Les Tables d'Olaria
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 Le prix de l'allégeance

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Limna Hirune
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MessageSujet: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyMer 7 Mar - 9:46

Arrow Suite de "Mieux vaut ne pas trainer dans les rues..."

Lorsqu’elle sentit une jambe se glisser sous ses genoux, Limna envisagea un instant de protester, comprenant où l’Aîné voulait en venir. Elle n’était pas une demoiselle en détresse, et lui était sérieusement blessé. Mais le fait était que ses jambes ne tenaient que par sa Volonté seule tant son corps était pour l’heure vrillé de douleur. Aussi n’eut pas le moindre mal à soulever la jeune femme, quoi que cette force morale fut exacerbée par les enjeux de chacun de ses pas. Croisant son regard, elle saisit le message, et baissa ses yeux embués pour les fixer sur le point qu’ils visaient, plus loin. Elle s’accrocha aux épaules du conseiller, et se plongea dans cet espace interne et secoué de la plus effroyable des tempêtes. Le menton dodelinant sur sa poitrine, elle fronça les sourcils, et l’encouragea…

Tiens bon… Tiens bon accroche toi. Ma fille, ne me laisse pas maintenant.

Quelques minutes, elle avait quelques minutes à tenir pour arriver au calme et laisser passer ce cauchemar. Elle avait déjà vu des femmes Olariles souffrir de la sorte… Le combat avait du amplifier la douleur, mais elle pourrait tenir bon, elle le savait. Elle était volontaire, et elle était sa fille, elle serait redoutable… Une nouvelle douleur, moins violente à présent qu’elle ne marchait plus, la stria alors, et, pour l’endiguer, elle enfouit son front dans le cou de Riarg, régulant tant bien que mal son souffle silencieux.

Elle releva la tête, le regard embué lorsqu’ils arrivèrent au Palais. Des gardes arrivaient vers eux, sur le qui-vive, mais fort heureusement reconnurent le conseiller rapidement. Elle perçut le regard circonspect qu’ils posaient sur la silhouette de ce couple étrange, mais également la retenue dont ils faisaient preuve, pour peu que cela concerne l’Aîné en personne. Et elle en fut soulagée… Jusqu’à ce qu’il parle, et demande au soldat de la conduire quelque part. Elle voulut protester, et se redressa tout à coup un peu, prête à briser le silence concentré qu’elle devait à la maîtrise de ce qui se passait en elle, lorsqu’il reprit la parole pour demander à ce qu’elle soit conduite dans ses appartements.

La prise que le guerrier avait sur elle était plus puissante, et plus sure. Et il n’y avait plus cette odeur de sang qui maculait Riarg. Elle se redressa un peu, jetant par-dessus l’épaule de l’homme un regard en direction du Conseiller. On l’aidait à marcher, il viendrait sans doute, lui aussi. Cela la réconforta quelque peu, toujours aux prises avec une fièvre douloureuse, que de savoir qu’elle ne serait pas entourée que de parfaits inconnus… Puis elle se plia à nouveau, crispant ses doigts sur l’épaisse nuque du soldat. Celui-ci cherchait son regard, pour comprendre ce qui lui arrivait, mais ne le trouva pas. Un gémissement, à nouveau, léger… Une main posée sur son ventre et il comprit. Il avait une femme, et cela lui était déjà arrivé, pour leur premier enfant. Elle devait être à peinte plus jeune qu’elle, à l’époque. Il força alors le pas, et l’introduisit sans attendre dans les appartements du Conseiller…



    Elle la vit, une tête blonde, plus blonde encore qu’elle… Un regard plus sombre quant à lui, les pupilles noires des Télaran… Une lueur redoutable en plus. Celle-là elle ne la devait qu’à elle, à cette mère, ce fauve qui la couvait discrètement. Elle était tonique, et petite… Petite pour son âge. Quel âge ? Huit ans, peut-être ? C’était une Ilédore, une Ilédore sauvage. Elle n’avait pas l’accent des Olarils, ni leurs expressions… mais elle était plus Volontaire que de raison, et persuadée que rien ne pouvait lui échapper. Un petit être hybride, entre forêt et Cité… Elle était éduquée, bien sur. Elle commençait déjà à savoir lire et écrire, ayant bénéficié de bons éducateurs… Car elle était entourée. Mais il était difficile pour eux de canaliser cette force et cet enthousiasme qui était le sien. Elle n’était pas une enfant docile, ni une enfant que l’on achète. Elle se montrait calme et silencieuse, parfois. Souvent, et par mimétisme. Elle n’entrait que péniblement dans les cadres. Elle serait intelligente, plus tard. Très intelligente. Beaucoup plus que sa mère. Et elle serait une belle femme aussi, somptueuse. Elle avait cette peau de porcelaine, et ces cheveux de platine… Mais ce masque livide était percé par le noir intense de son regard, un noir séduisant. Ce qui inquiétait chez Limna, ces yeux trop clairs, cette enfant, jeune femme, ne l’aurait pas.

    Cette enfant, en réalité, n’aurait rien. Un voile opaque tombant sur elle, la coupant de sa mère, qui pouvait toujours l’appeler, en vain. Car sa beauté, sa force et sa Volonté furent toutes dissoutes dans le sang de Limna.




Le médecin n’avait pas tardé à arriver. Quelques minutes, tout au plus, après l’arrivée de cette étrange équipée dans les appartements du Conseiller. Il reconnut Limna presque aussitôt, cette hystérique qui avait insisté pour rester auprès de Lis Diantha lorsqu’elle avait été agressée, mais n’en pipa mot. Les militaires avaient observé à la lettre la consigne, et indiqué au médecin la volonté de Karnimacii que de conserver toute cette histoire dans un parfait secret. Il s’y était tenu, trop au cœur du palais pour ne pas ignorer ce qu’il en coûte, de ne pas respecter ce type d’ordres. Cette histoire l’intrigua, bien entendu, mais il relégua au second plan ces questions. Il avait une vie, lui aussi.

L’examen avait été rapide. Des douleurs pareilles survenues, il était rare que la situation n’aille pas en empirant et elle lui donna malheureusement raison. Elle était jeune, et c’était sa première grossesse. C’était là quelque chose de très commun, et quoi qu’il soit bien conscient de la violence du combat dans lequel elle avait été impliquée, compte tenu du sang qui la recouvrait en partie, il pensait qu’il était probable qu’elle l’aurait de toutes les façons perdu. Son ventre n’était qu’à peine rebondi, quelques semaines, sans doute très peu. Cela se passerait bien, au moins. Il redoutait toujours la perte d’un enfant chez une femme plus avancée. Quoi qu’il redoutât celle-ci tout court, tant son regard décidé, et sa colère froide pouvaient l’impressionner. Il y eut tout de même une question pour lui traverser l’esprit : qu’est-ce qui avait pu pousser une femme enceinte à se battre avec une telle rage… ? Une telle Volonté ?

Mais il était des moments où la Volonté ne suffit plus, et elle avait fini, quels que furent ses efforts et ceux du médecin pour se maintenir, par perdre son enfant.



Son aide désormais superflue, il était sorti, tandis que l’on emportait les draps qui étaient recouverts du sang de nombreuses personnes. Le sien, le leur, le sien. Limna quant à elle demeura alanguie… La douleur n’était plus, du moins pas la douleur physique. Son esprit quant à lui avait déjà éclaté, comme du verre que l'on prise. Cette tasse, qui avait ensanglantée la main de son maître. Un désespoir auquel elle n'avait pas su résister. Elle n’eut pas un regard pour les domestiques qui vinrent lui apporter des draps plus chauds, et propres tandis qu’elle-même avait subit une toilette sommaire. Elle devrait prendre un bain, puis beaucoup de repos, lui avait-on dit. Du repos alors qu’elle n’avait plus envie que de guerre, de vengeance… Elle regretta, nauséeuse, que ces hommes aient déjà été morts, tant elle aurait aimé le leur faire payer, un peu plus encore… Ses yeux clairs emplis de larmes, elle ne bougeait pas, le regard fixé sur le point opposé à la porte.

Ils la lui avaient prise. En l’échange de leur vie, ils l’avaient emportée avec eux. Elle avait égorgé un homme, aujourd’hui, et en avait tué un autre au terme d’une lutte plus honorable… Elle avait sauvé une vie. Il en manquait une, pour que l’équilibre soit. Alors ils n’avaient pas pris la sienne, ils l’avaient pris, elle. Encore trop faible, et trop petite. Tout juste une ombre sur ses reins. Elle avait payé la mort de Cyclaë de sa souffrance personnelle, de la culpabilité, de la folie… Mais celles-ci lui avaient coûté beaucoup, beaucoup plus cher.

Elle étouffa un sanglot dans l’oreiller sur lequel sa tête reposait, lorsqu’on entra dans la pièce. Un pas lourd, et assez lent. Elle ne regardait pas. Cela faisait longtemps à présent qu’elle était là… Sans doute allait-on la faire transporter dans ses appartements, et lui enjoindre, à nouveau, de s’immerger dans l’eau pour se purifier, se délasser. Puis on lui demanderait de dormir un peu, en dépit de ses larmes, et de se reposer. Et tout ce temps, elle obéirait, parce que pour l’heure elle n’avait plus en elle la moindre once de Volonté. Elle n’était que lassitude, et ses dernières forces étaient parties, avec le sang qu’elle avait perdu. Un pantin, qui ne s’éveillerait vraiment que dans plusieurs heures. Jours, peut-être… Elle se savait capable de se redresser, au fond… Mais pas tout de suite. Pour une fois, Limna acceptait la faiblesse qui était la sienne. Et cela, paradoxalement, lui évita de sombrer tout à fait.

Le médecin avait vérifié, elle n’avait, en dehors des marques de strangulation et d’une côte abimée, aucune blessure grave.
A cette idée, un rictus sarcastique lui vint, tandis que, ignorant toujours le nouveau venu, elle étouffa de nouvelles larmes dans la mollesse des coussins.

HJ - Je te laisse décider du temps écoulé entre leur arrivée et la fin de ce message ^^ J'espère que ça te convient ^^
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Riarg Karnimacii
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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyLun 26 Mar - 14:47

Quand ils arrivèrent dans les appartements du conseiller, Riarg ordonna de suite qu'on installa la jeune femme dans la pièce de repos. Pièce de repos qui au fur et à mesure, de par le siège imposé par ces maudits révolutionnaires et le danger encouru dans les rues de la ville, s'était peu à peu transformée en véritable petite chambre. Rien de comparable à ses véritables appartements dans ses villas personnelles, où le luxe et le confort criaient leur droit à chaque coin de pièce.

Non, rien de tel ici. La pièce était bien plus petite déjà, et de prime abord n'était pas destinée à devenir chambre. Il s'agissait juste à l'origine d'une petite pièce de repos, comprenant un confortable fauteuil et un petit canapé, trônant devant une belle cheminée dont le feu avait rarement ronronné aussi souvent que ces derniers mois, et deux grandes bibliothèques emplies de livres de chaque côté de ladite cheminée. Mais au fil des semaines passées à dormir ici, au palais, quand les insomnies ne le tenaient plus debout, la pièce s'était progressivement métamorphosée. Canapé et fauteuil avaient alors laissé la place à un lit deux places aux proportions toutefois raisonnables, pour ne pas rendre la pièce étouffante. Pas de baldaquin donc, un lit tout ce qu'il y a de plus simple et de plus usuel, même si les pieds du lits comprenaient de fines sculptures dorées. Les bibliothèques étaient restées quant à elle et s'était additionnée une petite table de chevet à la droite du lit, près de la fenêtre, place que Riarg avait choisie comme sienne. Pas que grand monde ne vienne dormir avec lui d'ordinaire, si ce n'est quelques amantes quand il parvenait à les faire entrer discrètement par le petit passage secret caché par une des bibliothèques...

Enfin avait été ajoutée dans un coin de la pièce un petit coin de toilettes : une petite penderie où avaient été installées quelques affaires personnelles, quelques vêtements de rechange surtout, un bac à bain, une cuve et un broc d'eau pour sa toilette matinale, posée sur une petite table au dessus de laquelle avait été installé un petit miroir, le tout légèrement caché par un paravent, trop petit toutefois pour pouvoir tout masquer, si tant est que l'on se plaçait bien pour avoir vu sur le miroir qui révélait alors facilement tout. Une petite installation bien sommaire en somme, mais dont Riarg n'aurait su se passer. Il se rendait parfois aux bains communs du palais, mais il devait avouer bien apprécier la sérénité de cette intimité. Il cherchait actuellement à réellement créer une pièce de toilettes digne de ce nom, mais cela allait demander du temps et des travaux, qu'il n'était pas sûr de pouvoir assumer à l'heure actuelle. Cela demanderait surtout qu'il n'occupe plus cette pièce pendant un temps, ce qui était impensable pour le moment. Il devait donc se contenter de cette petite installation quelque peu rustique. Heureusement domestiques et serviteurs personnels lui assurait tout confort.

Il laissa donc la petite chambre à la jeune femme, et se cantonna lui-même à la grande pièce de travail. A peine venait-il de se laisser lourdement tomber dans un fauteuil, le souffle court, et le teint bien plus pâle qu'il ne l'était d'ordinaire, que le médecin arriva au pas de course. Il préféra toutefois lui indiquer de s'occuper d'abord de Limna. Il n'était pas guérisseur lui-même mais nul besoin de ce savoir pour comprendre que l'enfant semblait être en danger. Bien entendu Mertens qui avait été prévenu, avait fait mander un deuxième médecin pour l'aîné, préférant ne pas laisser celui-ci sans soin en attendant que le premier soit libéré de sa tâche avec la jeune femme dont s'était entiché son maître. Digne serviteur alors que ce Mertens, pensa Riarg dans un état semi comateux.

Maintenant que l'adrénaline n'était plus là pour lui insuffler la force nécessaire, maintenant que la pression était tombée, il sentait réellement douleur et fatigue le submerger de toute part. Il répondit mécaniquement au médecin qui l'auscultait alors. Une blessure profonde au bras même si heureusement non mortelle. Cela lui ferait une belle cicatrice, disait-on. Elle mettrait du temps à bien cicatriser d'ailleurs. Il devrait se servir le moins possible de son bras pour éviter toute réouverture. Quelques côtés fêlées, qui, par il ne savait quel miracle, ne s'était pas cassées sous l'effort quand il avait porté la jeune femme. Une lèvre fendue (merci bien il le savait déjà) qui heureusement ne laisserait aucune cicatrice quant à cette blessure. De nombreuses contusions, dont quelques unes au cou qui le gêneraient dans les jours à venir pour avaler ou même parler, et potentiellement une vertèbre démise, que le médecin s'évertua à remettre en place d'un geste assuré. Mais douloureux. Repos, lui disait-on. Comme si sa fonction lui permettrait de prendre un quelconque repos. Surtout s'il gardait le secret sur toute cette affaire....

Il se contenta toutefois de foudroyer le médecin du regard, lui intimant, ordonnant plutôt, de lui fournir de quoi tenir la fin de journée, et de quoi soulager la douleur. Après quelques mots houleux, le médecin consentit finalement à la demande du conseiller, tout en lui prescrivant de se ménager. De prendre garde à ne pas forcer. Merci bien, message reçu, nul besoin d'insister, se contenta-t-il alors de lui faire comprendre.

Riarg s'accorda ensuite une petite heure de repos, incapable toutefois de réellement dormir, les derniers événements se jouant encore dans son esprit, et les décisions devant être prises concernant cet incident se dessinant progressivement alors qu'il somnolait à moitié. Mieux valait alors régler tout cela de suite, il pressentait qu'il serait incapable de dormir et de prendre un quelconque repos, tant que tout ceci ne serait pas mi au clair avec ces paires. Certainement ceux-ci avaient déjà pris les mesures s'imposant, Mertens ayant eu l'intelligence de prévenir quelques conseillers au courant de l'enlèvement du noble. Dont Vanhilde, qui en son absence, semblait la plus à même de prendre la relève. Après tout au sein du conseil, nul doute que la place de l'aîné reviendrait à cette brave Vanhilde si Riarg venait à disparaître... Il se devait au moins de s'entretenir avec elle. Si le secret devait être gardé pour les autres, Gardan Edorta compris sans doute, elle devait au moins être au courant pour prendre les mesures adéquates.

Il se força donc à se lever, se préparant autant qu'il le put avec l'aide de Mertens, se contentant toutefois d'une tenue simple et moins lourde qu'à son ordinaire. Quelques heures plus tard, après un entretien avec Vanhilde et une poignée de conseillers, il put enfin prendre le repos fort mérité. La fin de journée arrivait déjà à grands pas, et il n'avait toujours rien pu avaler. Mais loin de vouloir pallier à ce détail, Riarg ne rêvait que d'une chose. Dormir. Se laisser tomber dans les limbes du sommeil. Des décisions importantes avaient été prises aujourd'hui, dont celle d'avancer ses plans futurs... Mais pour cela il devait être en forme. Ces fameux plans lui demanderaient toute son attention. Mieux valait qu'il soit suffisamment reposé pour être alerte alors.

Mais avant tout repos bien mérité, il se devait de faire encore une chose. Une seule petite chose. Limna.

Limna. On lui avait dit pour l'enfant. Cette perte cruelle pour une mère. Surtout si jeune.

Limna. Il se devait d'aller la voir, la remercier, lui assurer son soutien, s'assurer qu'elle ne se laisserait pas aller. Il était encore bien dérouté de devoir la vie à cette jeune chasseresse. Jamais il n'aurait pensé...

Elle le lui avait dit pourtant. Mais il ne l'avait pas crue. Pas totalement. Si sceptique qu'il était, il avait douté. Mais elle venait de lui prouver, comme personne ne l'avait fait alors, qu'elle tiendrait sa promesse. Ses promesses. Elle lui serait fidèle. A jamais. Elle mourrait avec lui s'il le fallait. Elle chuterait à ses côtés et était prête à tout, même à l'impensable, pour lui. Même à perdre sa propre fille, son enfant, la chair de sa chair. C'était un geste que Riarg n'oublierait jamais. Elle venait, sans le savoir sans doute, de définitivement sceller leur accord. Lui aussi lui serait fidèle, à sa façon. Non, il ne doutait plus. Plus maintenant. Et tout en lui accordant sa confiance, il lui accorderait aussi son soutien.

C'est d'un pas lourd et las qu'il pénétra donc dans la chambre dans laquelle elle se reposait encore. ou plutôt dans laquelle elle pleurai. Rien de plus normal en soi. Il ne s'était pas attendu à autre chose, quand bien même voir cette combattante hors paire pleurer sur son lit était une image déroutante...

- Limna, fit-il d'une voix étonnamment douce et fatiguée, tout en s'asseyant à ses côtés. Je..

Un instant d'hésitation. De doute aussi. Pas envers elle. Mais plutôt envers lui, envers la façon dont il devrait agir avec elle... Il n'était pas doué pour ce genre de choses, il le savait. On lui avait appris maintes choses, mais pas cela. Non, pas cela. Pas comment réconforter une mère éplorée.

Se rappelant que la chasseresse était plus portée sur les actes et les gestes que les mots, il préféra alors laisser ceux-ci parler pour lui, lui qui se retrouvait soudain à court de mots. Presque tendrement, il se surprit à caresser alors ses cheveux, tentant de lui accorder des gestes doux, calmes, sereins, réconfortants.

- Je ne pourrais jamais te remercier assez Limna. Tu as payé cher pour me sauver. Très cher. je...

Une expiration lourde, tandis qu'il cherchait ses mots.

- Je n'en attendais pas autant de toi, tu sais.

Etrange comment il en venait soudain au tutoiement.... se rendit-il compte presque choqué lui-même de cette familiarité.

- Notre serment est définitivement scellé. Je tiendrai mes engagements Limna. Je les tiendrai comme tu les as tenus ce jour. A jamais Limna. A jamais, répéta-t-il doucement, sa voix chuchotant presque, tandis que sa main lui caressait doucement la joue dont il venait d'écarter quelques mèches.

Il se laissa alors glisser à son côté, se couchant doucement sur le côté, du côté où ses côtes et son bras ne le faisait pas souffrir, et tenta d'ancrer son regard dans ses yeux pâles.

Il aurait certainement dû la laisser se reposer, seule. Mais il ne se sentait pas de dormir dans un fauteuil (cela lui était même fortement déconseillé), et il ne se sentait pas non plus de la chasser de con lit. Le lit était d'ailleurs assez grand pour eux deux, n'est-ce pas ? Il le devrait en tout cas, car il était bien trop exténué pour en bouger. Il défit alors sommairement les lacets de la tunique qu'il portait, se contentant de dégager son cou meurtri comme pour mieux respirer, et reposa délicatement sa main sur le fin visage qui lui faisait face, tous deux lovés contre les oreillers.

- Si cela ne te dérange pas...

Etrange de presque demander la permission de dormir dans son propre lit à celle qui était censée être à son service... Vraiment étrange, pensa-t-il subrepticement.
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Limna Hirune
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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyMar 27 Mar - 17:20

Sa voix la fit frémir. Une lame de fond, profonde et intense, qui la secoua tout entière tandis que ces maigres mots se glissaient jusqu’à elle. Elle avait senti le poids sur le lit, à côté d’elle, mais n’avait pas tourné la tête en sa direction. Et pourtant, dans ce timbre d’une incroyable douceur, bas et las, il y avait quelque chose de nature à capter son attention. Il était là. C’était pour lui, qu’elle avait perdu cette enfant. Et pourtant… Elle n’en concevait nulle colère, nulle rancœur. Elle songea même avec horreur qu’il était probable qu’elle ne regrette pas. Elle ne regrettait pas de l’avoir sauvé. Elle ne regrettait pas que cette voix là puisse s’insinuer dans ses pensées, tandis qu’une autre ne s’élèverait jamais. Le sentiment d’avoir fait son devoir… ? Douloureux, terriblement douloureux sentiment. Ses doigts se crispèrent plus encore dans les oreillers qui accueillirent de nouvelles larmes, lorsqu’elle sursauta sous ses doigts. Une caresse, infime d’abord puis qui s’appuya un peu plus. Un contact chaud.

Elle n’était pas seule.

A nouveau, sa voix s’éleva. Elle fut frappée par le ton, la familiarité du tutoiement. Etrange, réconfortant. C’était si peu, et pourtant c’était déjà tant. Il reconnaissait son sacrifice… Cela n’en atténuait pas la douleur… Cela ne la ramènerait pas en elle, jamais. Mais au moins lui rappelait-il ce qui l’avait faite se lancer dans cette chasse désespérée. Elle avait été sur le point de mourir pour lui… Mais c’eut été tellement moins que cette mort-là… Sa fille aurait trouvé sa fin aussi dans sa mort, mais le sacrifice était différent. Elle souffrait physiquement, bien sur… Elle avait donné d’elle, et sentait toujours une vive douleur lui obstruer la trachée que l’homme avait comprimée avait une puissance effarante… Mais ces marques là se dissiperaient. Pour les autres, cela prendrait davantage de temps… Néanmoins, quoi qu’elle fut consciente que cela n’était qu’à la faveur de leur état, provisoire, pour quelques heures, quelques instants, elle ne se sentait pas seule. Moins seule. Elle n’attendait pas de lui qu’il se glisse à son niveau, la console, la caresse. Il était le prédateur, le dominant et elle était son arme… Pourtant, elle en conçut un souffle profond d’allègement. Il venait par ses mots d’abattre une barrière… Il bouleversait la hiérarchie naturelle qu’elle avait perçue depuis le début. Ses mots confirmèrent cette impression. A jamais. A cette idée, son cœur se serra. Elle avait il y avait peu de temps essuyé une cuisante trahison… Mais elle ne se sentait pas en danger. C’était trop important, trop solennel.

Lorsque la main du conseiller, douce sur sa peau, entreprit d’effleurer sa joue, elle se tourna en sa direction, croisant de ses yeux brillants le regard de Riarg… il était à bout de forces. Mais il était en vie… Il lui semblait si faible. Alors d’où pouvait lui venir cette détermination qu’elle lisait dans les pupilles noires ? Ne pouvait-elle pas s’y abreuver un peu, retrouver ses forces ? Tandis qu’il s’allongeait à son côté, la surprenant, elle n’eut pas de mouvement de recul. Elle se glissa en arrière, doucement, l’accueillant à ses côtés. Silencieuse, elle suivit chacun de ses gestes des yeux. Les lacets qui glissèrent doucement, chastement. Puis cette main qui revint à elle et sous laquelle elle ferma les yeux. Le silence environnant, seulement brisé par la douceur de la voix de Riarg, étouffée, murmurée, à des lieues du ton puissant et ferme qu’il avait d’ordinaire, les enveloppait dans un cocon de tendresse. Elle s’y fondit volontiers, sa douleur y perdant en reliefs… Il lui demandait la permission de s’étendre avec elle… Elle hocha simplement la tête, silencieuse, puis extirpa ses mains des draps pour s’agripper à la tunique qu’il portait. Elle-même n’était que légèrement vêtue, ayant revêtu une chemise ample, mais propre qui découvrait ses jambes et ses épaules. Jambes aussi faibles que celles d’un faon. Elle se blottit contre lui, comme derrière un infranchissable abri. Il n’arriverait rien, rien qui puisse briser cette harmonie provisoire. Essentielle, et entière. Une innocence étrange, pour ces deux êtres si profondément pervertis. Elle par la haine, lui par une expérience acerbe de la vie.

Ils étaient là comme deux enfants en quête d’une consolation douce, et moelleuse. La consolation d’un épuisement mutuel et consommé, dans lequel s’oublier. Cet espace était celui de l’Aîné, celui que personne n’oserait importuner. Y avait-il plus grande sécurité que celle qui les enveloppait ?

Elle demeura, tout contre lui, quelques instants. Son souffle se calmait avec ses larmes, tandis qu’elle appuyait son front contre son épaule, cherchant par moment le regard de l’Aîné. Sa voix comme un souffle étranger, elle glissa alors : « Ces hommes… » Elle déglutit, son cou la faisait souffrir. Ses doigts se crispèrent, trouvèrent son cou à lui, qu’elle effleura comme pour soulager le sien. « … Qui étaient-ils ? » Eux qui avaient tué sa fille… Qui avaient voulu les tuer, tous les deux. Qu’elle avait vaincus, qu’elle avait emportés. Ces hommes qui avaient concrétisé par leur barbarie son allégeance. L’allégeance d’une vie, il le lui avait dit. A jamais. Elle n’avait plus à le lui prouver, mais il le savait, il le lisait… A jamais. Ses yeux clairs le lui renvoyaient avec douceur. De l’affection ? Plutôt une certitude… Amère hier, elle était aujourd’hui, pour les quelques heures qu’ils passeraient à retrouver leurs forces dans les bras l’un de l’autre, comme une amarre.

« Vous êtes… » Elle le vouvoya, puis hésita. Sa voix était encore trop haute… Alors elle se rapprocha, et appuya son front au creux de l’épaule de l’Ilédor, son corps frémissant. Sa voix un murmure. « Tu es tout ce qu’il me reste. » Confidence soufflée, un tu livré comme un trésor. Demain, elle le vouvoierait. Mais dans cette intimité plus étroite que tout ce qu’elle avait pu sentir avant cela, par ce qu’elle impliquait et le drame qu’elle venait de vivre, cette proximité avait sa place. Elle se détendait, écartait les us et coutumes auxquels elle se pliait au prix d'un certain effort chaque jour… Fermant les yeux, elle remonta légèrement ses mains, craignant de le froisser. Qu'il ne pense pas qu'elle se considérait comme son égale, elle n'y arriverait sans doute pas… Elle tremblait… Elle était terrifiée, au fond, par ces mots qui avaient coulé d’entre ses lèvres, contre la peau et l’étoffe. Sa fille évanouie en une heure de vertiges et de saignements, il ne lui restait plus rien d’autre qu’un homme a qui elle avait confié sa vie. Un loup, qui faisait trembler d’effroi plus de la moitié des habitants de cette Cité… Qui d’autre aurait pu arracher cet aveu à Limna… ? Ses articulations la faisant souffrir, elle déplia lentement ses doigts, posés, tremblant toujours, sur cette peau dont la chaleur l’apaisait. Il était vivant. Vivant. Au moins lui.

Il l’avait cueillie au plus intime de son être. Ce n’était pas une question de féminité, il n’avait pas pris Limna comme l’on prend une maitresse en venant lui assurer ce soutien, en s’étendant à son côté dans le pire des moments qu’elle aurait pu traverser. Il s’était accaparé le fauve tandis que celui-ci était au plus profond de sa vulnérabilité ; et lorsqu’elle reprendrait force et courage, qu’à nouveau sa férocité, sa Volonté gonfleraient, elle serait son arme la plus dévouée. Tu es tout ce qu’il me reste, une innocence, fraîche et inconsciente, mais qui impliquait tant pour un homme qui n’avait d’alliés entiers et absolus qu’au sein d’un cercle restreint… Et encore.
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MessageSujet: Sujet provisoire   Le prix de l'allégeance EmptyLun 14 Mai - 14:35

S'il fut surpris de la voir soudain s'agripper à sa tunique, il n'en laissa rien paraître et la laissa faire. Comme s'il sentait qu'elle avait besoin d'un ancrage. Comme s'il avait lui-même besoin d'un tel ancrage d'ailleurs. Oui, il se sentait le besoin de s'amarrer à quelque chose lui aussi pour ce soir. Juste pour ce soir. Il n'en avait guère besoin d'ordinaire, ses certitudes, ses convictions, sa Volonté lui suffisant comme amarres. Mais là, ce soir, en ce moment de faiblesse comme rarement il en avait connu, il se sentait lui aussi le besoin de trouver un autre ancrage.

Limna. Le sacrifice qu'elle venait de lui offrir en cette sombre journée. Cet enfant perdu. Cette innocence envolée. Quand il évoquait cette innocence, il parlait bien entendu de l'enfant.... pas de Limna. Innocence était sans doute un bien grand mot concernant Limna. Après tout, ne venait-elle pas de tuer des hommes, pour lui, sous ses yeux ? Et pas de la manière la plus délicate d'ailleurs. Ni la plus propre. Donc non, Limna n'était en rien innocente. Pas plus innocente que lui en un sens. Naïve oui, et encore, elle semblait parfois savoir ouvrir les yeux sur ce trait de caractère qu'il trouvait tantôt déplorable tantôt adorable. Tous deux n'étaient plus innocents depuis longtemps, même si à des degrés différents. Tout ceci était maintenant pour d'autres, mais plus pour eux...

Mais qu'importait tout cela en cet instant. Ils avaient beau se savoir souillés l'un et l'autre, et ils avaient beau savoir que la souillure qui entachait dès lors Limna était en partie à cause de lui, du moins pour lui, ils semblaient n'en avoir que faire. Pour ce soir tout du moins. Il la laissa donc se lover contre lui, grimaçant légèrement quand elle appuyait un peu trop sur certains points douloureux. Il aurait pu la rembarrer, et la repousser, se mettre dans une position bien plus confortable, mais il n'en avait pas envie. Il n'avait pas vraiment envie de confort, mais plutôt d'un certain.... réconfort. Oui, voilà, réconfort.

Etonnante constatation, pour lui qui se disait fort comme un roc, lui qui se croyait indestructible, intouchable, inatteignable.... Mais cette journée venait de lui prouver qu'il n'était pas si inatteignable que cela au final...

« Ces hommes… »

La voix de la jeune femme à ses côtés le sortit brutalement de ses pensées tourbillonnantes, lui offrant quelque part un répit bienvenu parmi toute cette agitation qui secouait son esprit.

« … Qui étaient-ils ? »

Il ne répondit pas tout de suite. Seul le silence fit écho à cette question. Pas qu'il ne sache pas de qui il s'agissait. Plutôt qu'il se demandait... ce qu'il était bon de dévoiler ou non. D'autant plus après ce qu'il venait de décider avec quelques membres du conseil mis dans le secret, dont Vanhilde. Mais...

Mais ne venait-elle pas de perdre ce qui devait lui être le plus précieux pour le sauver des mains de ces hommes ? ne venait-elle pas de les tuer pou lui ? Pour le sauver lui ? N'avait-elle pas le droit au final de savoir ? D'autant plus... qu'avec les éléments qu'elle avait pu voir, et un peu de recherches et de renseignements, elle serait apte à comprendre elle-même de qui il s'agissait, quand bien même cela prendrait du temps... Oui, elle avait le droit de savoir.

Il s’apprêtait alors à lui répondre, ouvertement, du moins aussi ouvertement que sa position délicate le lui permettait... quand de nouveau elle prit la parole.

« Tu es tout ce qu’il me reste. »

Le laissant soudain sans voix.

Cette phrase. Ces quelques mots anodins en eux mêmes mais qui prenaient une si lourde signification en cet instant.

Ce tutoiement, comme liberté d'une confidence qui peut-être ne se scellerait jamais plus de la même façon...

Ce front contre son épaule, ce souffle contre sa peau...

Ce frémissement contre son corps...

Ces mains contre lui...

Un instant, court, fugace, il sentit une chaleur l'irradier. Un besoin de réconfort plus fort encore... Une envie foudroyante, qui, s'il n'avait pas été si lasse, si douloureux, et si la jeune femme n'avait pas été si éprouvée, aurait été suivie d'une nuit ardente. Mais les mots qu'elle venait de prononcer le frappèrent de nouveau, le ramenant au temps présent, à la réalité, dure et abrupte, qui enveloppait la jeune femme en cette soirée presque sinistre.

"Tu es tout ce qu’il me reste." Se répéta-t-il dans son esprit, comme figé par tout ce que cela impliquait. Beaucoup.... beaucoup de choses. Trop de choses peut-être.... Et pas seulement pour elle, dût-il admettre en son for intérieur.

Cela sonnait comme un serment. Un serment à vie. Inviolable. Inexorable.

- Il s'agissait de révolutionnaires, se contenta-t-il de répondre d'une voix étonnamment douce, incapable de dire autre chose et préférant taire le reste.

Taire ce serment. Inutile de toute façon d'en dire plus, elle semblait avoir tout dit.

Et se disant, il se permit, d'un geste presque affectueux, de caresser le dos de la jeune femme, réprimant les tiraillements que ce simple mouvement imprimait dans son bras blessé.

- La vie continue, Limna. Et elle réserve bien des surprises. Bien des surprises, répéta-t-il d'un air soudain songeur.


(HJ : Enfin une réponse^^En espérant que même tardive, elle te plaise quand même Smile )
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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyVen 25 Mai - 22:01

Peu à peu, la chaleur de sa peau sous ses doigts parvenait à l’apaiser. Apaiser cette crainte dans laquelle ses propres mots venaient de la plonger. Elle se sentait faible, proie. Vulnérable de s’avouer ici même, alors que le prédateur n’aurait eu besoin de rien pour la briser, une telle faille. Un mot suffirait à l’Aîné, qu’elle sentait surpris contre elle, pour l’achever. Mais il ne venait pas, ce mot. Juste sous ses doigts le pouls du Conseiller qui s’emballait un peu. Signe d’une vie farouche, mais aussi d’un partage de ce sentiment d’inédit et de tension qu’elle avait elle-même. Ce constat, lâché presque avec innocence, et pourtant essentiel, était important.

Par ce silence qu’il laissa tomber, il l’admettait lui aussi comme tel.

Et le mot ne vint pas.

En lieu et place de la remettre dans un chemin plus adapté, il répondit à son autre question, lui fournit comme pour gagner du temps l’identité de ses bourreaux, de ses victimes. Des Révolutionnaires… Ils ne lui avaient pas seulement pris son avenir, son cœur, sa confiance. Ils avaient également pris cette vie qui avait voulu se développer en son sein. Ils avaient tué ce qui était peut-être la seule création de Limna qui ne serait pas chaos ou mort. Son frère était mort, Cyclaë et à présent ces hommes. Elle aurait été vie, une vie formidable, dense comme le câble d’un bateau. Et peut-être une vie faite de bienfaits. Oui, peut-être sa fille aurait-elle pu prouver à tous qu’elle était capable de créer quelque chose de fondamentalement bon.

Mais elle ne serait pas, et cela pour la Révolution. Parce qu’ils avaient voulu le lui ravir, lui. Qu’elle avait fait un serment et que dans sa quête de vengeance elle s’était offerte. Ses doigts tremblaient, davantage encore, sur la peau qu’ils effleuraient. Des larmes, salées et brûlantes, perlèrent sous ses cils tandis qu’elle se blottit plus avant, crispée.

Puis vint la main, dans son dos, et elle fondit comme la glace. Sous ces doigts qui la parcouraient… Avec compassion. Du moins semblaient-ils la parcourir avec compassion. Réconfort, mutuel, peut-être. Limna était inconsolable et tandis que cette main qui pressait son dos, rendue laborieuse par la douleur, diffusait à travers la fine étoffe de la chemise qu’on lui avait fait revêtir une chaleur patiente mais sure, elle s’enfouit plus encore dans cette étreinte. Voulue s’y noyer, disparaître dans ces bras qui n’étaient pas même ceux d’un amant. Juste ceux de cet homme à qui elle avait sauvé la vie, et qui avait tenté de sauver la Sienne. Elle était venue le trouver parce qu’il était l’ennemi de la Révolution qui portait aux nues les Olarils. Aujourd’hui, cet engagement prenait une dimension toute autre. C’était sa chair, qu’elle devait venger, son sang mutilé. Son être amputé de l’avenir qui aurait dû y fleurir. Cet homme, qui par-dessus tous avait entre ses mains le pouvoir de vaincre l’ennemi… Ces mains caressantes, presque tendres… Cet homme était plus important que jamais.

Il ne se rendait pas compte, sans doute, d’à quel point il pourrait l’être. Tous pouvaient penser Limna tourne-casaque. Traîtresse, sans autre but que de nuire… Stupide et vile. Mais dans ces bras, plus encore que lorsqu’elle avait ployé genoux devant lui afin de lui prêter serment, cette allégeance se forgea dans le plus inaltérable des aciers.

Elle étouffa un sanglot, se mordant les lèvres, lorsque contre son front elle sentit vibrer sa voix grave, et posée. La vie réservait des surprises.

Celles-ci attendraient jusqu’à son réveil. Car ici, tandis qu’elle s’abreuvait de cette étrange présence contre elle, elle demeurait inconsolable. Alors, sa voix brisée, elle laissa glisser dans l’étoffe : « C’est une leçon qu’apprendra la Révolution ». Sa main glissa dans la nuque de l’Aîné, et son souffle, irrégulier, disparut entre eux. Elle ne trouverait pas le sommeil, mais au moins pourrait-elle trouver contre lui l’illusion d’une protection… Il la lui rendait, silencieusement. Il avait beau être un prédateur, il faisait patte douce, et si elle ne se faisait nulle illusion sur le retour à la normale du lendemain… Sur le fait qu’en continuant, la vie restaurerait cette relation de très ample subordination. Mais ceci, comme le reste, serait mis entre parenthèse, le temps que l’un l’autre pansent leurs plaies. Qu’ils se rebâtissent à l’abri de ces draps, et des regards. Là où nul ne les chercherait, ni ne viendrait assister à cette faiblesse qu’ils partageaient non sans une certaine pudeur. Des larmes silencieuses se glissant toujours parfois au coin de ses yeux, sa gorge déjà malmenée plus douloureuse encore d’être nouée, elle chercha en vain l’oubli qui ne pouvait venir.

La vie continue.

Celle de qui… ?

Elle devait sombrer. Elle pouvait sombrer. Cette main dans son dos l’y autorisait. Elle achevait d’annihiler tout ce qui existait, et qui n’était pas serment, ou douleur.
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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyDim 30 Déc - 0:22

Combien de temps restèrent-ils enlacés ainsi, l'un contre l'autre, leur chaleur s'infiltrant en eux doucement mais sûrement dans une vaine tentative de réconfort ? Combien de temps restèrent-ils, leur souffle se mêlant presque dans un échange pourtant chaste malgré toutes les apparences, eux qui pourtant avaient déjà partagé des instants bien moins prudes ? Combien de temps restèrent-ils ainsi, dans les bras de l'autre, attendant que la reine Morphée daigne les bercer enfin dans son sein ? Riarg n'aurait su dire. Mais il s'était visiblement endormi dans cette position, tout près d'elle, tout contre elle, même si durant la nuit il avait roulé finalement sur le dos. Il ne s'était pas écarté, ni l'un ni l'autre, et Riarg papillonna doucement des yeux tandis qu'une faible lumière s'infiltrait jusque sous ses paupières, prêtant garde à ne pas bouger pour le moment.

Quelqu'un avait visiblement pénétré la chambre ce matin et avait ouvert les rideaux, invitant subtilement au réveil. Inutile de se demander qui était ce quelqu'un, Riarg ne savait que trop bien de qui il s'agissait. Son digne et fidèle Mertens, serviteur hors paire et plus même qui avait veillé si souvent sur lui et le faisait encore ce matin. Une odeur de boisson chaude et de pain aux fines épices agita ses sens, lui indiquant que l'homme avait veillé aussi à ce que le petit déjeuner soit prêt. S'il était rare que Riarg s'accorde de manger dans ce qui s'était transformé en chambre ces derniers temps, il n'allait pas cracher sur cette petite entorse à ses habitudes pourtant rigoureuses ce jour-ci. Il était perclu de douleur et sentait qu'il allait mettre du temps à arriver à se préparer décemment. Prendre des forces avant toue chose ne serait donc pas du superflu.

Sur ces pensées bien conciliantes, il ouvrit enfin complètement les yeux, pour constater que tout était prêt. Des bassines d'eau, aux serviettes, en passant par son nécessaire de toilette, de shabits propres, et pour lui, et pour la jeune femme.... Tout était là, et n'attendait que lui. Personne en vue. Même si Riargne doutait pas que le serviteur n'était guère loin, aux aguets, si jamais son maître venait à avoir besoin de lui... Félicitant mentalement l'efficacité et la discrétion de ce cher Mertens, l'Aîné tourna enfin la tête vers la source de chaleur qui irradiait à son côté.

Limna, nota-t-il, tous les événements de la veille revenant alors en force dans son esprit encore embrumé par les vapeurs du sommeil. Limna, dont les yeux étaient fermés, dont le souffle semblait serein, et qu'uaun geste ne semblait agiter. Dormait-elle ? Elle en avait l'air... mais quelque chose faisait douter Riarg, sans qu'il puisse dire quoi exactement. Il se permit un instant de la sonder de ses perles de jais, son regard se faisant presque caressant tandis que ses sens d'homme se réveillaient à la vue de ses divines courbes féminines à portée de main. Main qui était d'ailleurs pour l'une d'entre elles encore sur la hanche de la jeune femme, en un geste presque possessif, comme interdisant à quiconque de toucher ce qu'il avait touché lui-même. Ce qui, en son for intérieur, n'était pas loin d'être le cas d'ailleurs.

Il se surprit alors quand sa main fit unr douce caresse en cercle concentrique sur la hanche ainsi offerte, sans pour autant aller jusqu'à faire glisser la chemise qui recouvrait la jeune femme. Il fut un court instant partagé entre assouvir un brusque désir d'homme, et son souci des convenances qui lui nterdisait de profiter ainsi de la possible faiblesse de la tigresse à ses côtés. Quoique faiblesses... A sentir les courbatures et douleurs qui parcouraient tout son corps, il n'était pas bien sûr de savoir lequel des deux seraient alors le plus faible. Et il préféra s'interdire tout simplement de se poser plus en avant la question.

Au lieu de cela, il se contenta en un soupir résigné, de relever le regard sur le fin visage... pour y rencontrer deux perles azur grandes ouvertes et le dardant calmement. Pris de court, ne s'étant pas attendu à la voir s'éveiller ainsi sans aucun autre signe avant coureur, et peut-être aussi quelque peu gêné du geste osé qu'il venait de se permettre à l'instant, il laissa planer un étrange silence entre eux. Avant de, n'y tenant plus, finir par le rompre d'une voix un peu trop rauque pour être honnête.

- Bonjour Limna.


Un autre silence. Et finalement il se décida à tenter de se lever, se relevant doucement et bien douloureusement sur un coude, tentant de s'asseoir sur le lit dans un premier temps. C'était dans ces moments-là qu'il sentait le poids des années peser sur lui et prendre toute son emprise sur lui. Qu'il haïssait vieillir !

[HJ : voici une réponse fort tardive... j'avais un peu oublié ce Rp je l'avoue, j'en suis confuse Embarassed Si jamais tu n'avais plus aucune envie ni aucune inspiration pour le poursuivre, nous pouvons le clôturer là sans aucun souci et reprendre sur dautres bases Wink]




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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyLun 4 Mar - 19:30

Nuit de paradoxes, aussi longue qu’elle avait été brève. Limna n’avait qu’à peine dormi, par petites séquences, ce qui dans son état était déjà une chance. Ca avait alors été d’un sommeil parcouru par des rêves sombres, peuplés d’ombres, de silhouettes mal définies. Des rêves qui l’avaient saisie à la gorge et empoignée comme une poupée de chiffon, pour ensuite la laisser aller à l’éveil dans une sueur glacée. Elle n’avait pourtant esquissé aucun geste brusque, ni même de cris. Elle s’était au contraire contentée d’ouvrir les yeux en silence, posée jusque dans sa terreur, son souffle coupé, sans jamais éveiller l’homme contre lequel elle reposait. Cet homme qui la surprenait, chaque fois, par sa présence. Il lui fallait alors quelques secondes pour démêler le conscient du délire, ses muscles retenant comme des sutures les fils de ses hallucinations. Puis elle sombrait à nouveau. Flux et reflux d’elle-même, parfois juste à moitié, parfois totalement.

C’est dans cet état qu’elle eut conscience des va et vient du fidèle serviteur de l’Aîné. Ils commencèrent plusieurs heures après que Riarg se soit endormi, annonçant bien avant l’heure une Aube qui ne saurait tarder. Limna la redoutait, car elle rimait avec un retour à la vie, retour terrible. Au plus profond d’elle-même la douleur toujours de sa perte, et de son absence, lui rappelait quels allaient être ces regards qui se poseraient sur elle. En installant la chambre, Mertens installait donc en Limna une angoisse qu’il ne pouvait pas soupçonner. Il avait vu par deux fois les yeux de la jeune femme braqués sur lui, de sous le bras que Riarg avait laissé sur elle, et avait soutenu ceux-ci sans tressaillir. Et pourquoi donc l’aurait-il fait ? S’il avait à son encontre un quelconque sentiment, qu’il soit fait de défiance ou de compassion, il ne le lui laissa pas voir, et poursuivit simplement son manège, jusqu’à enfin ouvrir les rideaux, le ciel encore sombre alors.

Limna s’endormit alors, de son premier véritable sommeil de la nuit, hélas de fort courte durée.

Elle dormait, lorsque Riarg s’éveilla. Certes pas sur ses deux oreilles, mais suffisamment pour que le mouvement de sa main sur sa hanche ne l’éveille. Loin du désir, du fait de son état, Limna n’en apprécia pas moins la douceur du geste, conservant ses yeux clos quelques secondes, avant de finalement poser sur le conseiller un regard sérieux. Celui-ci l’observait elle, son corps, mais pas son visage. Pas son regard où brilla une seconde la détresse, comme ça chacun de ses réveils, alors que lui revenaient les images de la veille. À l’odeur de nourriture, elle aurait pu les écarter un temps, mais il n’en fut rien, et au lieu de cela elle demeura, comme pétrifiée, avec pour seule amarre la chaleur qui irradiait à travers sa chemise.

Il n’avait pas non plus l’air en forme, son visage marqué, il avait l’air plus vieux, et plus las que d’ordinaire. Il avait pourtant mieux dormi qu’elle, mais pas assez, sans doute, pour que son corps récupère des sévices subis. Son geste n’avait pas gêné Limna, qui dans une innocence délibérée avait écarté de ses pensées tout érotisme, aussi se contenta-t-elle de hausser les sourcils devant la gêne de l’homme, lui rendant son silence avec calme. Le ton de sa voix rappela aussi à la chasseresse la souffrance qui hantait toujours sa gorge, malmenée la veille.

Bonjour.

Elle demeura muette, encore un peu, jusqu’à ce que finalement il se redresse. Elle demeura allongée encore un temps, roulant sur le dos, et rompant le lien de leurs regards. Toujours sans un son, elle leva l’une de ses mains à son cou, dont elle apprécia les difficultés avec un rictus acide, puis ferma les yeux et la glissa sur son ventre, lui aussi perclus. Parler, et s’asseoir allait être difficile, mais il avait fait l’effort. Elle tourna vers lui son visage livide, percé de sa lèvre fendue et de sa pommette rougie, toujours d’un sérieux absolu. Nul sourire pour celle qui avait perdu sa chair. Ce matin était un matin de vie, pour eux, mais aussi de mort pour une partie de la chasseresse. Elle ne pleurait plus, ne sanglotait plus, mais le vide demeurait. Un vide qu’il lui faudrait du temps pour combler. Autant de temps qui ferait aussi revenir à ses lèvres un sourire.

« Bonjour. »

Sa voix à elle était au-delà du rauque. Et cette brisure qui l’éraillait tant n’était pas due à la gêne, mais bel et bien à la douleur. Ses cordes vocales avaient souffert. À elles aussi, il leur faudrait du temps pour que l’Hirune retrouve son timbre normal. Pour l’heure, elle ne pourrait parler que dans un souffle, exposant à chaque mot sa vulnérabilité.

Elle aurait pu lui demander s’il avait bien dormi, s’il se sentait mieux. Prendre soin de son maître comme se devait de le faire toute créature asservie… Mais elle ne l’était plus tout à fait, il avait envers elle un engagement. Il l’avait tutoyée. Lui l’Ilédor, le presque-roi. Avec un soupir, elle releva ses coudes et s’en aida pour s’asseoir à son tour, à côté de lui. Ce faisant, elle glissa un peu de sous les draps, l’étoffe découvrant ses jambes diaphanes, si lourdes quand elles étaient d’ordinaire si toniques, leur explosivité comme étouffée par du sable. Elle remonta le drap jusqu’à sa taille, une pointe de douleur vrillant un instant ses entrailles tandis qu’elle fermait les yeux, concentrée. Elle ne les rouvrit que quelques secondes plus tard, et hasarda dans la pièce un regard circulaire. Tout ici était si propre… Jusqu’à sa chemise, et à ces draps blancs sur lesquels l’Aube déversait une lumière neigeuse. Un univers de pureté, quasi virginal. Il ne leur allait pas bien, mais il était, au moins, confortable.

Ce silence probablement gênant pour Riarg (quoi qu’il ne le fut pas pour la chasseresse, capable de demeurer silencieuse des heures durant), elle chercha de quoi le briser. Un mot, une phrase. Donner à la vie une chance de reprendre son cours, sans quoi jamais elle n’aurait sa vengeance.

« Peut-être devrais-je me retirer. »

Elle avait dit cela à voix basse, sans trop de conviction, mais désireuse de ne pas l’entraver. Elle pouvait se retirer au plus profond de ses appartements, et y sombrer, le temps de retrouver ses esprits. Sauvegarder les apparences, en cas de visite impromptue. Dans sa tanière se terrer et disparaître. Sa respiration était infime, pour ne pas être douloureuse, et elle se sentait nauséeuse de ne pas absorber suffisamment d’air. Relevant l’un de ses genoux, elle y appuya l’un de ses coudes et avec un nouveau rictus posa sur la paume de sa main son front. Elle transpirait. L’odeur de nourriture aurait pu être alléchante, si elle n’avait eu cette impression d’avoir au bout des lèvres son cœur affolé. Pour autant, et malgré ce que laissaient entendre ses mots, elle ne se sentait pas en état de marcher. Pas même de tenir debout. Les yeux clos, aveu rare de sa faiblesse, elle reprenait son souffle, sentant toujours à ses côtés la chaleur de Riarg.
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MessageSujet: Re: Le prix de l'allégeance   Le prix de l'allégeance EmptyLun 17 Juin - 9:18

S'il fut surpris qu'elle lui réponde, surtout pour lui souhaiter une "bonne journée" après ce qu'elle avait vécu, ce qui lui semblait même à lui bien ironique, il fut plus surpris encore par la voix qu'elle lui offrit. Douleur, lui disait-elle. Et il se demanda un instant quelle douleur était la  plus intense, la douleur physique d'un corps malmené, ou la douleur psychique de l'être perdu.... Bien entendu, rapidement, la réponse se fit dans son esprit : la douleur psychique. Lui-même se sentirait accablé à la perte d'un enfant. Non, pour tout dire, il se sentait déjà accablé par la perte d'un enfant, même si dans son cas ce n'était pas Dame la Mort qui le lui avait ravi, mais Dame Traitrise.

Chassant finalement les sombres pensées qui menaçaient de l'assaillir, il reporta son attention sur la jeune femme qui se relevait douloureusement en position assise. Même dans la douleur, il ne put s'empêcher de contempler la beauté qu'elle lui dévoilait. Non, en cette journée ils seraient sages. Ce n'était nullement le moment de se laisser aller à des envies d'homme et de plaisir quelconque,  et tous deux en seraient de toute façon incapable. Mais cela ne l'empêchait pas d'aimer contempler ce qu'elle exposait en tout innocence.

« Peut-être devrais-je me retirer. »

Ces simples mots le tirèrent enfin de la léthargie étrange dans laquelle ses pensées tourbillonnantes l'avaient plongé.

Oui, la décence et la bienséance auraient exigé effectivement qu'elle se retire. Mais... 

Mais ils avaient déjà laissé ces concepts là derrière eux la veille au soir. Quand elle était venu le "délivrer", quand il l'avait soutenu dans ses bras au-delà de ses propres forces... quand elle avait perdu son enfant pour lui sauver la vie à lui... Oui, ils avaient déjà dépassé, sans qu'il ne sache comment, la bienséance que la Cour ilédore lui imposait d'ordinaire.

Tout à ses pensées, Riarg ne prit pas garde au temps qui s'écoulait. Qui s'étirait même, alors qu'il le laissait filer, pesant le pour et le contre de ce qu'il s'apprêtait à proposer.

Pour tout avouer, il aurait dû lui dire de se retirer, de retourner dans ses appartement, mais il n'en avait nulle envie et nul courage. Il n'avait déjà aucune envie de se retrouver seul, avec lui-même, en ce début de journée qui s'annonçait déjà éprouvante. Ensuite... Et bien trop de sentiments étranges se bousculaient en lui pour qu'il parvienne à mettre des mots dessus, lui pourtant si froid et si rationnel dans ce genre de relations d'ordinaire. Il n'avait juste aucune envie qu'elle parte et délaisse ses appartements.

- Peut-être... Peut-être pourriez-vous rester un peu. Si toutefois... si toutefois cela vous convient. Vous regagneriez vos appartements plus tard, quand vous vous en sentirez la force et l'envie. En gardant toute discrétion bien entendu.

Ou comment lui faire entendre que rester signifiait aussi ne pas se faire remarquer outre mesure. Il serait malvenu de voir dans les appartements de l'Aîné une jeune chasseresse qui n'avait encore aucun réel statut dans leur monde.

- Je ferais mander un guérisseur auprès de vous d'ailleurs, cela ne serait pas du superflu, ajouta-t-il, son ton reprenant ce ton de commandement dont il avait si bien l'habitude.

Il se doutait qu'elle n'avait nulle envie de voir quiconque, encore moins un quelconque guérisseur, tout comme lui-même n'en avait pas non plus envie, mais il ne lui laissait pas le choix. Tout comme lui se plierait à cette "formalité" nécessaire, elle devrait aussi s'y plier. Ils ne pouvaient se permettre de trainer leurs douleurs physiques plus que nécessaire. La douleur morale serait bien assez longue déjà à s'apaiser.

Se disant, il se leva finalement, ses articulations craquant durement sous l'effort, manquant de le faire rougir de honte face à cette manifestation nette de la vieillesse qui le rattrapait face à la jeune nymphe encore dans son lit. Il préféra faire fi des courbatures qui le parcoururent et se dirigea vers les frugalités que Mertens leur avait préparées pour ce début matinal. Des frugalités en quantité suffisante pour deux personnes, nota-t-il. Ce fidèle serviteur ayant deviné que la jeune femme aurait les faveurs de son maître ce matin encore.

- Mangeons un peu, en attendant. Je devrais ensuite vous délaisser pour me préparer et retourner vaquer à mes tâches. Mais vous pourrez rester ici, tant que discrétion sera votre règle, et mon fidèle serviteur veillera à ce que vous ayez tout ce dont vous avez besoin.

L'Aîné avait parlé. Ainsi serait-il donc.
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