Il n’y avait pas beaucoup de temps qui s’était écoulé entre le jour présent et la soirée au Grand Théâtre. Nydearin se souvenait encore parfaitement de la Danse Taurine, du spectacle donné par Luminara à l’ensemble de la population, Olarils et Ilédors, unis dans l’éblouissement. Elle avait admirablement bien dansé, il le concevait sans aucun problème, pourtant un autre évènement avait un peu assombri cette soirée. Sa rencontre avec Sorastrata. Certes, avec cette première sortie en « public » depuis son retour parmi les vivants, en quelque sorte, il était impensable que personne ne le remarque. Son physique n’était pas fait pour passer inaperçu et Lysandre l’avait prévenu sur le fait que son entourage ne verrait pas d’un bon œil son retour. Tout cela il le savait lui aussi et ne s’attendait pas à être absout de ses pêchés par eux. A vrai dire, comme il l’avait dit à l’Ancienne, il ne cherchait pas leur pardon. Ils pouvaient le détester de tout leur cœur et de toutes leurs forces, il se nourrirait de cette haine pour leur démontrer à quel point il avait tort. Il se basait sur un homme qui n’existait plus dorénavant. Il se souvenait parfaitement de ce qu’il avait accompli lors des Feux de la Gérax et il savait ce qu’il n’avait pas fait pour son épouse alors qu’elle souffrait mille douleurs, enfermée, menacée de mort. Il était évident que ces deux entités ne pouvaient plus subsister en lui. Hésione l’avait aidé à exorciser ses démons, à combattre ses craintes. Il en était revenu transformé mais cela personne ne pouvait le voir, pas maintenant, pas, comme l’avait dit Sorastrata, que les responsabilités ne lui incombaient plus. Mais il viendrait, le moment où il pourrait montrer qu’il n’était pas un lâche. Alors ils verraient. Cela ne leur suffirait pas, mais il démontrerait à tous et toutes qu’il n’était pas un lâche. Il était heureux que Lysandre lui ait pardonné mais il ne s’était toujours pas pardonné lui-même. Il ne l’avait pas dit à l’Ancienne car cela n’aurait servi à rien mais il était inutile de le nier, il se devait de faire ses preuves à lui-même et il savait que cela arriverait bientôt.
Marchant tranquillement dans les rues du Quartier Humble, le Grand Prêtre parcourait les rues lentement, en prenant son temps. Il y avait un petit soleil bien agréable qui réchauffait un peu le peu de sa peau qui n’était pas couvert par sa simple tunique claire. Il portait un pantalon classique tenu par une ceinture de cuir. Le tout ne payait pas de mine mais il n’aspirait pas à être remarqué. Certaines femmes se retournaient sur son passage mais ça, il ne pouvait rien y faire… Ses cheveux clairs avaient toujours fascinés, même si, il s’en doutait un peu, le sourire aux lèvres, qu’il ne s’agissait pas toujours que de ses cheveux. Il flâna dans les rues, sans vraiment savoir ce qu’il cherchait, sans vraiment chercher quelque chose à chercher. Il marchait simplement, profitant du temps, prenant le temps de profiter du temps. De temps en temps, il s’arrêtait pour regarder. Le quartier n’était pas réellement d’une beauté architecturale enthousiasmante mais il avait quelque chose de spécial. Peut-être parce qu’il ressemblait davantage à Arestim Dominae et le mode de vie des Olarils que les opulentes demeures qui, même si elles étaient un plaisir pour les yeux, n’étaient pas vraiment du goût du Grand Prêtre qui y voyait plutôt des enclaves dorées dont les bourgeois et les nobles ne sortaient presque jamais, sinon pour se rendre dans une autre cage car, bien entendu, il était hors de question de songer à mettre les pieds ailleurs que dans un endroit lavé trois fois par jour… De son côté, Nydearin trouvait plus de plaisir à marcher dans ces ruelles étroites, parfois remplies de monde, parfois vides. Il reprenait contact avec le monde et il ne voulait pas d’un contact particulièrement pédant. Il voulait juste des présences comme toutes les autres. Des hommes, des femmes, des enfants, simples mais vivants. Des personnes dans les yeux desquelles ont pouvait lire si elles étaient heureuses ou non et qui ne s’ingéniaient pas à le cacher ou à jouer de faux semblants. Qui plus est, cela lui permettait de réfléchir aussi à un autre sujet : les Révolutionnaires.
Lysandre lui en avait parlé. Peu mais suffisamment. Apparemment elle l’emmènerait les voir d’ici peu de temps. Ils semblaient avoir des soucis avec de l’eau empoisonnée. Il espérait pouvoir faire quelque chose pour eux, mais, en un sens, il doutait de pouvoir faire des miracles. Heureusement il avait encore quelques unes de ses herbes avec lui. Peut-être faudrait-il qu’il songe à trouver un herboriste… En parlant d’acheter… Il passa, chose assez étonnante dans le Quartier Humble, devant une masure qui ressemblait fortement à une boutique. Il s’arrêta quelques instants et observa l’enseigne de bois qui pendait à deux chaines en métal. « L’Or à Bas Prix » ? En voilà un nom étrange. Sa curiosité piquée à vif, l’Olaril décida de suspendre sa petite balade et se dirigea vers l’entrée de la boutique. Passée la surprise d’un tel établissement dans un quartier comme celui-ci, Nydearin dut admettre que finalement rien ne jurait avec ce dernier. Toutefois, si la bâtisse ne payait pas de mine, il y avait, dans cette « échoppe », un nombre incalculable de choses et une quantité si variée de produits que cela en donnait presque le tournis… Il ne savait pas qu’il existait un tel magasin. Généralement chacun d’eux avait un certain type de marchandises mais, dans celui-ci, il semblait possible de tout trouver d’un seul coup ! Sa curiosité vola rapidement d’étagères en étagères… Lui qui pensait à des plantes, voilà qu’il s’agirait d’un formidable hasard s’il en trouvait ici… Quoique… Il ferait peut-être plus confiance à un herboriste pour ce genre de chose… Alors qu’il faisait ses premiers pas dans la boutique, un homme, très corpulent et surprenant de prime abord vint l’aborder, tendant une main grasse et boudinée vers lui. Cachant sa surprise et arborant un sourire, Nydearin lui serra vigoureusement la main lui aussi et lui rendit ses salutations.
« Je suis juste de passage… La boutique a attiré ma curiosité et… je dois admettre que je reste sans voix devant la quantité de choses proposées ici… »
Lun 9 Jan - 22:25