie du Mausolée, et après un bref passage chez Irae pour remplir son estomac de quelques mets délicieux dont elle avait le secret, son attention avait été attirée par une grande femme aux allures négligées. Elle découvrit, par la suite, qu'il n'en était rien, et que ce genre de femme cachait beaucoup plus que la prétendue sauvagerie dont elle attestait au dehors. Lorsque la grande Olarile s'était endormie, décevant sans doute trop rapidement la Prêtresse, Lis avait quitté sa couche pour sortir prendre l'air, emmitouflée dans un manteau à la fourrure épaisse, avant de heurter la course d'un jeune homme.

Elle le connaissait déjà, ce jeune Pélégon aux mains calleuses et à la mine renfrognée. Il avait été chassé de la couche maritale pour une quelconque dispute, et la jeune femme comprit vite que sa charmante épouse n'était, ce soir, pas d'humeur, au vue de l'ardeur dont il avait fait preuve... Le Pélégon avait été infatigable jusqu'au petit matin, où Lis avait enfin pu fermer les yeux.

L'Auberge de Filhakan les avait accueilli pour la nuit, et ce fut après deux ou trois heures de sommeil que la Prêtresse quitta les lieux, remerciant bien sûr son amant avant de filer s'oxygéner d'un air glacial. Aussi, au sortir de l'Auberge, entourée de la salvatrice peau d'un ours (un présent d'une conquête, sans doute), Lis allait traverser la Place des Ires avec vélocité, pour rejoindre le Mausolée, lorsque son regard fut attiré par une silhouette qu'elle ne pouvait ignorer. Hemric. Avec un sourire qui en disait long sur les souvenirs qui lui revenaient en tête.

Oh, elle n'avait pas besoin de remonter trop longtemps dans le temps... Hemric et elle se croisaient souvent, à vrai dire...

D'un pas décidé désormais, la jeune femme se hâta de rejoindre l'Hirune, et constata sur la route qu'il se donnait -encore- en spectacle, comprenant au fur et à mesure qu'elle s'approchait, les mots qu'il prononçait. Il était question de Lysandre, assurément, du moins, de la Gouvernance d'Arestim. Le Musicien était accompagné d'une femme qu'elle reconnut immédiatement : la soeur du Chef, Jezabel... Un rassemblement d'Hirune qui, pourtant, à l'entente des réactions et des discours, semblaient ne pas être très attaché à la Chasseresse dirigeante...

Cette situation faisait naître, à mesure qu'elle s'avançait vers Hemric, un sentiment plaisant, presque enivrant... Celui des tensions et des hauts mots hurlés en place publique, celui des revendications, des menaces et des évocations soudaines. Lis ignorait pourquoi ces situations la rendaient aussi euphorique, mais elle ne pouvait désormais plus s'empêcher de sourire, comme on dévore un amant du regard.

" Te voilà qui, encore, grise les passants de mots en rafale ? " Gloussa la jeune femme, faisant serpenter sa paume jusqu'à l'épaule du Musicien. D'un regard, elle salua Jezabel, mais ses prunelles exprimaient un sentiment palpable de jubilation. L'imposant Khelan leva un sourcil face à Lis : à coup sûr, la réputation de la Prêtresse lui était connue, et peut être déplorait-il en la voyant de faire partie des quelques rares Olarils à ne pas avoir goûté à ses désirs.

Jezabel se tourna vers la voix nouvelle qui venait de porter à ses oreilles, et eu la surprise de trouver Hemric qui arrivait comme la cerise sur le gâteau. Elle savait que son cousin était réputé pour être volage et ivre de liberté, un des moutons noir des Hirune, habituellement si placides. Et, si elle ne le connaissait guère, elle avait eu suffisamment d'échos de la part de son oncle pour savoir que le jeune homme était fort peu conventionnel. Et en de rares occasions, ils se parlaient, tout comme Luminara d'ailleurs. Sauf qu'elle savait de quel côté Luminara se penchait, alors qu'Hemric était plus insaisissable.

« Vos paroles sont judicieuses et pleines de bon sens, Hemric, mais vous mettez a charrue avant les boeufs. Je ne parle pas d'un nouveau système de gouvernement, car l'actuel a marché depuis des générations sans aucune plaintes, dans le contentement de tout à chacun. Bon nombre de nos chefs précédents ont fait d'énormes erreurs...puis, passer après Laclaos, bien aimé de tous, est certes difficile pour ma soeur...cependant, n'est-ce pas tant le système de fonctionnement de toutes ces chefferies que les actes de Lysandre qui sont à revoir ? Toutes ces catastrophes depuis qu'elle a accédé au pouvoir...c'en est beaucoup pour une seule femme... » fit-elle

Elle regarda le pécheur, qui les regardait d'un mauvais oeil. Ils parlaient de changements radicaux, ils parlaient de remise en question...cela dépassait sa conception de la situation actuelle.
Jezabel esquissa un pale sourire, dévoilant ses dents

« Peut-être que les Dieux sont mécontents...peut-être que Laclaos fut trompé, et que ma soeur ne méritait pas de lui succéder...qui sait, après tout, ce qu'il s'est passé sur le lit de ce pauvre homme... » déclara t-elle d'un ton léger.

La jeune femme regarda Hemric.

« Il y a beaucoup de choses qui demeurent obscures, et ces troubles actuels n'en sont que les conséquences. Cela ne peut durer...il en va de l'avenir d'Arestim, entendons-nous bien»

Les yeux bruns de la chasseresse se posèrent sur Lis Diantra (qui ne connaissait pas son nom, parmi les Olarils ?), qu'elle avait vu arriver de loin. Magnifique créature, assurément, à côté de laquelle Jezabel semblait bien fade et insipide. Son coeur bâtit plus vite. Les belles femme l'intimidaient.
Elle regarda les doigts de l'arrivante courir sur les épaules du poète

«Mon cousin possède l'art des mots, c'est certain, il ferait un bien piètre chantre dans le cas contraire » commenta t-elle. « Bienvenue, Lis »

Lis.

A ce nom, Hemric ne pouvait que sourire. C'était lui qui lui avait fait connaître les délices de l'amour. Le plaisir de la chair. Et c'était lui qui lui redonnait quelques cours régulièrement, lorsque tous deux n'avaient pas d'autres amants à qui combler les nuits. En quelque sorte, c'était lui qui avait déclencher la machine à croquer les hommes qu'elle était devenue. En cela, il n'avait pu que se féliciter.

D'une part parce qu'il en était fier, d'autre part parce qu'il lui arrivait d'en profite lui-même régulièrement.

Il la laissa poser la main sur lui, déclarant simplement:

- Ma chère, oserais-tu nier que mes mots ne te grisent pas toi aussi ?

Il rit doucement, puis se tourna en direction de Jezabel. Intéressant. Voilà qu'elle montrait de ses pensées des choses qu'il n'auraient même pas imaginé de sa part. Ainsi, elle condamnait les actes de sa soeur.

* Stupéfiant... *

Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se stoppa un bref instant, juste pour remarquer le regard que le Khelan adressa à Lis. Il réprima un fou rire et dit:

- Je ne condamne les actes de Lysandre qu'à cause de ce que le système lui permet d'agir ainsi. Brider Lysandre, c'est brider le système en lui-même, et peut-être tendre à cet idéal. Cousine, vous m'intriguez.

Il rit.

- Ces insinuations sur le " lit " de Laclaos ne sont pas choses courantes. J'aimerais savoir ce que vous, vous préconisez. Précisément. Et dès à présent.

Il plongea un regard inquisiteur dans le sien. parler devant ce tas de personnes qui s'opposait à Lysandre ne devrait pas poser de problème à Jezabel si elle n'avait rien à cacher.
Il jeta un coup d'oeil à Lis. Il savait son penchant à l'opposition, mais savait également qu'elle n'était pas convaincue totalement. Des idées germèrent en son esprit, le temps que sa cousine se décide à répondre.

La soeur et le cousin, deux Hirune qui annonçaient-là clairement leurs propos ennemis à la Chasseresse à la tête d'Arestim, la soeur, le cousin, le même sang et des animosités, des divisions, des querelles... Ce sentiment d'opposition qui avait empli le village de mille murmures et de tant de mouvements rendait Lis ivre, sans qu'elle ne sache d'où venait cette sensation.

Loin des paisibles années où Laclaos avait régné en noble et juste Chef, voici que les complots étaient légion, et la Prêtresse se ravit d'avoir eu la présence d'esprit de venir saluer ce goujat d'Hemric. Ah... Hemric... Par une grande habitude, elle ne voulait pas délaisser ce contact qu'elle avait instaurer, puisque souvent il lui venait l'envie d'aller lui rendre visite. S'il était affairé, elle s'en allait d'un pas guilleret d'avoir observer ses ébats, et lorsqu'il était seul - si rarement- elle se glissait sous les couvertures...

Mais pour l'heure, elle s'étonnait de voir à quel point le déchirement d'une famille pouvait amener bien des idées, des suggestions plaisantes ou des situations très palpitantes. D'un geste, elle passa dans le dos d'Hemric, faisait glisser sa main jusqu'à l'autre épaule, avec un pas en avant pour mieux saisir les mots de Jezabel. L'Ainée des Chasseresse avait visiblement beaucoup de choses à reprocher à sa soeur... Lis plissa les yeux.

" On dit en effet que ce bon vieux Laclaos n'était pas des plus maladroits lorsqu'il s'agissait de complimenter ces demoiselles... " Souffla Lis, comme si elle savait quelque chose.

Pourtant, Laclaos n'avait pas été de ses amants. Dommage, d'ailleurs, car il avait une réputation à en faire palir plus d'un ! Mais, il avait souvent été fidèle, malgré les tentations nombreuses, sans doute de peur de subir les ires de cette Dragonne de Mithra. Lis cependant l'appréciait beaucoup : c'était une belle femme, pleine de vie à cet âge mûr, et qui tenait sa fratrie d'une main de maître, assez pour être réellement une séduisante femme....

" Nous sommes nombreux à penser que Lysandre a user de ses charmes pour gagner la confiance puis le trône de Laclaos. Il est parfois étonnant de voir ce que les Olarils peuvent offrir pour quelques morceaux de peau dévoilés ! " Restait à savoir si l'Ancien Chef, qui était avisé et sage, aurait été assez faible pour se laisser charmer par une toute jeune femme, en sachant la soif de pouvoir des Hirune. Mais ces préoccupations n'étaient pas celles de Lis.

Son désir était de savoir l'avis de ces deux jeunes gens au sujet de cette hypothétique aventure entre la Chasseresse et Laclaos... Comme une soif sournoise et vicieuse, d'en savoir plus, de connaître quelques détails. Assurément, Jezabel pensait comme elle : sa soeur avait couché avec le viel Edorta dans le but d'accéder au rang de Chef, au nez à la barbe des fils de Laclaos... Toutes ces manigances autour du Pouvoir laissaient la Prêtresse de Bakarne totalement euphorique...

Il y avait, entre ses deux interlocuteur, la complicité tacite de deux êtres qui furent un jour, bien plus proche qu'une simple main posée sur une épaule. Cela n'était guère étonnant par ailleurs, qu'entre Hemric le libertin et Lis aux moeurs plus que légères -à la cuisse facile- fussent un jour amants. Il apparu que Jezabel se sentit très à part de leurs échanges de regards, et non sans une certaine jalousie, elle se racla la gorge comme si de rien était. Ils étaient tout deux à l'opposé de ce qu'elle était, une presque pucelle coincée et timide. Elle finissait par se demander quelque fois si l'enfant qu'elle avait eu (ou pas eu pour être exacte) n'était pas une immaculée conception.
Comme le dit Lis, Laclaos était un homme à femmes, qu'il appréciait la belle chair. Cela, Jezabel en avait eu beaucoup d'échos, sans jamais l'avoir vu aux bras d'une autre Olarile que Mirtha. L'hypothèse de la belle blonde était plus que plausible.

« Et... » commença t-elle à la suite de Lis

Elle s'humecta les lèvres.

« Ne trouvez vous pas cela étrange, qu'on ai vu Lysandre entrer dans la tente de notre défunt, puis que, par le plus heureux des hasards, il tombe malade quelques jours après pour finalement décéder et nommer « inopinément »cette chère Lysandre ? » lâcha t-elle. « J'aime croire aux coïncidences, mais celle-là, entre-nous, me semble bien trop coupable »

Beaucoup devaient penser comme elle, du moins, beaucoup de ceux qui cherchaient des raisons pour rendre illégitime l'autorité de sa cadette. Et les Dieux savaient qu'ils étaient nombres à spéculer ainsi.
Elle jeta un coup d'oeil à Hemric. Lui aussi devait avoir fait la corrélation, il n'était pas stupide. Que pensait-il ? Quel était son but, pourquoi diable était-il contre Lysandre lui aussi ? Était-ce vraiment le système qu'il voulait changer, ou simplement faire du bruit pour rendre folle sa famille ? Quant à Lis...tout le monde savait qu'elle était source de conflits, qu'elle aimait la dualité. Rien de moins étonnant à ce qu'elle fut du côté anti-Lysandre.

« C'est une piste qu'il faut creuser. Malheureusement, qui d'autre mieux que Lysandre est au courant ? Si nous partons du point de vue qu'elle n'est pas innocente dans cette affaire, elle ne nous dira rien. »

La chasseresse croisa les bras, réfléchissant. Ebanelle lui avait conseillé de trouver des alliés...Hemric et Lis semblaient avoir tout à fait le bon profil, mais elle n'était pas sure...L'inconstance de son cousin sur beaucoup de domaines lui posait problème. Pourrait-elle se fier à lui ? Elle le pensait versatile. De même que Lis, qui sait ce qu'elle pourrait faire si elle se lassait ? Quoi de mieux que de re-semer le trouble en revirant de bord ?

« Je suis d'avis » commença t-elle

Elle regarda de nouveau Lis et Hemric, sans cesser de se demander s'ils étaient fiables ou non. Elle avait toujours cette peur en elle.

« Je suis d'avis à déstabiliser Lysandre pour qu'elle commette de nouvelles erreurs. Plus elle en fera, plus le doute se fera sentir parmi ses partisans. Et plus la question du système appliqué en Arestim se posera, Hemric. Quant à ce qu'il s'est passé entre les coucheries de ma soeur avec Laclaos et sa mort...je pense qu'il faudrait creuser du côté de Nydearin, il sait forcément des choses. Lis, il me semble que tu serais toute désignée pour l'affaire...? »

Qui mieux que cette plantureuse beauté et croqueuse d'homme saurait extirper quelques information ? Tout ce qu'elle espérait, c'était que son beau-frère se montre prolixe en informations...et surtout, que Lysandre s'était confiée à lui, ce qui n'était pas certain non plus.

Hemric écouta attentivement les deux femmes. L'une était le serpent, la tentation, le délice, l'autre la vipère, le venin, le fourbe. Il dut retenir un sourire exagéré devant cette agitation soudaine, et parce que l'assemblée présente semblait boire les propos des deux donzelles.

Lentement, il décroisa les bras, et ferma les yeux. Soupirant, il haussa les épaules et déclara d'un ton amusé:

- Pourquoi pas ? Ca peut s'avérer être amusant.

Il fronça soudainement les sourcils et rouvrit les yeux, assenant sa cousine d'un regard de braise.

- Je me propose de me rapprocher de Lysandre pour faire courrir les langues. Cousin et cousine ne font jamais rien d'autre que faire jaser dans les chaumières. Cela renforcera le sentiment d'incertitude dans les rangs des indécis, qui se pencheront probablement davantage du côté de l'Opposition. de plus, je parviendrai peut-être à en apprendre davantage sur les motivations de Laclaos.

Il adressa un clin d'oeil à Lis.

- Après tout, je suis son cousin adoré.

Néanmoins, il avait un autre objectif en vue. Il savait Lysandre protégée efficacement par le Chef de la Garde, ainsi que par Nydearin, mais il pressentait que toute cette affaire risquait de prendre des proportions trop énormes. Il y avait déjà eu des morts.
Il aimait sa cousine, même si elle profitait d'un système rongé par la pourriture, et ne souhaitait pas sa mort.
Etre près d'elle lui permettrait en autre de pouvoir assurer sa sécurité contre d'éventuels opposants trop zêlés.

En effet, Hemric ne souhaitait la mort de personne, pas même de ses ennemis, et encore moins lorsqu'il s'agissait de son propre sang.
Il s'opposerait à Lysandre, mais la préserverait de la mort.

- Ca devrait convenir, n'est-ce pas ?

Lis avait écouté, avec une attention toute particulière, les mots qui s'étaient échappés de la bouche de l'Aînée des Hirunes. Savoir Jezabel belliqueuse et opposée à sa chère soeur était déjà un enchantement, une grâce divine qui amenait son lot jubilatoire de conflits, de soupçons, de complots... Mais lorsqu'elle échafaudait des plans, il émanait de cette Chasseresse des auras terrifiantes qui... électrisaient la Prêtresse de Bakarne. Comme la haine et la jalousie -car Lis ne doutait pas qu'il s'agisse de cela- pouvaient grandir un être, comme ces deux soeurs aimantes pouvaient rendre une femme d'un naturel somme toute banal aussi radieuse qu'inquiétante !

Lis observait Jezabel. De cet oeil qu'on les gourmands Pélégon lorsqu'ils revenaient d'une dure journée dans l'Umber, en sueur, et qu'ils réclamaient des chopes entières et fraiches pour désaltérer une soif qui les avait tenaillée depuis le matin. Ah ! Quelle beauté que cette Hirune qui élaborait des stratégies pour nuire à son propre sang ! La jeune femme aux boucles blondes allait même s'avancer de quelques pas fascinés jusqu'à la Chasseresse, lorsqu'une phrase fit bourdonner ses oreilles, dans son dos : Hemric avait prit la parole. Elle eut un sourire exquis, comme si elle venait d'avoir une idée somptueuse. Faisant demi tour pour faire face au Libertin, elle leva la main pour cacher sa bouche, avant de coller ses lèvres contre l'oreille du jeune homme en lui murmurant :

" Et les Dieux savent que tu sais faire courir les langues. "

C'était donc ceci qui avait attiré son attention... Les complots s'envolaient-ils face à quelques mots bien perchés, ou n'était-ce qu'une parenthèse canaille avant qu'elle ne revienne face à Jezabel, pour s'avancer, cette fois, jusqu'à être toute proche de l'Aînée Hirune.

" Je me dévouerai pour la bonne cause, s'il s'agit de Nydearin. " L'homme était plaisant, attirant, et Lis n'avait pas manqué de l'admirer au bras du Chef, quelques pensées impures en tête. Avoir un rôle aussi intéressant dans les plans de déstabilisations de Lysandre était un rêve, et elle acquiesça pour appuyer ses paroles. Qu'on puisse souligner sa réputation ravageuse ne sembla, d'ailleurs, en rien la vexer, et il paraissait même qu'elle n'y ait pas fait attention. Après tout, c'était bien normal, non ?

" Et même s'il ne sait rien au sujet des agissements de sa chère Femme avant la maladie de Laclaos, que Lysandre suive son Cousin, et que son époux fasse de même avec une autre femme démontrera à coup sûr que ces deux-là recherchent un exutoire... " Fit-elle en élargissant le sourire qui ornait déjà ses lèvres depuis qu'on avait abordé ce sujet qui la passionnait tant.

" Mais pourquoi ne pas défendre consciencieusement celle de votre Sang, malgré ses erreurs, les liens familiaux ne sont-ils pas plus solides que le reste ? " S'interrogea la Prêtresse, avec une mine moqueuse, aux deux Hirune.

Amusant n'aurait certainement pas été le terme que Jezabel aurait employé pour cette petite partie de conspiration. Elle n'y voyait, au contraire, rien d'amusant. Cependant, la proposition d'Hemric eu l'heur d'être très pertinente, et attentive, elle écouta ce qu'il avait à dire quant au fait de se rapprocher de Lysandre. L'idée était judicieuse. Elle acquiesça d'un bref hochement de tête sans rien rajouter. Il avait dit l'essentiel.

« C'est parfait » déclara t-elle à son cousin.

Lis se montra également ouverte quand à la suggestion de Jezabel au sujet de séduire Nydearin. Elle ne doutait aucunement des pouvoir de séduction de la belle. Les hommes n'étaient pas fait de bois, après tout.

Petit à petit, l'aînée des Hirune voyait se profiler à l'horizon un éventuel avenir qu'elle n'aurait jamais cru possible quelques jours auparavant. Elle n'avait jamais pensé qu'elle trouverait des figures importantes pour l'aider. Et si, ni Hemric, ni Lis n'avait de pouvoir « politique » au contraire de Vesper, ils accusaient une certaine notoriété et avaient avec eux des amis. Et ils étaient plein de ressources. Leur implication soulageait Jezabel, dont la peur de sa soeur rendait pusillanime. Mais voilà, Ebanelle la soutenait, et il n'était rien de plus important pour la jeune femme.

Elle surveilla, d'un oeil distrait, Lis qui venait se rapprocher d'elle. Et comme toujours, la proximité crispait Jezabel. Homme ou femme, vieux ou jeune, c'était là quelque chose qu'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir. Elle déglutit, serrant les mains dans ses poches, passant pour quelqu'un de collet-monté

« J'ai mes raisons » fit-elle avec un petit sourire.

Elle croisa ses bras, faisant un petit pas discret en arrière pour retrouver une distance respectable avec Lis.

«Je vois très bien pourquoi d'Hemric est de notre côté, ce qui est tout à son honneur...mais vous, Lis...j'avoue avoir du mal à saisir vos motivations. » déclara t-elle en la regardant.

Le Poète croisa les bras, et attendit que les discussions continuent. Il ne broncha même pas lorsque Lis lui glissa ces quelques mots qui le firent allègrement sourire.
Après tout, elle avait tout à fait raison, et ce n'était rien exagérer que de vanter ses mérites au lit.

Néanmoins, il s'assombrit quelques peu à l'entente de la dernière question de la croqueuse. En particulier lorsque Jezabel lui envoyau ne réponse à moitié convenable. Il ne pipa mot mais n'en pensa pas moins: quelles étaient donc les motivations de sa cousine ?

Ce questionnement s'évanouit bien vite après l'interrogation envoyée à Lis. Il la connaissait quelques peu, après toutes ces années, et savait qu'elle appréciait le mouvement et la discorde [ ... ]. C'était un trait de caractère qui convenait parfaitement avec son attitude quotidienne et qui lui collait àl a peau. Néanmoins, il ne la savait pas farouchement opposée à Lysandre.

* Ce qui la motive est davantage l'agitation d'Arestim. En ce moment, tout autour de nous n'est qu'une immense fourmillière qui s'active en vue d'un changement radical. Lis n'a pas d'avis arrêté. Elle se délecte juste de ce qui se passe. peut-être qu'il m'appartiens de lui faire prendre parti... et de construire avec elle sa propre vision politique. *

Il esquissa un bref sourire. dans tous les cas, ce genre de chose se règlerait sur une couette.

Il patienta, alors, et attendit de voir ce qu'allait rétorquer la blonde à la brune.

Hemric aurait à séduire Lysandre, sa Cousine, du moins s'afficher en sa compagnie proche, pendant qu'elle-même aurait à charmer son bel époux, du moins, à laisser penser à tous les Olarils qu'elle avait été invitée dans sa Couche. Ce qui, entre nous, serait une partie de plaisir, que cela se concrétise ou non, puisque la Prêtresse de Bakarne raffolait de ce genre de situation frivoles, et colporter diverses rumeurs contenant des scènes libertines était toujours un jeu d'enfant. Les Olarils adoraient ces histoires, il ne fallait donc pas énormément d'énergie pour réussir à faire courir ces bruits-là.

Pourtant, déjà, chacun soufflait sur sa dernière question, en évitant soigneusement d'avoir à y répondre. Mais, malgré son envie de savoir les motivations de chacun d'entre eux, Lis n'était pas si attachée au fait de posséder les clés de tout. Du moment qu'elle était informée du minimum, et qu'elle avait droit à sa part de gâteau, tout ceci l'amusait et l'excitait largement.

" Il me semble tout simplement logique de ne pas cautionner la gouvernance d'une femme qui a offensé Bakarne en se permettant d'avancer les Jeux à une période hivernale que le Dieu-Taureau n'apprécie pas. " Affirma-t-elle alors, en haussant les épaules. Cependant, il semblait que d'autres raisons se mêlaient à cela.
Elle ne tarda cependant pas à les exposer sans retenue.

" J'ai toujours pensé que Lysandre était une petite prétentieuse, bien qu'elle ait le mérite d'avoir séduit Laclaos pour avoir son trône. J'avoue que ses secrets-là m'intéressent, je suis friande de ce genre de cachoteries adultérines. Pour la mettre à nue, il faudra forcément passer par un soulèvement. Eh puis... Si Lysandre est à terre, peut être son beau mari sera-t-il effondré, et qu'il me faudra le consoler... "

Fit-elle alors dans un rire, en plissant les yeux. Elle semblait parfaitement sincère, et à la vérité, tout ceci était totalement vrai : bien sûr, en plus d'adorer le désordre et l'activité actuelle, toutes ses perspectives étaient attrayante comme un adolescent nouvellement fait Homme. Lis tourna les yeux vers Hemric mais fut rapidement sur la Chasseresse à nouveau, comme impatiente.

" Nous avons tous deux nos rôles, Hemric et moi... Et toi ? " Elle prit à peine le temps de finir sa phrase qu'une nouvelle commençait. " J'ai entendu dire qu'Amiguel Garthésia avait souvent rendu visite à Lysandre. Il serait tout à fait étonnant qu'il ne sache rien... " Supposa la Prêtresse, qui bien sûr, était au courant de tous les ragots qui circulaient en Arestim...

D'abord, Jezabel cru que Lis ne faisait ça que pour des raisons religieuses, comme elle le dit. Mais alors, elle exposa son opinion de façon plus approfondie, et il fallait bien avouer que tout cela ressemblait fort à cette femme peu vertueuse. En fait, elle n'était qu'une opportuniste qui aimait semer le trouble. Mais il faudrait s'en méfier, qui ne disait pas qu'elle ne retournerait pas sa veste une fois le complot bien entamé ? Pour encore plus semer le trouble. Jezabel ne lui faisait pas entièrement confiance. Une femme volage n'était pas digne de confiance de toute manière. Mais si elle s'avérait utile dans ce qu'elle fait, ce que personne n'avait l'air de mettre en question, alors tant mieux.
Cependant, il faudrait une grande et précise organisation dans leur entreprise. On ne détrônait pas un chef avec de simples informations récoltées. Mais comme l'avais dit Lis, un soulèvement des Olarils la remettrait forcément en question. Et ce serait dans ce moment de doute qu'il faudrait frapper. La question était à présent : comment, ou par quels moyens, faire que les Olarils se mettent à se soulever ?

« Amiguel Garthésia ne semble pas homme à délivrer des renseignements si aisément. »

De plus, cet homme restait que trop énigmatique aux yeux de Jezabel. Elle ne savait pas dans quelle cour il jouait. Elle n'était pas certaine qu'il dise quoique ce fut concernant Lysandre. Et, pour l'avoir rencontré une fois, il lui inspirait une crainte qu'elle ne se sentait pas de braver. Mais cela, plutôt mourir que de le révéler devant ses deux interlocuteurs.

« Mais j'en fais mon affaire... » fit-elle, cédant à cette contrainte.

Elle devrait aller le trouver, le questionner de façon innocente. Mais il avait cette sorte de clairvoyance qui la mettait mal à l'aise. Cependant, Lysandre devait déjà être au courant de la position de Jezabel...Sorastrata avait du s'empresser de la dévoiler au grand jour. Ce qui, soit dit en passant, rendrait plus difficile de soutirer quelques informations à Amiguel. N'y avait-il personne d'autre ?

« Et les Edorta ? Nous connaissons tous la position de Mithra, ce n'est pas une grande nouvelle. Elle pourra se joindre à nous...Mais je pensais plutôt à Xan...le fils spolié...Bien qu'il s'affiche pour Lysandre, il doit certainement avoir quelques...ressentiments, non ? Ou cet homme est un idiot. »

Même si elle éprouvait quelques difficulté à s'allier aux Edorta, de part les antécédents des deux familles, ils restaient néanmoins un appui non négligeable. Avec une grande influence en Arestim.

« L'un de vous deux les connaît-il personnellement ? » demanda t-elle en regardant Lis et Hemric. « Lis, ne me dites pas que l'aîné Edorta n'est jamais venu dans votre couche...un bel homme comme lui...cela a forcément éveillé vos instincts... »

Elle esquissa un léger sourire ironique. Quel homme bien fait de sa personne n'était pas tombé dans le lit de cette croqueuse ? Y en avait-il seulement un ?

Hemric porta deux doigts à son menton en croisant les bras. Il plissa les yeux, l'air délibératif. Son regard passait lentement de Lis à Jezabel. Il avait toujours su que les femmes avaient un côté caché, une fac sournoise et perverse qui leur donnait la force et la vivacité d'esprit d'élaborer des stratagèmes vicieux pour faire sombrer leurs ennemi(e)s. Néanmoins, il ne s'était pas douté que le vice était poussé à ce point. A moins même que les deux femmes en sa présence ne soient plus perverses encore que la moyenne ?

Il afficha un bref sourire complaît, car observer deux tigresses sortir les griffes de cette façon avait avant tout un impact aphrodisiaque sur sa personne.
Impact qui fut refroidit bien vite par la mention du Garthesia. Il n'avait pas eu l'occasion de souvent le croiser, mais il n'ignorait pas les rumeurs qui avaient courru sur lui depuissa naissance et le rapprochement qu'on avait établi entre lui et Panpale. Il avait préféré ne pas chercher à les vérifier lui-même, c'est pourquoi, il fut fort étonné par la réaction probante de Jezabel.

Il n'en dit rien, se contentant d'écouter la suite du discours. Les Edorta. Il ne lui fallaut pas énormément de réflexion pour répondre.

- Pour ma part, je ne connais ni Mithra, ni Xan en personne. Néanmoins, je connais un peu les deux autres fils, et il me semble avoir connu la couche de Varvara lors d'une nuit arrosée... Enfin, toujours est-il qu'Eldar est profondément soumis à Lysandre. Il est simplement inutile de tenter quoi que ce soit avec lui. En outre, j'ai vu Kiriel à la réunion de l'autre soir. Je pense que l'une de vous deux pourrait aller lui rendre visite. S'il est amoureux d'une certaine Katriona, je ne pense pas qu'il se refuse à découvrir d'autres délices.

Il dut réprimer un rire. Cette organisation était avant tout une planification libertine. Il venait simplement de s'en rendre compte, mais il avait toujours été question de couche et de plaisir.
Il sourit, puis soupira et fit volte-face et leva un bras, paume au ciel.

- Bon, voilà au moins ce que je puis vous apporter. Je ne vais pas tarder à mettre en oeuvre ce que l'on a dit. Je vous souhaite bon courage de votre côté. Si vous souhaitez me contacter, vous savez ou me trouver.

Baissant le bras il fit quelques pas en avant s'éloigna dans la foule.

Il y avait donc de multiples possibilités qui s'éclairaient peu à peu à leurs pensées, chacun ayant à son tour des proies en vue, des Olarils supposés savoir quelque chose, pouvant s'avérer utiles, ayant un rapport éloigné ou proche avec le Chef, et au final, qui serviraient leurs projets. C'était un délice que de laisser aller l'imagination vers tous les visages qui pouvaient être nécessaires, alimenter les recherches, et se souvenir, encore et toujours, des méthodes à appliquer pour réussir. Car il était effectivement question de charmer, de persuader, de convaincre, de réussir à les faire parler.

Délier les langues était un exercice qui était tout à fait plaisant, et elle sentait également qu'Hemric était enchanté par ces perspectives... Même Jezabel paraissait prendre goût à l'élaboration de ces stratégies de séduction, du moins, elle se projetait assez pour sélectionner ses propres proies. Et même si elle avait émis quelques doutes quant à la réussite de son entreprise concernant le Garthésia, la Prêtresse elle, estimait qu'un homme restait un homme, et qu'il puisse ne pas se livrer immédiatement n'était, selon elle, pas une raison de s'inquiéter. Tôt ou tard, elle pensait dur comme fer que chaque Olaril était voué à succomber à ses instincts, avec ou sans mal.

" Parfait ! " Trépigna-t-elle, impatiente déjà. " Il me semble désormais que nous avons un terrain de chasse tout à fait conséquent. "

Cependant, au moment où elle passait en revue tous les noms évoqués, elle eut bientôt un frisson, celui qui se fait ressentir lorsque les défis deviennent plus intéressants, mais également plus délicats.

" Xan est affreusement fidèle depuis son mariage avec cette fade Zara, mais je sais qu'au fond de lui, il réprime beaucoup trop d'envies pour réussir à éternellement m'éviter... " Les Bains en étaient la preuve, Lis avait senti que les portes pouvaient être ouvertes, avec, disons, un peu de patience, et de doigté. Elle eut un sourire lorsque Hemric les salua et ne put s'empêcher de lui adresser un regard complice : naturellement qu'elle savait où le trouver... Et elle se reporta sur Jezabel... Elle aussi avait su le trouver ? La Prêtresse n'en doutait pas, et elle eut un regard évocateur.

" J'ai désormais bien des chats à fouetter... " Souffla-t-elle, retrouvons-nous lorsque nous aurons des nouvelles. " Bonne chance. " Finit-elle par annoncer dans un murmure, en laissant une caresse sur l'épaule de la Chasseresse, avant d'à son tour prendre la poudre d'escampette. Il était temps de rendre visite à Nydearin...

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