Les Tables d'Olaria
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 La corde au cou

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Gribus Sandragil
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MessageSujet: La corde au cou   La corde au cou EmptySam 6 Avr - 21:46

L'après-midi était déjà bien engagé, le soleil déclinait dans le ciel d'Edor Adeï, et tandis que le bourdonnement des prières et des criées s'élevait du Quartier Religieux, Gribus Sandragil, chef de sa maison, étudiait son reflet dans l'eau de la Lux Major et essayait de comprendre pourquoi il se sentait mal à l'aise.

Les familles s'étaient accordées sur un mariage en fin de journée. Les Arcarian n'étaient pas dans le besoin, mais ni eux ni les Sandragil ne voulaient d'une réception durant une journée entière ; de telles extravagances auraient semblé de mauvais goût, avec la ville en plein siège et les réserves toujours rationnées. Le moment venu, tout le monde s'était rassemblé sur le parvis du Sanctuaire, pour attendre l'aval du prêtre et le début des épousailles. Les parents s'étaient mis d'accord pour accorder à leurs enfants une chance de se rencontrer avant de prononcer leurs voeux, et le jeune albinos attendait sa future à l'entrée du Jardin du Sanctuaire, l'esprit étonnamment vide.

Tout s'était passé si vite...Eléni l'avait averti, mais Gribus n'avait pu s'empêcher d'être incrédule lorsqu'il était entré chez sa mère, pour s'entendre dire qu'il se marierait d'ici la fin de la semaine. Il avait pu voir que Sesha essayait de contenir son enthousiasme, mais il avait souri pour lui faire plaisir et l'avait écoutée raconter l'histoire d'une voix incrédule. Enlil Arcarian lui offrait la main de sa fille, Charis. Ce nom lui arracha un moment d'incompréhension ; à bien y réfléchir, il ne comprenait pas pourquoi cela l'avait surpris, pourquoi la nouvelle lui en avait paru plus étrange. Quelle différence cela faisait, qu'il épouse une inconnue ou une fille à qui il avait parlé quelques instants ?

Etait-ce pour cela qu'il se sentait si bizarre ? Gribus se posa la question en trempant vaguement ses doigts dans l'eau. Le vent murmurait à travers les arbres du jardin et le parfum des fleurs lui parvenait depuis les haies, aussi diffus que ses pensées. Il avait tenté de comprendre, de mener l'enquête. Avait-il tant plu à la jeune noble ? Avait-elle demandé à son père d'arranger les noces ? Non, c'était absurde : Enlil Arcarian était réputé comme avisé et pragmatique, il n'accepterait pas un parti si peu avantageux juste pour le béguin d'une adolescente. Etait-ce une manoeuvre politique, l'avait-on obligé à marier sa fille à un simple scribe pour l'humilier ? Si c'était le cas, le respectable commerçant n'en laissait rien paraître : lui et Gribus s'étaient rencontrés il y a quelques instants, et il l'avait traité avec une bienveillance détachée, sans mépris ni frustration. Sesha était tombée d'accord avec son fils, ce mariage soudain était atypique, mais il n'y avait aucun moyen d'en savoir plus : quand elle lui avait demandé pourquoi, Enlil avait simplement répondu qu'une personne de confiance le lui avait recommandé. Les Sandragil n'étaient pas grand chose face aux Arcarian, ils ne pouvaient pas refuser les noces sans en encourir les conséquences, et il aurait fallu être fou pour se détourner d'une occasion pareille.

Gribus s'était également dit cela, pensant que l'occasion était même trop belle. Peut-être que ce mariage dissimulait un complot pour lui nuire ? Ou pour nuire à sa famille ? A moins que lui-même ne soit qu'un instrument pour nuire aux Arcarian ? Il avait mis les quelques jours à profit et avait tenté de se renseigner, mais n'avait rien déniché. Eléni était introuvable et ses quelques contacts faisaient chou blanc. Si quelqu'un tentait de l'utiliser contre la Dissidence, Eléni l'aurait senti venir à coup sûr, et elle l'aurait mis en garde contre ce mariage, plutôt que de simplement l'en informer. Et il paraissait étrange que la Dissidence tente de lui nuire de manière si détournée : si Gribus leur déplaisait, ils n'avaient qu'à le faire tuer ou menacer sa famille un peu plus. Non, tout portait à croire que ce mariage était honnête, si étrange qu'il puisse paraître.

Mais si ce n'étaient pas les circonstances qui étaient louches, alors qu'était-ce ? Gribus retourna la question dans sa tête avec une lenteur hébété, comme s'il était à moitié étourdi. Il s'assit sur le bord du bassin et se passa les mains sur le visage. Il se retourna et se regarda dans l'eau. Sa livrée de marié était superbe, plus belle encore que les habits qu'il portait à la Cour en tant que scribe royal. Le tissu venait de Verdoya, cousu de fils d'argent, et un blason ornait l'étoffe au niveau de son coeur. Un champ d'argent, une chape de gueules orné d'une plume d'or. Le scribe passa un doigt dessus, se demandant, bêtement et pour la centième fois, s'il avait bien choisi. Il avait passé des années à étudier l'héraldique, mais tout lui avait semblé flou lorsqu'était venu le moment de choisir. Il avait presque été tenté d'orner la chape d'une alouette, mais il était vite revenu à la raison. Son blason, à présent, celui de sa famille, et celui de tous ses descendants pour les années à venir. La tunique lui semblait lourde, pesant sur ses épaules.

Gribus aurait pu se dire que ce n'était pas ainsi qu'il s'imaginait son mariage...mais le problème, c'était qu'il n'avait jamais imaginé son mariage. A vrai dire, jusqu'à ce que Nisa lui raconte sa dévotion désespérée à Morghan Jagharii, il n'avait jamais songé au mariage, ou même à son avenir. Il n'aurait su dire pourquoi, mais pour lui, l'avenir s'arrêtait au prochain mois, à son prochain salaire et au prochain moment où sa mère devrait payer le loyer. C'était ça, son avenir, travailler dur pour aider sa mère et continuer à veiller sur elle. Sesha lui avait toujours dit qu'il faudrait songer à fonder une famille, un jour, mais il ne l'avait jamais vraiment écoutée.

Bien sûr, il n'était pas idiot, il savait qu'un jour, il devrait se marier, mais c'était une formalité à ses yeux, un devoir comme un autre. Il épouserait une bourgeoise quelconque, aurait quelques enfants et devrait travailler pour les nourrir aussi, mais ce n'était pas ça l'important. De ce point de vue, ce mariage arrangé aurait dû paraître miraculeux. Se marier ôterait plusieurs soucis à Sesha, et le fait de s'unir à une famille de nobles résoudrait tous leurs problèmes financiers. Oui, il ne connaissait pas du tout sa future, mais c'était plus que fréquent au jour d'aujourd'hui, et quelle importance qu'elle soit grande ou petite ? Elle était noble et riche. Oui, ce n'était pas lui qui avait payé la tunique ou la cérémonie, mais qu'importe ? L'important, c'était de gravir les échelons et d'être à l'abri du besoin, pas d'y arriver à la sueur de son front ou par un autre cliché sans utilité. Son reflet était différent, ses vêtements avaient changé et il avait une image sur la poitrine, mais c'était toujours lui. Rien n'avait changé, n'est-ce pas ?

Gribus se releva et épousseta ses vêtements, lissa ses cheveux et se retourna vers le jardin, pour ne pas laisser les invités voir ses doutes. Exaspéré par ses propres pensées, il secoua la tête et fit quelques pas vifs en direction des haies. Ce mariage était un pas de géant en avant pour sa famille, et rien n'indiquait un coup fourré, alors pourquoi avait-il des états d'âme ? Pourquoi ne pouvait-il pas l'apprécier sereinement et songer posément à la suite ? Oui, il devait bien l'admettre, il était quelque peu frustré que tout ceci lui soit tombé dans le gosier. C'était un don d'une personne au-dessus du lui, et il avait récemment appris à se méfier comme de la peste de puissants et de leurs caprices. Mais c'était une occasion, tout comme son poste de Scribe royal, et il n'avait qu'à la saisir et en profiter autant qu'il pourrait. Hors de question de priver sa famille d'un titre de noblesse juste pour son peu de fierté !

Mais pourtant, il manquait quelque chose. Ce n'était pas tout à fait comme son poste à la Cour, ou même comme son recrutement forcé dans la Dissidence. On l'entraînait de nouveau dans quelque chose sans lui demander son avis, mais c'était la première fois qu'il se sentait si...affecté. Lorsqu'on lui avait dit qu'Elandor était mort, il avait été choqué, mais il s'en était vite remis. Un roi meurt, un autre le remplace. Et même s'il avait perdu son poste, il pourrait en trouver un nouveau. Ce n'était rien. Lorsque le même Elandor, bien vivant, lui avait dit qu'il devait le servir ou voir sa famille payer le prix, Gribus s'était senti acculé, terrifié, mais il ne s'était pas laissé dominer. Dès le début, il avait songé à une échappatoire, il s'était dit qu'il saisirait la première occasion de trahir, de tuer Elandor, de s'évader d'une manière ou d'une autre. Rien de tout ça n'avait touché son coeur.

Il regarda de nouveau son blason, et les mots lui vinrent d'eux-mêmes aux lèvres. Il y avait là une force qu'il connaissait, mais qui possédait à présent un visage et un nom. Ce n'était pas quelque chose qu'il pouvait quitter et remplacer comme ça. Il ne pouvait pas y échapper ni la trahir. Ce n'était pas un travail ou un autre maître ; dans quelques heures, il aurait prêté serment et engagé sa Volonté pour lier non pas sa loyauté ou son service, mais bien sa famille. Gribus Sandragil avait passé sa vie détaché de tout, restant à l'écart des gens, des évènements et même de ses propres sentiments, mais il n'y avait pas de lien plus absolu à ses yeux que celui de sa famille. Cette famille, ce coeur serait transformé en ce jour, il devrait s'annoncer, s'exposer à la lumière et s'orner de prestance.

Ce ne serait plus simplement Sesha, Nisa, Gribus et le souvenir inconfortable de Baruch. Ce ne serait plus seulement les fins de mois difficiles, le loyer et les salaires, l'inquiétude à chaque ordre de mission que Nisa recevait, les visites à Sesha chaque semaine et les courses dans les Quartiers Commerçants. Ce ne serait plus la charge de scribe et la discrétion parfaite du domestique. Et ce ne serait plus la sécurité de la solitude, d'une existence isolée et le luxe d'ignorer les autres.

Il n'y avait plus de Gribus Sandragil, le petit scribe invisible aux cheveux blancs qui allait toujours acheter ses pinceaux dans la Ville Basse. La main du pouvoir l'avait effleuré l'épaule ce matin, et lui avait conféré ses titres de noblesse, et par la simple action d'un geste, de quelques paroles et d'un parchemin, Gribus, noble de rang, chef de la famille Sandragil, était apparu.

La tunique se fit plus lourde sur les épaules du jeune homme, qui s'appuya sur la haie pour éviter de chanceler. Lorsque la Dissidence l'avait recruté et qu'il avait compris que la peur le suivrait toujours, il avait eu l'impression d'avoir posé un pied sur une terre nouvelle et effrayante. Mais à présent il avait passé la frontière, sans espoir de retour, et se retrouvait dans un monde différent, un pays inconnu dont il ignorait tout. Sa famille l'avait suivi dans ce voyage et c'était à lui seul de les guider, mais il ne connaissait pas le chemin. L'avenir s'était ouvert tout grand devant et s'apprêtait à l'engloutir, et il n'avait plus aucune repère. Le jeune homme ne s'était jamais senti aussi perdu, pas même lorsque son père était mort.

Sa tête tournait sous l'effet de ces pensées, lorsqu'il entendit des pas s'approchant sur le chemin de pierre. Il se retourna vivement, peut-être trop vivement, l'esprit plein de remous. Son instinct le retrouva vite : ne rien montrer, il ne devait rien montrer. Il s'efforça de se maîtriser, de revêtir son masque, pris par une peur irrationnelle qui lui disait de tout cacher. Si grandes étaient ces affres qu'il ne regarda même pas la personne qui approchait.
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Charis Sandragil
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MessageSujet: Re: La corde au cou   La corde au cou EmptyDim 7 Avr - 16:09

Charis Arcarian s'était dit qu'elle marchait vers son destin, et qu'elle ne se soustrairait pas à sa décision pour une raison aussi triviale que la peur. Pourtant, tandis que ses pas la rapprochaient de son futur époux, elle sentait sa Volonté chanceler. Elle faisait tout ça pour la Dissidence. Pour Elandor Arlanii. La lutte n'avait jamais été franche ou lumineuse, mais elle servait un objectif noble. Toutefois, pour Charis, l'ombre et la dissimulation prenaient un nouveau tournant : celui de la perfidie et de la tromperie. Elle n'avait jamais défini strictement son code moral, mais elle savait qu'aujourd'hui, elle y touchait de près. Ou plutôt, elle lui tournait sciemment le dos.

Elle allait unir sa Volonté à celle d'un autre uniquement dans le but de manœuvrer un pion – avec un soupçon de dépit, peut-être. Si à cet instant, Charis Arcarian avait été consciente que le dépit était le moteur de son action, peut-être aurait-elle eu le bon sens de reculer. Mais elle préféra se voiler la face et persister dans son aveuglement. Son avenir serait désormais écrit à quatre mains, dont deux résolument lettrées. Ne lui restait plus qu'à espérer que son scribe de fiancé leur composerait une histoire de félicité – comme dans les histoires où l'Oracle venait tout arranger à la fin. Bien qu'il y ait deux Oracles actuellement à Edor Adeï, Charis savait qu'aucun ne viendrait changer sa destinée.

Elle avait appris que son nouveau blason était d'argent chapé de gueules, avec une plume. Heureuse de retrouver les couleurs de son propre blason, elle avait évité de penser au fait que ses futures armoiries révélaient un pan très narcissique de la personnalité de Gribus Sandragil. La devise, en revanche, éveillait des sentiments très contradictoires en Charis. « Nul autre que les miens ». Une part d'elle était profondément rassurée, parce que cela signifiait qu'il placerait sa vie, son honneur et sa Volonté parmi ses priorités. Et qu'à long terme, elle pourrait gagner l'affection qu'elle osait à peine espérer. L'autre part était horrifiée, parce qu'Éléni entrait dans toutes les devises sauf celle-là. Si Charis Arcarian unissait sa Volonté à celle Gribus Sandragil, ce n'était pas pour faire de lui un homme ayant la préséance sur la Dissidence au nom de l'unité de la famille, mais bien pour le surveiller étroitement, au nom de la Dissidence.

Elle le voyait, maintenant. Il était seul – plus pour longtemps – et son visage ne révélait rien, comme à l'ordinaire. Parviendrait-elle à briser cette glace un jour ? Qu'attendait-il de sa femme ? Qu'avait-il rêvé en secret, en imaginant sa future épouse ? Est-ce qu'il voulait une femme pulpeuse aux formes aussi parfaites que la fille Jaktarii ? Est-ce qu'il voulait une femme rodée aux jeux du pouvoir ? Est-ce qu'il préférait une femme versée dans les lettres, comme lui ? Est-ce qu'il voulait une femme soumise, vaquant à l'intendance de leur Maison ? Avec un petit rire nerveux, Charis haussa les épaules. Elle ne remplissait aucun de ces critères.

Malgré son statut, Charis Arcarian s'était habillée plutôt simplement. Si sa mise n'égalait pas les mètres de satin et de velours généralement choisis pour l'occasion, elle n'en était pas moins résolument élégante. Elle avait opté pour le blanc virginal, peut-être pour déjà signifier à son futur mari qu'elle était aussi innocente qu'à son premier jour. Sa robe était faite de tulle et de coton, tombant gracieusement en une traîne suffisamment longue pour entraver sa marche. Ses collègues de l'Amphithéâtre l'avait aidée à se préparer : Charis était la fraîcheur même, avec ses bras nus et ses bracelets d'argent. Elle rayonnait la santé, la vivacité et la jeunesse, telle une fleur éclosant au froid du printemps. Il ne lui manquait que le sourire de la femme heureuse. Le matin même, son père lui avait offert une rivière de diamants, assortie à deux boucles d'oreilles, le tout au prix vraisemblablement exorbitant. La jeune femme ne les avait pas encore mis, peut-être parce qu'ils signifieraient que son mariage était imminent.

Elle avait l'impression d'être un jeune chevreuil prêt à bondir, effrayé d'être pris en chasse. Bien qu'elle soit l'instigatrice du mariage, elle se sentait piégée. Seuls quelques mètres la séparaient de son futur mari, et ils n'avaient que quelques minutes pour faire connaissance avant de lier leurs Volontés pour toujours. Enfin, refaire connaissance eût été plus juste. Ils se connaissaient déjà, n'est-ce pas ? S'il avait su à quel point c'était vrai, il aurait vu rouge. Aussi rouge que sa livrée. Au moins avait-il vraiment l'air d'un Noble, maintenant. Il était même beau.

Haut les cœurs, ma fille ! Reprenant courage, Charis Arcarian décida qu'à défaut d'être la femme que Gribus Sandragil espérait avoir, elle pouvait devenir une femme agréable, au rire facile et à la finesse réfléchie, avec laquelle il faisait bon vivre. Puisqu'elle lui volait la possibilité de choisir la compagne de ses jours, elle pouvait au moins adoucir ceux-ci...

Avec un sourire décidé, elle lui toucha délicatement le bras. Quand il se retourna vers elle, elle commença par le saluer :

- Bonjour. Vous allez bien ?

Il y avait mieux, comme entrée en matière. Mais il y avait certainement pire aussi. Elle eut envie de désigner le soleil brillant et de lui faire remarquer qu'il ferait beau pour leur mariage, puis choisit de continuer sur un autre registre :

- Nous nous sommes déjà rencontrés une fois, vous vous en souviendrez peut-être. Je n'aurais pas cru alors que nous nous marierions quelques mois plus tard...

Depuis, Charis Arcarian avait même eu dix-neuf ans. À vrai dire, au moment du Bal de la Promise, elle n'aurait jamais cru que sa vie changerait autant en si peu de temps.
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Gribus Sandragil
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MessageSujet: Re: La corde au cou   La corde au cou EmptyMer 24 Avr - 0:37

Lorsque Gribus se retourna, il était prêt à faire face à un étranger comme à un être aimé, il avait recomposé son masque et aurait pu cacher ses pensées au prêtre comme à sa propre mère. Il en avait l'habitude, il savait comment agir face aux autres. Il avait appris très tôt à cataloguer et catégoriser, à prendre les gens comme autant de tâches mécaniques, et plus récemment, Eléni lui avait indirectement appris à jouer d'eux, à les faire aller dans un sens ou dans l'autre. Mais lorsqu'il posa les yeux sur son vis-à-vis et qu'il vit de qui il s'agissait, il se rendit compte qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire face à elle.

Charis Arcarian. Sa future épouse, sa propre fiancée à qui il allait bientôt unir sa Volonté sous les yeux de Therdone. Qu'est-ce qu'il était sensé faire ? Il n'avait pas de catégorie pour cela et jamais on ne lui avait demandé d'être aussi proche de quelqu'un.

Elle n'avait pourtant pas changé, et il l'avait bien vite catégorisée lors de leur première rencontre. Elle était sans doute toujours cette jolie jeune noble un peu trop fière de ses origines, un peu naïve, assez maligne pour savoir qu'elle était perdue à la Cour, pas assez maligne pour y remédier. A ce moment, elle n'avait été personne, à peine une recrue potentielle, un autre minois dans une foule, pas suffisamment utile pour qu'il lui consacre beaucoup d'attention. A vrai dire, il n'avait pas du tout repensé à leur brève conversation le soir du Bal. Eléni n'avait pas voulu suivre la piste, et Gribus avait bien vite eu d'autres affaires à régler.

"Je vais bien, je vous remercie. Je me souviens du Bal, bien sûr."

Il était conscient d'avoir une expression absente, avait peur d'avoir l'air désemparé. Il ne pouvait pas simplement arborer un visage froid et impénétrable, pas pour sa propre épouse. Il parlait d'une voix polie, avenante, et se disait qu'il devait avoir l'air soit ridicule, soit distant, sans savoir lequel était pire.

Tout comme lui n'était plus le même Gribus Sandragil, elle n'était plus la même Charis Arcarian. Ils n'étaient pas encore mariés, mais elle faisait presque déjà partie sa famille. "Nul autre que les miens". Il ne pouvait pas la traiter comme une étrangère, mais cela voulait-il dire qu'il devait la traiter comme sa sœur, ou comme sa mère ? Il aimait Sesha de tout son cœur, et Nisa également, même si elle ne rendait pas les choses faciles, mais leurs relations n'étaient pas un modèle universel, il était assez clairvoyant pour le savoir. Nisa était incompréhensible à ses yeux, elle semblait souvent égoïste et pleine de fiel, voire complètement insensée, et ils étaient loin d'être proches. Et Sesha...il aurait donné sa vie pour faire son bonheur, il aurait tué pour la protéger, mais sa mère ignorait presque tout de lui ; il ne lui parlait pas des choses importantes, des choses dangereuses, il ne lui ouvrait pas son cœur, il n'écoutait que rarement ses conseils, il passait tellement de temps à lui mentir et à lui cacher des choses...

Gribus se rendit compte qu'il avait gardé le silence pendant un instant de trop et que le malais s'installait entre eux. Il inspira et eut un moment d'hésitation avant de finalement répondre.

"Non, je ne l'aurais pas cru non plus. Comment l'imaginer ? Nous ne sommes pas vraiment du même monde..."

Comment lui parler ? Il savait comment agir et comment la traiter. Elle était des siens, il la protégerait, il l'aiderait et la soutiendrait coûte que coûte ; les actions étaient évidentes, mais le reste ? Ses relations avec Nisa et Sesha étaient des choses anciennes, façonnées par le temps et teintées de dizaines de non-dits, de rancœurs secrètes, de secrets inavoués et de tristesses qui empoisonnaient tout. Mais son mariage était aussi blanc et nouveau que la robe de Charis : il pouvait choisir ce qu'il en adviendrait, il pouvait faire de son mieux et peut-être voir ses efforts vraiment récompensés. Une relation sincère. Si Gribus avait jamais été confronté à pareille chose, il ne s'en souvenait plus et il ne savait comment l'aborder.

En temps normal, il aurait menti, il aurait feint, il serait resté froid et plein de considération et serait resté en sûreté. Il avait sûrement connu d'autres relations telles que celle-ci, mais manifestement, elles ne l'étaient jamais restées. Il était tenté de se refermer. Mais il sentait le poids de sa cape sur ses épaules, le blason sur sa poitrine, et dans ses oreilles sourdait le bourdonnement des prières, les rites sacrés qui leur intimeraient bientôt de vivre comme un seul être. Il ne pouvait pas trahir cela. Il ne devait pas la traiter comme les autres, elle n'était pas comme les autres. Elle était importante, elle devait être aussi importante que sa sœur, peut-être même autant que sa mère. Il ne la connaissait pas, mais il admettait, en son cœur, qu'elle méritait mieux que des secrets et des silences. Elle méritait mieux.

Il poussa un léger soupir et la regarda droit dans les yeux. Il avait conscience d'être hésitant et peut-être maladroit, mais après tout, il n'avait pas l'habitude d'être délibérément honnête.

"C'est un mariage incongru, après tout et...votre rang pourrait vous amener un meilleur parti, j'en ai conscience. Je ne veux pas que vous vous sentiez forcée..."

Les actions étaient évidentes, il pouvait au moins se raccrocher à cela. Il devait veiller sur ses intérêts, il ne devait pas l'exploiter comme n'importe qui. Il n'était pas question de lui ouvrir son cœur sur le champ, de tout lui raconter sur la Dissidence ou de lui déclamer des poèmes. Il ne la connaissait pas et il savait bien qu'il devait lui cacher certaines choses, relation sincère ou pas. Certains secrets resteraient tus pendant très longtemps, certains resteraient peut-être à jamais dans le silence. Mais il pouvait au moins lui dire certaines des choses qu'il avait sur le cœur, des choses dont il était certain et dont il ne se cachait pas, à commencer par le simple fait qu'il voulait son bonheur.
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MessageSujet: Re: La corde au cou   La corde au cou EmptyMar 21 Mai - 22:44

Platitudes et politesses. Il fallait bien un début à tout. Elle eut un sourire convenu, puis le silence s’installa. Il ne servait à rien de continuer à entretenir une conversation pénible sur le Bal – et la brève infortune de Charis ce soir-là. Un peu tremblante, elle réalisa qu’elle avait peur qu’il lui attrape le bras et qu’il lui dise qu’il savait tout. C’était entièrement irrationnel. Il n’y avait aucune chance que Gribus Sandragil ait eu vent de ce qui lui arrivait réellement. Il ne pouvait pas savoir qui il épousait vraiment. Et elle devait absolument se dominer, question de donner le change jusqu’au bout.

Quand il continua en disant qu’ils n’étaient pas du même monde, Charis laissa un sourire se dessiner sur ses lèvres. C’était inattendu, et presque délicat. Elle avait envie de le contredire – attitude infantile héritée de leurs rencontres pour la Dissidence – parce qu’ils avaient au moins un monde en commun, mais c’était impossible, bien entendu. Au moment où elle allait lui faire remarquer que ce n’était plus son rang, mais leur rang, elle réalisa qu’il cherchait son regard. Hésitante, elle se plongea pour la première fois dans les yeux rouges de son futur époux. Ce qu’elle y lut la retourna. Jamais, au grand jamais, elle n’aurait cru discerner de la franchise chez l’impassible Gribus Sandragil. Tétanisée, elle réalisa qu’une part d’elle exultait d’entrevoir la possibilité d’un jour franchir la muraille du scribe, tandis que l’autre part prenait conscience de son humanité.

Quand il lui proposa une échappatoire, Charis écarquilla les yeux. Ça, c’était de l’inédit pur. Et elle réalisa que c’était sa dernière chance de le laisser en dehors de… tout ça. Pouvait-elle payer sa sincérité par un mensonge ? Sa gorge se trouva soudainement sèche. Elle pouvait tout arrêter en quelques mots. La tentation dansa devant ses yeux pendant plusieurs instants – une éternité. Elle pensa à Elandor Arlanii, et son destin fut scellé. D’une voix douce, elle s’entendit répondre :

- Je crois qu’il serait plus judicieux de parler de notre rang. Voyez-vous, on m’a enseigné que le mariage est une chose trop sérieuse pour résulter d’un choix personnel.

C’était exact, ses précepteurs y avaient veillé. Seulement, son père lui avait toujours dit qu’il ne voyait aucun inconvénient à la laisser contracter un mariage d’amour. Il lui avait répété qu’il était convaincu qu’elle ferait un très bon choix. Aurait-il dit la même chose aujourd’hui, après avoir lu entre les lignes ? La jeune femme préférait ne pas y penser. Ce fut à son tour de planter son regard dans celui de Gribus Sandragil, pour lui dire :

- Tout ce que j’espère, c’est que nous nous entendrons bien.

C’était un souhait. À cet instant précis, Charis réalisa qu’elle avait envie que le mariage soit heureux, pas parce qu’elle le devait au scribe pour son honteuse manipulation, mais parce que c’était sa propre existence qui était en jeu. Elle ne vivrait qu’une seule fois. Pourquoi dès lors jouer un rôle au sein de son propre couple ? Il lui offrait de l’honnêteté, et elle avait envie d’être à sa hauteur, d’équilibrer ce qui semblait séparé par un immense gouffre. Elle apprendrait à le connaître, elle lui laisserait une chance de la comprendre, elle serait elle-même, pas une des multiples personnalités factices d’Éléni. Elle serait vraie.

Et puis, elle le savait Dissident, ce qu’il ne lui avouerait vraisemblablement pas de sitôt. Tant qu’il aurait des secrets pour elle, elle se permettrait d’en avoir pour lui. Un jour, peut-être même qu’il serait le seul à connaître sa véritable personnalité. Rassurée par cette invisible ligne de promesse bordant la notion de vérité, Charis se promit que ce n’était qu’une question de temps.
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MessageSujet: Re: La corde au cou   La corde au cou EmptyVen 28 Juin - 0:13

Gribus se sentit un peu soulagé en entendant les paroles de Charis, se rendant compte qu'elle avait accepté ce mariage et qu'elle ne souhaitait pas s'en extraire. Il s'était senti le devoir de lui offrir cette sollicitude, de considérer ses désirs à elle et comment cette union pouvait les perturber, mais il n'aurait su dire comment il aurait réagi si elle l'avait pris au mot.

Le temps était suspendu au fil de leurs hésitations, s'étirant dans le vide de leur conversation malaisée. Le jeune noble se sentait toujours perdu, malgré les résolutions qu'il avait prises : il savait ce qu'il voulait, mais elle ? Il s'apprêtait à faire un premier pas dans le vide et elle était apparemment résignée à le suivre, mais ensuite ? A parler franchement, lui-même désirait que ce mariage se fasse et que leur famille prospère. Son esprit pragmatique revenait au galop et il avait déjà passé des heures à réfléchir au futur de leur maison. Cet anoblissement ne voulait pas dire grand chose si les ressources des Arcarian leur étaient retirées, et ce mariage pouvait sortir les siens de biens des soucis.

Mais il était douloureusement conscient que tout ça ne suffisait pas, qu'une famille ne se construit pas comme un commerce. Il pouvait réfléchir et planifier tant qu'il voulait, il demeurait toujours une incertitude, une question en suspens qui faisait naître le doute dans son coeur. Gribus acquiesça aux paroles de sa future avec un sourire toujours hésitant.

Je l'espère aussi.

Qu'ils s'entendent bien. Gribus aurait menti s'il avait dit que c'était tout ce qu'il espérait. Il y avait des dizaines de gens avec lesquels il s'entendait bien, et aucun qu'il n'aurait pas trahi pour aider ses propres intérêts. Il se doutait bien que Charis ne savait elle non plus que penser de ce mariage et de cet étrange jeune homme aux cheveux blancs qu'on lui imposait. Elle prenait la situation avec beaucoup de maturité et de grâce, et Gribus en était heureux. Mais dans cette bonne entente, il voyait un statu quo, une distance respectueuse qui finirait un jour par se morceler.

En un sens, Gribus savait ce qu'il attendait de ce mariage. Il s'en était rendu compte il y a peu, mais cette union nouvelle lui apportait quelque chose qu'il ne semblait jamais avoir eu : des possibilités. Il lui semblait que toute sa vie avait été passée à se cacher du danger, à endurer les moqueries et les épreuves que lui imposaient sa maladie, à se mettre en sécurité et à faire subsister sa famille. Le jeune scribe n'était pas homme à vouloir quoi que ce soit pour lui-même. Mais avec ce mariage venait quelque chose d'inconnu et d'inattendu, un avenir qu'il pourrait bâtir de lui-même. Une maison noble, des entreprises prospères, des enfants...C'était la possibilité d'un futur meilleur que le présent, plutôt que des soucis constants pour garder la tête hors de l'eau, plutôt que la peur qui le faisait constamment regarder par-dessus son épaule. Charis l'avait évoqué, et Gribus n'aurait pu trouver meilleur mot ; c'était l'espoir, et parce qu'il était incertain, il fallait qu'il le saisisse et qu'il le concrétise.

A l'extérieur du jardin, l'assemblée s'affaira et se mit lentement à rentrer dans le temple tandis que le prêtre appelait les fidèles à la cérémonie. L'horaire rattrapait les jeunes fiancés. Gribus offrit son bras à Charis, et posa sa main sur la sienne pour attirer son attention. Il la regarda droit dans les yeux à son tour. Il savait que son regard était incertain et son visage hésitant, mais il ne s'en soucia pas : ce qu'il allait dire n'était pas fait pour impressionner.

Nous avons parlé d'espoir, mais je veux vous faire une promesse, ma dame. Je n'ai pas choisi les mots de ma maison à la légère, et ils seront bientôt vôtres. Vous serez des miens, et je ne vous faillirai pas, Charis.

Il n'aurait su dire s'il avait rougi, mais il se sentait ridicule et mélodramatique. Il espérait qu'elle ne se moquerait pas de lui, mais il s'était senti obligé de prononcer ces paroles, de faire son possible pour lui montrer sa bonne foi. Il voulait croire à cette promesse, il voulait que ce vœu soit une force qui puisse lui donner un peu d'assurance malgré toutes les incertitudes qui les attendaient.

Gribus Sandragil n'en était bien sûr pas conscient, mais la vérité était simplement qu'il voulait une famille qui ne finisse pas comme la sienne. Il avait peur que cette simple bonne entente ne soit trop faible pour préserver leur union, qu'ils finiraient par faiblir comme ses parents l'avaient fait. En son for intérieur se cachait la peur de faiblir, comme son père, et de finir par abandonner les siens comme Baruch l'avait fait en succombant à la maladie. Il voulait plus, il voulait être ce père et ce mari parfait qu'il avait toujours voulu voir en son père, il voulait que sa famille soit toujours à l'abri du danger et du besoin et que jamais elle ne périsse. Il voulait que Charis et lui s'aiment, que leur union soit invincible et sans défauts.

Et il n'avait aucune idée de comment y arriver. Ce mariage tout comme cet amour lui était inconnu. Il ne pouvait y arriver seul, et il ignorait tout d'elle, de ses désirs et de ses sentiments. Il voulait l'aimer et la soutenir comme elle le méritait, mais le devoir ne fait ni la passion, ni l'affection. Ils s'apprêtaient tous deux à faire leur deuxième pas dans le vide, et Gribus voulait savoir où ils allaient, il voulait être sûr qu'ils ne toucheraient jamais terre et qu'ils se trouveraient sans détours. Il était assez intelligent pour savoir qu'il n'aurait jamais cette certitude.

Tandis que les deux fiancés franchissaient le seuil du Sanctuaire sous les regards de l'assemblée, Gribus s'efforça de puiser de la confiance en lui-même. Il resterait fidèle et constant, cela au moins était sûr. Que pouvait-il faire d'autre, à part espérer ?

[ouf ! Après un mois d'attente...Fais une réponse si tu veux. Dis-moi par MP si tu veux que j'attende que tu ais posté ici avant de démarrer le rp du mariage.]
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