Les Tables d'Olaria
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 Tire la cordelette et le loquet se lèvera

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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyMar 5 Juil - 16:53

Elandor grimaça en se relevant. Ces dernières semaines avaient été agitées et la station debout lui devenait de plus en plus insupportable. Les muscles de son dos étaient entièrement contractés, des lombaires jusqu’aux trapèzes. Il était plus que temps d’agir … Un bref coup d’œil par la fenêtre lui apprit que la nuit était suffisamment tombée. Lance abandonna sans regret le tas de papiers qu’il étudiait et se leva de la chaise inconfortable où il s’était assis. Elenor était en mission et elle ne rentrerait pas avant l’aube. Il avait de longues heures devant lui … Lorsqu’il s’enfonça dans la nuit, il était méconnaissable, affublé qu’il l’était d’une lourde cape et d’un foulard masquant le bas de son visage.
Le trajet fut un peu long puisqu’il prit soin d’éviter les rues où les auberges déversaient encore leur trop plein de clients titubants.
Il parvint enfin aux rues commerçantes et s’engagea sans hésiter dans leur dédale jusqu’à attendre la boutique. Celle-ci ne payait pas de mine mais ceux qui la connaissaient savaient sa valeur. Elle était bien évidemment fermée et il la contourna pour atteindre la porte de derrière à laquelle il frappa légèrement.

Après quelques instants où il ne perçut que quelques bruits discrets provenant de l’intérieur, le battant de bois s’entrouvrit. La figure ridée n’avait pas changé et affichait toujours la même expression indéchiffrable. Elandor soupira de soulagement : elle n’était pas encore rentrée chez elle !
Répondant à son invitation silencieuse, il se glissa à l’intérieur puis patienta dans la curieuse entrée surchargée d’objets et d’herbes suspendues. Il l’entendit ranger ce sur quoi elle travaillait et cru percevoir des bruits de métal, de papier et d’autres, plus indéfinissables. Onaria Dimitres avait beaucoup de secrets et l’homme n’avait jamais essayé de les découvrir. Il lui suffisait de la savoir toujours aussi fidèle à son poste, le reste ne le regardait pas.
Enfin, elle réapparut et un vague sourire éclairait cette fois son visage. Elle l’invita à pénétrer dans une seconde pièce et il s’exécuta sans mots dire. Elle savait pourquoi il venait et tous deux avaient eu une journée suffisamment chargée pour ne pas avoir envie de parler tout de suite. Le Dissident laissa tomber son foulard et sa cape sur une chaise puis ôta sa chemise, laissant voir sa peau burinée recouverte de fines éraflures blanchâtres. Elles n’étaient pas dues à des coups d’épée mais restaient des blessures de guerre, séquelles de sa longue chute et des débris du fleuve qui l’avaient submergé. Elles n’avaient rien de grave mais témoignaient seulement de l’importance du traumatisme et d’autres conséquences, plus graves mais invisibles de son assassinat.
Certains os s’étaient brisés puis ressoudés, d’autres s’étaient juste légèrement déplacés, tirant sur ses muscles aujourd’hui raides et douloureux.
Elandor retira également ses bottes puis s’allongea sur le ventre sur la table étroite recouverte d’un matelas. La vielle femme s’approcha et lui étala un onguent sur le dos. D’abord glacé, il diffusa une chaleur agréable lorsque les mains agiles se mirent en mouvement. Elle malaxait et décontracturait les muscles, traquant nœuds et douleurs. La pièce était seulement emplie du bruissement de ses doigts sur la peau et de quelques gémissements de son patient, à mi-chemin entre la douleur et la satisfaction.

Lorsque le massage prit fin, elle s’éloigna et, tandis qu’il se rhabillait, la vielle femme entreprit de lui préparer les sachets d’herbe qu’il était censé faire infuser chaque soir en prévention de ses maux de dos. Elle avait conscience du fait qu’il oublierait de les prendre une fois sur deux au début, mais elle savait aussi que lorsque les douleurs seraient revenues tout à fait, il y reviendrait et suivrait scrupuleusement ses consignes. Grand-Mère avait cela de merveilleux, c’est qu’elle ne jugeait jamais ses patients. S’ils ne prenaient pas correctement ses traitements ou s’ils oubliaient, elle ne leur en tenait pas rigueur et cherchait à s’adapter à eux plutôt que de les punir. Du moins, c’est ainsi qu’elle agissait avec lui. Elandor osait penser qu’elle avait pour lui une affection particulière, étrange et retenue. En tous cas, il pouvait se targuer, lui, de la tenir en très haute estime. Après tout, sans elle, il ne serait pas là et la Dissidence non plus.

Pendant qu’elle s’activait dans un recoin de la pièce, il débarrassa la table de ses coussins et installa deux chaises de part et d’autre. Onaria reparut, deux verres dans une main, une bouteille d’alcool dans l’autre. Ils s’installèrent face à face et commencèrent à boire en silence. L’Arlanii laissa échapper un bâillement et s’affala sur son coude. Avec elle, nul besoin de faire semblant d’être fort et fier. Elle l’avait vu moins que rien, plus bas que terre, larve repliée sur elle-même déjà à moitié morte. Il pouvait donc sans rougir lui laisser voir sa fatigue et sa lassitude.

Ils restèrent silencieux quelques minutes à siroter la boisson, appréciant son goût puissant et vieilli par les années. La journée avait été longue, pour l’un comme pour l’autre et ils n’avaient aucune envie de gâcher ce moment de calme et de détente en parlant.
Des hurlements de chiens brisèrent le silence de la nuit et Elandor frissonna malgré lui en entendant les bruits des bottes qui talonnaient les bêtes. Cela lui faisait songer aux pas des hommes du Guet qu’il avait dû fuir bien trop souvent à son goût. Il s’ébroua quand la curieuse équipée s’éloigna mais le charme était rompu.

Il jeta un coup d’œil à la vieille femme, tentant vainement de ne pas voir les nouvelles rides qui barraient son front. Un pâle sourire effleura ses lèvres lorsqu’il pensa que cette figure avait été la seule à se pencher sur lui pendant plusieurs semaines. Et une fois encore, il allait avoir besoin de son aide … Ses conseils avaient toujours été précieux pour lui et il en manquait grandement ce soir-là. Mais, pour ne pas la brusquer, il préférait démarrer lentement la conversation.

« Tu as des nouvelles pour moi ? »
Ton Al’Faret se noie dans un verre d’eau, Grand-Mère …

S’il pouvait se permettre de parler de ses doutes et de ses idées à Elenor, il n’en demeurait pas moins que la Guérisseuse avait un regard bien différent d’eux deux, plus sage et infiniment plus réfléchis.
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Onaria Dimitres
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyDim 24 Juil - 23:41

Toute à son affaire dans sa boutique, Grand-Mère n’avait pas vu le temps passer. Le soir était déjà en train de tomber et ses articulations fatiguées craquaient d’épuisement. Pourtant Grand-Mère ne se pressa pas pour terminer ce qu’elle souhaitait. Prenant le temps de soigneusement peser ses ingrédients avant de les mélanger, elle poursuivait sa tâche, inlassable. Dans le pot en terre cuite, l’onguent qu’elle était en train de préparer prenait une teinte verte foncée, avec quelques nuances plus claire. C’était le signe qu’il n’était pas encore correctement mélangé. Redoublant d’ardeur, la vieille femme écrasa, mélangea encore de longues minutes avant que l’ombre d’un sourire satisfait ne s’épanouisse sur son visage criblé de rides.

C’est à ce moment-là qu’on frappa à la porte, elle n’attendait personne, mais elle savait qu’à cette heure tardive, si ce n’était pas une urgence, seule une personne viendrait la trouver ici : l’Al’Faret. Peut-être qu’il avait des nouvelles pour elles, ou alors qu’il en voudrait de sa peur. À moins qu’il ne fut venu pour ses douleurs. Malgré les nombreuses opérations qu’il avait subies, et les traitements qu’elle lui faisait suivre, il était un malade chronique, souffrant continuellement, à plus ou moins forte intensité selon sa fatigue et l’humidité de l’air. Tout en se demandant quelle était la raison de cette visite tardive, elle se dirigea vers la porte et l’ouvrit. C’était lui, en effet. Sans un mot, elle le fit entrer, et lui fit signe d’attendre quelques instants. Elle termina de ranger ce qu’elle appelait son laboratoire et prépara la table pour lui ainsi que les onguents dont elle aurait besoin. Heureusement qu’elle avait pensé à refaire celui qu’elle utilisait pour le soigner, elle n’en n’aurait pas eu assez sinon. Bénissant sa prévoyance, elle repartit chercher son visiteur.

Avec lui, nul besoin de mots inutiles, elle l’avait vu dans ses pires moments, quand il était encore à peine un homme, le corps déchiré de dizaines de blessures. Sans jamais l’avoir avouer, elle éprouvait pour lui une affection presque aussi grand que celle qu’elle portait à Lell. Pour avoir soigné ses blessures depuis le début, elle savait exactement ce dont il avait besoin. De lui-même, il s’allongea sur la table basse qu’elle avait préparée. Alors elle reprit le petit pot en terre cuite et commença à étaler la pommade qui le soulagerait. Tout en faisant attention à ne pas lui faire trop mal, elle ne le traitait pas comme de la porcelaine et appuyait suffisamment sur ses muscles pour les détendre le plus en profondeur possible. Elle sentait les nombreux nœuds qui devaient le tourmenter, ils n’étaient pas dus qu’à son accident, Elandor semblait également tourmenté. La Dissidence menait beaucoup d’actions ces temps-ci, et c’était toujours à lui que revenait la charge de tout coordonner. À ce qu’elle sache, elle était la seule à connaître la véritable identité de l’Al-Faret, mais apprendre que Lell avait également intégré le mouvement l’avait profondément perturbée. Elle avait de nombreuses questions à poser à son patient, mais elle attendit d’avoir correctement fini de le soigner.

Une fois que le massage fut terminé, elle prépara une infusion qui achèverait de le soulager pour ce soir, et dont les effets seraient longuement positifs s’il n’oubliait pas d’en prendre selon la posologie qu’elle lui indiquait. Le silence qui régnait toujours dans la pièce n’était pas dérangeant ou embarrassant, loin de là. Après une journée à soigner des malades geignant, il était même vraiment agréable. Tout en sirotant une infusion de son propre cru pour ses douleurs articulaires, Grand-Mère attendit patiemment qu’Elandor se mette à table et parle de ce qui le tracassait à ce point.

Du bruit retentit dans la ruelle, une bande avec des chiens. C’était courant ces derniers temps, le Guet se faisait de plus en plus intrusif, traquant avec force tous les supposés Révolutionnaires et Dissidents. Ce fut ces bruits qui firent sortir son invité de sa torpeur, et enfin, il parla. Sa voix était légèrement rauque, comme s’il n’avait plus parlé depuis longtemps. Des nouvelles ? Oui et non, pas vraiment. Des questions. Des suggestions peut-être aussi, elle savait qu’il écoutait toujours ses conseils avec une grande attention.

« Je n’ai guère de nouvelles bien particulières Al’Faret, mais ça, tu le savais, n’est-ce pas ? J’ai cependant appris quelque chose qui m’a surprise il y a peu. Il y a une nouvelle recrue dans nos rangs, dont tu n’as pas cru bon de me parler alors même que je suis la première concernée. Oh, ne t’inquiète pas, ce n’est pas un reproche, je sais combien le secret est important et nous sauve du Guet et des aveux sous la torture. J’ai cru comprendre qu’elle était à l’origine de cette étrange maladie dont les Révolutionnaires sont atteints. Ai-je tort ? »

Son regard se plongea dans celui de son interlocuteur et ce qu’elle vit ne lui plut pas. La peur rongeait Elandor, le doute aussi, mais s’il se mettait à douter, la Dissidence tomberait. Il en était l’âme et le pilier principal, s’il flanchait tout s’effondrerait. Mais la Guérisseuse ne laisserait pas quelque chose comme ça arriver, elle ne l’avait pas sauvé, il n’en n’avait pas réchappé pour rien, elle en était convaincue.

« Et si tu me disais ce qui te tracasse ? »

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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyJeu 25 Aoû - 13:30

Elandor ne put s’empêcher de sourire en entendant la voix légèrement rocailleuse. Cette voix qui l’avait éveillé, bercé, raccroché à la vie. Elle avait quelque chose d’une douceur infinie même si elle pouvait aussi être aussi tranchante qu’une lame. Grand-Mère savait faire passer dans ses intonations infiniment plus que ce que son visage ridé ne voulait bien laisser transparaître.
Ce son lui procurait un bien-être quasi immédiat. Sans doute s’était-il inscrit au fond de son cerveau comme le signe de sa renaissance ? Il apaisait ses peurs, le faisait se sentir un peu plus fort et surtout, l’empêchait de sombrer dans le doute et l’abysse qui s’ouvrait à quelques pas de lui. Un seul faux mouvement et la Dissidence pouvait s’éteindre aussi rapidement que la flamme d’une bougie. Malgré son réseau, l’Al’Faret portait sur ses épaules toute la puissance de cette armée de l’ombre et tous ses espoirs. Et malgré la Volonté d’Elandor et son éducation royale, cette responsabilité parvenait souvent à briser ses défenses et à l’effrayer. Il avait longtemps culpabilisé de se sentir plus faible mais il devait avouer que ses discussions avec la vieille femme l’avaient aidé à s’en départir. Il avait le droit d’avoir peur. Le courage n’est pas l’absence de peur, c’est une force qui permet de la prendre en compte et de la surmonter. Alors oui, Elandor avait peur. Pour lui, pour ses proches, pour Edor Adeï. Peur de mourir, peur d’échouer, peur d’être trahi. Mais il ne devait pas se laisser engloutir par ces idées-là. Il devait les garder à l’esprit et tout faire pour qu’elles ne se réalisent jamais mais aussi savoir les mettre suffisamment en retrait pour avoir la force de poursuivre sa quête. Il était destiné à un futur grandiose, il faisait partie des grands hommes d’Isle. Et celle qui lui faisait face en était également convaincue et savait le lui faire comprendre …

Cependant, avant de prendre le temps de le rassurer et de le conseiller, elle avait elle-même des questions dont les réponses devraient être claires et sincères dans les limites du secret imposé. Mais de toutes façons, avec elle, il savait que ses confidences seraient bien gardées et il n’y avait guère que ses projets les plus récents et les moins aboutis ou les plus dangereux dont il n’osait lui imposer le poids.
La bouche de l’ancien Gardan se tordit en un sourire gêné. A vrai dire, il avait complètement oublié le recrutement de la jeune fille en question … C’était le fait d’Elenor et il s’en était félicité aux vues de ses compétences, mais il n’avait pas songé à en avertir à son mentor …
Après un raclement de gorge gêné, il entreprit de faire ce qu’il avait toujours détesté faire : rendre des comptes.

« Hum … Je suis désolée Ajowan. C’est allé assez vite et ce recrutement est surtout le fait de Sipik. Lorsque nous avons eu l’idée de l’empoisonnement, son nom a naturellement été donné aux vues de ses compétences et j’ai omis de t’en faire part. Ce n’est pas un manque de confiance, tu le sais bien. Juste … un manque de temps ! »

Il s’interrompit, songeant alors qu’il aurait pu penser à elle-même pour cet empoisonnement … Si sa disciple avait de telle capacité, il savait que les siennes les supplantaient en tous points. Mais étrangement, il répugnait à en demander plus à celle qui avait déjà fait autant pour lui … Elle avait ses propres affaires et il savait son emploi du temps suffisamment rempli.

« Elle est très douée, mais ça ne m’étonne pas vraiment si c’est ton élève ! Sans doute aurions-nous pu songer à toi mais je te sais déjà que trop occupée par tes propres affaires. »

Ta présence m’est indispensable, à moi … Et je te demande tant d’attention … Je n’ai pas le droit de te forcer à vivre entièrement pour la Dissidence …

Cette pensée l’envahissait tout entier et c’est pourquoi il répugnait tant à aborder le sujet qui le préoccupait.
Mais le regard aiguisé de la guérisseuse n’aurait de cesse de le hanter s’il persistait dans son silence. Elle savait trop bien percer à jour l’ombre qui voilait ses yeux.
Que ne pouvait-il pas aborder des sujets légers sur sa santé, ses affaires, ses patients ? Une simple conversation, normale, basique, inintéressante mais loin des remous sombres de la Dissidence.

Un rire sans joie s’échappa de sa gorge.
« Tout me tracasse à présent, tu le sais bien … »

Elandor Arlanii, le jeune, le téméraire, le pédant, lui, il n’avait peur de rien. Rien ne lui posait problème, il fonçait sur droit devant, sur le chemin qu’il s’était construit et ne se préoccupait de rien d’autre. L’Elandor qui avait échappé à la mort, lui, était plus prudent. Il analysait, il réfléchissait, hésitait. Et cette faiblesse le terrassait. Il enviait celui d’avant qui écartait les tracas d’un revers de la main. Mais, en même temps, il savait que ce qu’il considérait encore comme une force avait causé sa perte … Il avait été aveuglé par sa propre puissance et n’avait pas su voir celle des autres, ces autres qui lui voulaient du tort. Sa nouvelle vision des choses lui permettait la prudence et l’humilité qui étaient devenues siennes. Il ferait un Gardan infiniment plus sage et plus raisonné qu’auparavant.

« Mais à vrai dire … A la dernière réunion, nous avons discuté plus en avant de R. B et A, côte à côte sont un symbole plutôt dangereux. Je ne sais pas si tu as eu le résumé mais l’idée prépondérante était de les monter l’un contre l’autre et une partie de la mission a déjà été mise en place. Mais reste un point qui me tracasse … Il nous faudrait des personnes capables d’approcher suffisamment B et A pour leur parler en personne, sonder leurs avis. Mais malgré les hommes infiltrés, je ne possède pas un tel pion à avancer sur l’échiquier … »

Il marqua une pause, réfléchissant aux détails cruciaux qu’il avait pu oublier. Mais il n’y en avait pas. En sa qualité de conseillère, Grand-Mère en savait déjà beaucoup sur l’affaire et elle n’était pas sans connaître les rouages tordus de la Révolution. A la fin de chaque réunion dissidente -qui se faisait de plus en plus dans l’intimité d’une cachette et avec peu de personnes présentes- une missive venait résumer les principaux points aux Dissidents les plus importants et à ceux concernés. Ajowan faisait partie des premiers et, même si elle se déplaçait jamais en personne, elle ne manquait jamais de faire passer ses idées à l’Al’Faret.

« S’il te vient un nom ou une idée … Sipik et Eléni planchent également sur la question mais nous sommes tous trois fort occupés et je sais à quel point tu peux parfois nous surpasser alors que nous errons dans le noir ! »

Un sourire franc accompagna cette dernière phrase. Il avait besoin d’elle et savait qu’elle répondrait présente. Quant à ce qu’elle penserait et ce qu’elle dirait, nul ne pouvait savoir si la teneur en serait la même.
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Onaria Dimitres
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyMar 27 Sep - 15:28

Grand-Mère était en pleine méditation sur tout ce que Lan venait de lui dire. Elle se savait de grande importance dans la Dissidence, non pas par son implication dans de nombreuses missions, mais plutôt par les conseils et sa présence pour Lan qui avait tant besoin d'elle, même de si longs mois après son « accident ». L'Al-Faret qui s'était échoué non loin de chez lui, à moitié mort, luttant de toutes ses maigres fortes n'était pas absent du meneur de la Dissidence. Dans son regard, elle lisait toujours cette peur sourde qui n'existait certainement pas chez lui avant. Il se savait faillible, mortel et cette peur le rongeait encore trop souvent. Si elle était nécessaire pour qu'il ne redevienne pas celui qu'il était auparavant et qu'il oublie la mission qu'il s'était donnée, Grand-Mère aspirait à ce qu'il trouve un certain équilibre et un repos de l'âme. L'affection qu'elle ressentait pour lui donnait envie de lui faire croire qu'il ne risquait plus rien, qu'elle était là pour le protéger, qu'il était à l'abri.

Plongée dans ses pensées, elle mit un certain temps à répondre à Elandor, mais elle savait qu'il ne s'en formaliserait guère, leurs conversations avaient toujours été comme cela. Lentes, posées, et aucun des deux ne parlait inutilement. Les grands et longs discours n'étaient pas la tasse de Grand-Mère, elle préférait parler peu et bien. Il fallait qu'elle commence par rassurer Lan sur ses sentiments quant au recrutement de Lell.

« Je ne peux pas t'en vouloir d'avoir recruté Belladone, ce sera un excellent élément, qui pourra me seconde dans ma tâche. Je ne peux que te féliciter d'avoir pris cette décision, ou Sipik puisque tu dis que c'est de son fait. »

Les informations qu'Elandor venaient de lui fournir sur la Révolution n'étaient pas nouvelles, Grand-Mère savait que le rapprochement entre Beltxior et Arngrim n'était pas une bonne chose pour la Dissidence, une Révolution unie était bien trop puissante par rapport à la Dissidence. Les seuls moyens à leur portée, c'était de travailler dans l'ombre, l'empoisonnement n'était qu'une première étape. Les Révolutionnaires affaiblis, c'était une bonne chose, mais rien de plus qu'un simple début. Il fallait travailler sur le fond, monter les Olarils contre les Ilédors, à leur insu. Leur faire penser que c'était leur propre idée.

L'Al-Faret avait besoin de quelqu'un qui puisse parler directement à Arngrim ou à Beltxior, sans intermédiaire. Même Éléni ne pouvait prétendre à cette mission, mais elle, Grand-Mère, avait un don. Ce don lui permettrait d'approcher suffisamment l'un des deux meneurs pour pouvoir, comme Elandor le lui demandait, sonder l'opinion de Beltxior sur l'arrivée des Olarils, et si l'occasion se présentait, lui faire comprendre que rien de cela n'était à leur avantage. Il serait simple pour elle d'approcher le meneur de la Révolution sous couvert de son métier : Guérisseuse. Une fonction dont ils avaient bien besoin depuis quelques jours. Sa réputation de guérisseuse dépassait les quartiers humbles, et peut-être même les murs de la ville. Les Révolutionnaires ne pourraient refuser son aider, et si l'empoisonnement n'était pas une excuse suffisante, elle pouvait toujours apporter son aide pour les blessés des combats et tous les autres malades qui vivaient dans ce camp crasseux.

La vieille femme savait qu'il n'osait pas vraiment lui demander une telle chose directement, parce qu'il avait l'impression de lui devoir beaucoup. Or elle ne se trouvait pas toujours assez impliquée dans ce qu'elle avait contribué à créer. C'était ici pour elle l'occasion de faire autre chose, et nul n'était aussi bien placé qu'elle pour cette mission, elle était de loin celle qui courrait le moins de risques à s'approcher autant de l'Olarii parce qu'elle avait plus qu'une couverture, mais une véritable raison pour être à ses côtés.

« Tu le sais aussi bien que moi que l'homme dont tu as besoin pour cette mission, c'est une femme et c'est moi. Cette maladie est l'occasion rêvée pour approcher B. qui ne se doutera de rien. Je suis celle qui risque le moins à entrer chez eux, je ne ferai pas une simple infiltration, je serai celle qui va l'aider dans un moment où tout semble s'effondrer alors que la victoire leur était promise. Je suis douée pour écouter, je comprendrai ce qu'il me dira à demi-mots, je serai pour quelques temps, une mine d'or d'informations, et je pourrai également lui faire comprendre que la présence d'A. à ses côtés n'est rien d'autre qu'une usurpation qui ne peut plus durer. »

Oui, c'était la meilleure solution, et de loin, personne d'autre dans la dissidence ne pourrait approcher les meneurs de la Révolution sans être immédiatement arrêté ou repéré.

« Quand souhaites-tu que j'y aille? »

Une phrase simple, mais qui cachait beaucoup de choses, c'était sa manière à elle de lui montrer qu'elle aussi s'investissait dans ce qu'ils avaient créés, de montrer qu'elle était là pour lui, et pour tous les autres s'ils en avaient besoin.
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Elandor Arlanii
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptySam 19 Nov - 18:18

Contrairement à toutes les discussions qu’il pouvait avoir avec Eléni ou Sipik, Lan savait que celle-ci serait calme et posée mais malgré tout très instructive. C’est pourquoi il laissait Grand-Mère parler sans jamais l’interrompre. Il essayait se saisir les moindres variations de son ton et se penchait toujours plusieurs fois sur les mots qu’elle employait. Lire entre les lignes étaient parfois une tâche ardue … Ajowan n’avait certes pas à imposer son avis à l’Al’Faret, mais elle se permettait toutefois de laisser parfois entrevoir son désaccord sur certains points. Si le chef Dissident n’était pas sûr de s’y plier, il était certain qu’il lui fallait entendre cet avis divergent. Réflexion, précision et … patience.

Le seul endroit où il possédait pleinement cette précieuse qualité, c’était ici, dans cette arrière boutique mystérieuse, face à sa non-moin secrète propriétaire. Qu’il rentre tard n’avait pas vraiment d’importance. Il était certes épuisé mais ce calme lui faisait sans doute plus de bien que la nuit agitée qu’il passerait.
C’est pourquoi il attendit patiemment la réponse de Grand-Mère même s’il jugea inutile de surenchérir. Elle avait compris et l’excusait, il n’y avait pas à revenir là-dessus.

La suite de la conversation, en revanche, l’intéressait davantage … Et, une fois ses quelques explications données, c’est dans un silence religieux qu’il guetta les réactions de la vieille femme. Elle regardait dans le vague mais lui, fixait son visage ridé mais sans aucune intention d’irrespect.
L’idée de base la séduisait, il en était sûr et cela le rassura. Elle pensait donc que c’était possible, qu’affaiblir la Révolution de l’intérieur était à leur portée. Certes, Elandor défendait cette idée avec hargne mais il ne pouvait s’empêcher de douter quant à sa réalisation. Le plan de l’attaque et de la lettre était en cours mais les choses avançaient trop lentement à son goût … Seul l’empoisonnement avait été une réussite complète et il ne voulait pas s’arrêter en si bon chemin …
Cependant, la réponse de sa conseillère le surprit. Peut-être avait-il déjà songé à elle dans les tréfonds de son esprit, mais il n’avait jamais osé se poser consciemment la question.
Sa première réaction fut un rejet violent de l’idée et il dut se retenir à grande peine de le lui faire remarquer.
Que deviendraient-ils, si ELLE, se faisait prendre ? ! Que deviendrait-il, LUI ? ?
Il s’efforça de se calmer et de l’écouter jusqu’au bout. Il devait avouer que le plan était excellent … On ne pouvait pas ne pas faire confiance à Grand-Mère. Quelque chose en elle semblait vous dire qu’elle était au-dessus de tous les camps, que son intérêt était ailleurs que dans la lutte politique qui se tramait. Qui pourrait croire qu’elle appartenait à la Dissidence ? Elle travaillait dans le Quartier des Humbles et soignait quiconque le lui demandait … Cela n’avait rien à voir avec les rêves de grandeurs et de puissance auxquels aspiraient les Dissidents. Sans doute même devait-elle sembler bien plus proche des Révolutionnaires …
Elandor secoua la tête à mesure que la vérité s’insinuait en lui. Elle avait raison et était quasiment protégée par son métier et sa position. Mais il ne pouvait s’empêcher de craindre qu’il ne lui arrive malheur …

De toutes façons, la vielle femme ne supporterait aucun refus, songea-t-il en regardant son visage déterminé et ses yeux, à présent fixés sur lui.
Il soupira, secoua la tête puis se décida à parler. Rien de ce qu’il pourrait dire ne lui ferait changer d’avis mais, au moins, il pouvait la convaincre d’être de l’importance qu’elle avait pour lui.

« Au même titre qu’Eléni ou Sipik, tu m’es indispensable. Il est inutile que je te décourage ou même que je te conseille d’être prudente mais sache que tu es plus importance que cette mission. Si jamais tu as seulement l’ombre d’un doute, je voudrais que tu reviennes à Edor Adeï. »


On ne disait pas « je veux » ou « je t’impose » à Grand-Mère. On pouvait seulement essayer de lui montrer à quel point cela comptait … Il avait essayé de ne pas se montrer trop sentimental et d’axer son discours sur l’utilité de la Guérisseuse au sein de la Dissidence mais il savait qu’elle sentirait son inquiétude.

« B. n’est pas aussi stupide qu’il en a l’air et il doit sans doute se montrer très méfiant … Si jamais le courant ne passe pas, n’insiste pas et contente-toi de jouer ton rôle de guérisseuse. Je sais que, même dans ce cas, tes oreilles traînantes seront une mine d’or pour nous. »


Il avait assorti sa remarque d’un clin d’œil espiègle. La vieille dame en savait toujours beaucoup plus qu’elle ne voulait bien en dire et il la savait sans doute bien plus efficace que n’importe lequel des espions d’Eléni !

« Sinon, ta ligne de conduite est simple. Il te faut convaincre B. de faire de toi sa confidente et, si possible, sa conseillère. Instille le doute dans son esprit. A. cherche à lui voler sa place et à devenir le seul Maître de notre joyau. »

Il était plus logique qu’elle s’attaque au versant Ilédor, Beltxior ayant sans doute d’ores et déjà entendu parler d’elle. Sa réputation serait le meilleur passe que la Dissidence pouvait espérer.

« Tu peux partir dès que tu seras prête. Il faut profiter de l’empoisonnement. Essaie aussi, si tu le peux, de recueillir leurs impressions sur ce fait, leurs doutes. Il serait dommage qu’ils ne nous croient pas entièrement concentrés sur le Conseil … »

Il se tut, ne sachant ce qu’il devait ajouter. Prends garde à toi ? Fais bien attention ? … Inutile. Alors quoi ? Je te remercie de tout cœur d’être là pour moi ? Trop sentimental … Il lui avait déjà fait comprendre qu’elle était un pivot de la Dissidence et sa pudeur l’empêcher d’en dire plus. Soit, il se concentrerait donc sur les détails techniques …

« Tu as d’autres questions ? Des points à aborder ? Je te ferai parvenir les rapports de nos espions infiltrés dès que possible … »



C'est pas bien brillant mais j'espère que ça aidera à faire avancer les choses :s


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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyLun 20 Fév - 11:39

Grand-Mère resta songeuse quelques instants quand Elandor eut fini de parler. Depuis le début, elle était consciente de la confiance sans bornes qu'il lui accordait et cela lui avait toujours semblé normal. Après tout, n'était-ce pas elle qui lui avait sauvé la vie, Qui avait soigné non seulement ses blessures mais également son orgueil ? La vieille femme savait que c'était une mission pour elle, qu'elle pourrait mener à bien quelle que soit la situation. Elle ne craignait rien, mais elle eut soudain la conscience accrue que Lan comptait sur elle plus que sur n'importe qui d'autre, parce qu'à elle, il pouvait tout dire. La Guérisseuse était devenue une sorte de mentor pour lui, de personne ressource chez qui cherche le courage de continuer la lutte, encore et encore, peu importe le nombre de revers qu'il essuierait. Si son orgueil était flatté, elle se rendait compte que cette dépendance n'était pas à son avantage. Si elle venait à disparaître, chez qui pourrait-il se réfugier quand plus rien n'irait ? Elenor était un membre fidèle et important, tout comme Éléni, mais jamais Lan ne pourrait leur raconter tout ce qu'il lui racontait à elle...

Les conseils que l'Al-Faret lui prodiguaient n'étaient pas vains, contrairement à ce qu'il semblait penser. Pour lui, pour la Dissidence, pour leur avenir à tous, elle serait prudente. Ou tout du moins, elle ne prendrait pas de risques inconsidérés. Non pas qu'elle avait l'habitude de faire des folies, mais la vie des autres passait avant tout, avant même sa propre vie dans certains cas. Sauver une vie représentait un risque, un risque s'il ne survivait pas et que la famille veuille se venger, un risque s'il était reconnu comme d'une faction politique opposée au régime, la délation était courante en ces temps de troubles. Il y avait toujours un risque, plus ou moins grand, à donner sans compter pour les autres. Aller dans le camp Révolutionnaire n'était pas anodin, si Grand-Mère n'était pas connue comme dissidente, elle allait cette fois prendre un risque visible en allant soigner un Révolutionnaire, et pas n'importe lequel. Peu à peu, la Guérisseuse prenait conscience de ce que tout cela impliquait pour elle, pour la Dissidence, pour Lell, et pour tous les autres qui comptaient sur elle. Comprenant l'angoisse que l'Al-Faret pouvait ressentir en lui proposant la mission, elle décida de le rassurer un peu.

« Je ne prendrai pas de risques inutiles, je te le promets. S'il s'avère que les choses tournent au vinaigre, je partirai. Une fois que j'aurai pris connaissance des derniers rapports, j'irai là-bas, demain en fin de journée probablement. Je pense que tout ira bien. »

L'homme qu'elle avait en face d'elle semblait plus fatigué que jamais, comme usé par une vie trop longue alors qu'il était dans la force de l'âge. Ni lui, ni elle, n'avaient réellement mesuré les conséquences du choix de la lutte clandestine. Et comment l'auraient-ils pu ? Aujourd'hui, après des mois et des mois de missions, de recherche, de discrétion, des mois à se fondre dans le décors et la masse pour mieux entendre, mieux écouter la voix du peuple, ils étaient à bout, avec cependant l'énergie pour continuer la lutte. Ne pas abandonner, continuer pour eux, mais aussi, et surtout, pour les autres. Tant de gens comptaient sur eux, même sans le savoir. L'inertie à laquelle ils semblaient faire face depuis le début du siège n'était qu'une illusion. Oui, la situation officielle ne bougeait pas, Ysor était toujours le pantin du Conseil, Beltxior n'était pas prêt de faire tomber la ville, et pourtant... Pourtant la lutte continuait, régulièrement, de nouveaux partisans rejoignaient leur cause et se battaient dans l'ombre avec eux. La Dissidence faisait porter sa voix haut et loin. L'Al-Faret avait peut-être besoin de l'entendre, que quelqu'un lui rappelle que rien de tout cela n'était vain. Que tout cela en valait la peine.

« Peu importe le temps que cela prendra, peu importe les revers que nous essuierons encore. Nous sommes forts, un peu plus forts chaque jour, et tu le sais. Même si ce doit être à l'usure, ils finiront par céder. Tu es le souverain légitime de cette ville, alors continuons à nous battre pour te rendre ce qui te revient de droit. J'ai confiance en l'avenir, je suis suffisamment vieille pour savoir ce qu'il peut nous réserver... »

Ses rides se creusèrent un peu plus quand elle incurva ses lèvres dans un sourire d'encouragement. Il ne fallait pas perdre espoir, pas maintenant. Il y avait encore tant à faire, tant à gagner. Et si peu à perdre...
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyDim 15 Avr - 20:10

Elandor acquiesça silencieusement. Le lendemain soir, cela serait parfait. Elle pourrait profiter des dernières affluences au marché pour se glisser dans la masse et se faufiler parmi ceux qui passaient de l’autre côté, avec discrétion et prudence. Les Dissidents avaient eu beaucoup de mal à infiltrer ces passeurs mais ils y étaient parvenus. Certes, leur présence était dérisoire, mais elle leur apportait des informations cruciales, en particulier sur la manière de s’introduire dans le clan Révolutionnaire.
Quant à la promesse de Grand-Mère, il choisit de la croire entièrement et se sentit immédiatement rassuré. Il y avait quelque chose dans sa voix qui appuyait ses paroles. Si elle pensait que tout irait alors tout irait bien.
S’il avait ressenti ça pour toute autre personne, Elandor se serait trouvé stupide. Mais la fois qu’il accordait à cette femme était aussi irréelle que le miracle qu’elle avait accompli pour lui.
Tous les hommes, même les plus réalistes, avaient besoin d’une part de superstition dans leurs vies, en particulier les grands dirigeants de ce monde.

Elle était son totem, elle était la voix qui résonnait en lui lorsqu’il sentait l’abattement l’envahir.
D’ailleurs, ne venait-elle pas de l’encourager à nouveau ?
Il esquissa un sourire en réponse au sien même s’il regrettait de ne pouvoir adhérer entièrement à ses paroles.
Oui, il allait continuer à se battre, non, il n’allait pas baisser les bras ! Mais il se sentait si … fatigué.

Il laissa échapper un soupir aux accents cyniques.
« Tu sais, parfois, j’ai le sentiment que tout cela est vain. Je sais que c’est faux mais la tâche me paraît si difficile … Je n’ai pas été élevé pour me battre. J’ai été élevé pour régner, pour ordonner et me faire obéir. Jamais mon éducation ne m’a préparée à ce que j’endure … Rester cacher dans la fange, agir dans le plus grand secret, accepter de ne pas m’exposer au grand jour, me résigner à n’être qu’un mort pour tous ceux que j’ai connus. »

Il secoua la tête. Il n’était pas aveugle. Il avait vu la vie que menait le peuple d’en bas. Il avait vu la misère, le manque de nourriture, le froid et la peur. Il avait conscience de la chance inouïe qu’il avait eue en naissant parmi les grands de ce monde. Il savait qu’il se comportait en enfant gâté lorsqu’il se plaignait de sa situation actuelle. Mais, justement, tomber aussi bas dans l’échelle sociale le perturbait et le rendait amer.
Il aurait pu changer de ligne de conduite, décider alors de devenir le défenseur des pauvres et des opprimés. Au lieu de cela, il ne pouvait s’empêcher de les détester … De haïr leur servilité, leur renoncement.
Il savait qu’il allait devoir compter avec eux. Il avait même déjà songé à des projets de lois les concernant … Il ne pourrait les laisser pour compte comme il l’avait fait lors de sa première accession au trône, pas après avoir vécu leurs vies … Mais comment les aider alors qu’il les méprisait ? !

Comment le lui dire sans la vexer ? Elle qui les côtoyait, les soignait, les aimait.
« Je n’ai jamais été un défenseur du peuple, Ajowan. Ca n’a jamais été dans mes projets d’abroger les droits de la Noblesse. Mais … Je vis parmi eux. Et la seule chose qui me fait supporter cette puanteur ambiante, c’est le fait de savoir que ce sera bientôt fini pour moi. »
Il la fixa droit dans les yeux.
« J’aurai besoin que tu m’aides. Cette tendresse que tu as pour eux, je ne l’aurai jamais. Je veux retrouver mon trône, ma Noblesse et nettoyer notre ville des abjects qui la gouvernent. Je n’ai jamais eu pour ambition de réformer tout notre système politique. Mais, si je veux que mon projet aboutisse, si je veux qu’Edor Adeï resplendisse et qu’on se souvienne de cette ère du peuple Ilédor comme une ère de richesses et de gloire, je dois leur venir en aide.

Tu les connais, tu les côtoies. Tu sais ce qu’ils réclament et ce qu’ils veulent. Tu sais quoi faire pour améliorer leurs conditions de vie. J’aurai besoin de toi à mes côtés lorsque je serai à nouveau Gardan. »


S’occuper de la base de la pyramide pour en élever le sommet … Il est vrai qu’il n’en aurait jamais eu l’idée s’il n’avait pas vécu ce déshonneur, cette abomination. Deviendrait-il un meilleur dirigeant grâce à cette expérience ?

En réponse aux paroles de la vieille femme, il n’avait pas évoqué la possibilité d’échouer. Toujours voir le futur, la réussite, c’était la seule façon qu’il avait de ne pas renoncer. Il laissait le doute à ses proches ou à ses ennemis ; lui ne pouvait pas se le permettre et c’est ce qu’elle venait de lui faire comprendre !


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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptyVen 17 Aoû - 20:01

La détresse de Lan toucha le cœur de la vieille et elle sentit un élan de tendresse la traverser mais son orgueil, au même titre que celui de l'Al-Faret, lui interdisait de se laisser porter par ce genre d'élan. Si Lell était parfois la fille qu'elle n'avait jamais eu, le lien qui l'unissait à l'homme à ses côtés était bien différent. Mélange d'admiration réciproque et de respect, de confiance et de peurs partagées, ils partageaient plus que de l'amitié, plutôt un besoin l'un de l'autre. Grand-mère donnait à Lan les conseils et la confiance en lui dont il manquait désormais, il lui donnait une raison de vivre et de se battre, un idéal à défendre, une vie, tout simplement.

Elandor avait été un enfant gâté, à qui la vie avait tout donné : un confort matériel, une femme à aimer, des enfants, un trône pour lequel il était destiné depuis sa naissance, et voilà qu'on lui avait tout pris, il ne lui restait plus rien de son passé, plus rien de sa vie antérieur à part l'orgueil et les souvenirs. Mais si sa vie ne lui avait pas été arrachée par certains, il n'aurait été qu'un Gardan Edorta parmi tant d'autres, charismatique, certes, mais inconscient des malheurs de son peuple, inconscient du mal qui rongeait sa cité en pleine déchéance. Grand-mère voyait cette tentative d'assassinat comme une chance pour Elandor Arlanii de se faire un nom et d'entrer réellement dans l'Histoire. Si tout se passait comme prévu il serait celui qui a restauré la paix dans ce monde, le premier roi depuis bien des siècles à se soucier des besoins de son peuple.

L'Al-Faret était la chance du peuple, celle de se faire entendre et écouter, d'avoir quelqu'un pour les aider. Que celui-ci même n'eut pas de réelles convictions ou de mauvaises convictions n'importait pas tant. Ce sont nos actes qui définissent qui nous sommes, et les choix que nous portons, pas nos convictions intérieures, celles que personne n'entend jamais à de rares exceptions près. Elandor n'était pas l'homme le plus admirable ou le plus généreux qu'il avait été donné à Grand-mère de rencontrer au cours de sa vie, mais il était probablement le plus capable d'entre tous, celui qui pouvait changer le cours des choses bien plus qu'un Ysor ou un Beltxior.

« Qu'importe tes motivations pourvu que tes moyens soient nobles. Je te connais, je sais que tu n'aspires qu'à retrouver la place qui est la tienne, et ce, à n'importe quel prix. Mais alors que tu aurais pu faire un retour tonitruant au palais voilà quelques mois, tu as choisi de te fondre dans la masse, de ne pas réclamer ton trône au nom du droit du sang mais bien au nom de ce même sang que tu auras versé pour un cause qui te dépasse de loin. Si nous réussissons, si la Dissidence l'emporte, alors ton nom sera inscrit dans l'histoire avec un grand « H ». Et Edor Adeï se souviendra de toi comme le Gardan Edorta qui a rendu à la ville sa splendeur d'antan. »

L'orgueil d'Elandor l'avait poussé à accepter de créer la Dissidence au nom d'un objectif qui n'était pas le sien à l'origine, mais qui lui permettait de servir sa cause. Embrasser cette cause, c'était l'occasion de passer à la postérité, de se rendre indispensable auprès de son peuple qui ne tolérerait plus alors que l'on touche à son roi.

« Quant à ta proposition de rester à tes côtés une fois que la lutte sera terminée, tu sais que je peux pas accepter. Mes patients ont besoin de moi, alors que toi, une fois là-bas, des dizaines de personnes se presseront pour te conseiller. Elenor sera là pour toi à ce moment-là, mais ce n'est pas mon rôle. Tu sais que tu seras toujours le bienvenu ici, autant que tu le désires, mais ne me demande pas de quitter mes patients et la vie que j'ai construite ici. Ma place n'est pas dans un palais, je suis bien trop vieille pour cela. »

Grand-mère avait vu la souffrance infligée par les privilégiés aux plus pauvres de la ville. Elle avait vu ce que le manque de nourriture pouvait faire comme ravages, elle avait vu combien il était difficile pour certains de survivre dans une misère profonde alors que la Noblesse se prélassait dans son or. Toute orgueilleuse qu'elle était, Grand-mère n'était pas égoïste, et son cœur avait été touché. Qu'Elandor ne soit pas capable de la même compassion ne l'étonnait pas, car ce qui le maintenait en vie, c'était le désir de se venger, de récupérer ce qu'on lui avait volé. Peut-être un jour changerait-il et comprendrait-il que c'était aux miséreux qu'il devait sa vie et sa renaissance. Pour le moment, rien de tout cela n'avait d'importance, si chaque jour la Dissidence se renforçait, la guerre n'en n'était pourtant pas encore gagnée. La route était encore longue devant eux et malgré son âge et ses rides, Grand-mère avait toujours la force et la Volonté de se battre.
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MessageSujet: Re: Tire la cordelette et le loquet se lèvera   Tire la cordelette et le loquet se lèvera EmptySam 25 Aoû - 16:21

Elandor esquissa un sourire. Comment une femme au corps si vieux pouvait-elle avoir un esprit si vif ? Elle décelait les nuances là où lui ne voyait qu’une brume compacte. Soutenir les Humbles n’avait jamais été son cheval de bataille mais il comprenait enfin qu’il était nécessaire pour lui de s’occuper de ce sujet épineux. En leur accordant quelques droits et une vie moins sévère, il s’assurerait d’une foule puissante pour le soutenir.
Restait le problème des Révolutionnaires qui avaient, bien trop souvent, le soutien du peuple à son détriment.

« Je serai prêt à faire des efforts dans ce sens si cela peut servir mes objectifs et j’ai conscience que ce sera le cas. Edor Adeï ne s’élèvera jamais si les plus pauvres continuent de vivre dans un tel dénuement. Mais les idées révolutionnaires sont déjà bien ancrées dans leurs cœurs et je ne pourrai les conquérir qu’en leur proposant des lois concrètes et réalistes. C’est en cela que tu peux m’aider. Aucun des Nobles du palais n’en sera capable aussi bien que toi. Je ne te demande pas de quitter tes patients ni ton travail que tu aimes tant. Je ne te demande pas non plus de venir vivre au Palais à mes côtés mais j’aurais besoin de ton avis. Je ne peux décemment pas inviter un Humble au Conseil. Toi, je saurai te faire accepter … »

Il marqua une pause, laissant les idées filer dans son esprit.

« A moins que tu n’aies quelqu’un à me proposer. D’assez proche du Peuple pour comprendre ses besoins et ses rêves, mais également assez éduqué et intelligent pour siéger au Palais. »

Un rire léger lui échappa.

« Encore faudrait-il qu’un jour nous réussissions à remettre les pieds dans ce fameux Palais !

Tu sais … J’en rêve parfois la nuit. Je revois ma chambre, les couloirs, la salle du Conseil. J’aimais ça. Gouverner, vivre dans l’opulence. Même si j’ai abandonné mes habitudes de Noble et que je ne les reprendrai pas toutes, je sais que j’étouffe ici. Mais le seul moyen d’en sortir est de porter un coup décisif au Conseil et aux assaillants de la ville.

Je sais que rien n’est encore fait mais j’y crois et, dans mon esprit, mon futur gouvernement prend place peu à peu. Je n’aurai jamais réussi à le construire si je m’étais contenté de ce que j’avais avant. Je me serai, certes, opposé au Conseil mais jamais je ne l’aurai dissout. Je n’en avais pas la force ni même l’idée. Je l’aurai transformé mais cela aurait été dérisoire. Aujourd’hui, même si certaines choses me restent à définir, j’ai une ligne de conduite, une vraie. Je sais ce que je veux et parfois aussi, comment l’obtenir.

D’ailleurs, ta confiance en moi m’honore et me conforte dans cette idée : je peux devenir un vrai Gardan Edorta. »


Et à ses côtés, Elenor serait là, en effet, mais pas de la façon dont Grand-Mère le pensait …
Lui révéler ? Après tout, elle savait déjà tout de lui. Ses fiançailles avec Bellone, elle les avait découvertes alors qu’il hurlait son nom pendant ces nuits agitées où la fièvre le faisait délirer. Avait-elle compris, elle, cette force puissante et insurmontable qui l’avait empêché d’aller la retrouver immédiatement ? De lui apprendre sa survie et, en même temps, de lui révéler la médiocrité du nouvel Elandor ? Elenor ne le lui avait jamais dit clairement mais il savait qu’elle le lui reprochait. Après tout, Bellone était sa meilleure amie. Elle lui en voulait de la faire souffrir, et ce devait être pire maintenant. Et s’il revoyait la Générale, comment pourrait-elle comprendre qu’il ait demandé en mariage sa meilleure amie avant même d’aller la retrouver, elle ? Elle penserait que son amour avait été factice, que ce qu’ils avaient vécu n’était rien pour lui.

Lance passa sa main sur son visage, conscient que ses traits devaient refléter sa tristesse, son désarroi et sa lassitude …
Il releva les yeux vers elle, plongea son regard dans le sien.
Soutiens-moi ; ne me juge pas toi aussi …

« Je vais épouser Elenor. Je l’ai demandé en mariage sous la contrainte d’Amarante qui a réussi à me retrouver. »

Comment lui expliquer en quelques mots cette journée si éprouvante ? La réaction du Lion, de sa mère et celle, déchirante, d’Elenor ?

« Elle a accepté à contrecœur, je le sais. Et moi, j’ai détruit la femme que j’aimais. »

Sa voix s’étouffa dans sa gorge et il prit conscience qu’il ne pourrait aller plus loin. Il avait été si facile d’ignorer sa douleur alors qu’il se concentrait sur des sujets concrets et d’une importance extrême. Mais penser à cette décision suffisait à faire renaître le malaise extrême.
Il baissa les yeux, attendant la sentence. Dans sa sagesse, comprendrait-elle son choix ou ne ferait-elle que confirmer ce que semblait penser Elenor, à savoir qu’il était pleinement responsable de tant de souffrance ?
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